On la connaissait sous le sobriquet de Charlène de
Paris. Toutefois prenez garde à lui attribuer un quelconque titre car la
particule n’est pas une marque de noblesse. De plus, Charlène ne venait
aucunement de Paris. Je me demande même si elle avait déjà mis les pieds dans
un aéroport. Non Charlène était la gérante du maquis-bar « Paris » à
Yopougon Toits-Rouges où les toits ne sont pas tous rouges. Sa réputation, elle
l’a acquise au prix de mille dehanchements et de nuits partagées auprès de
certains êtres mi-hommes mi-animaux. Non ce ne sont pas des cousins du
minotaure mais ils n’ont pas besoin d’etre taureaux pour brouter.
Charlène de Paris revait de la Tour Eiffel mais à défaut
du visa pour Bengué, elle avait le visage pour bringuer. Sa fine silhouette ponctuée de rondeurs bien définies
à des endroits précis a vite fait de lui attirer les faveurs des hommes
« forts » du moment. Un passage à l’hôtel « passe on n’a rien
vu » était suivi d’une lourde descente de boucantiers à
« Paris » la nuit suivante.
Son maquis-bar restaurant lui procurait des sous,
assez de sous pour s’offrir le voyage dont elle avait toujours rêvé. Seulement,
l’ambassade répondait toujours niet à sa demande de visa sans lui fournir la
moindre explication. Déterminée à marcher le long de la seine, elle se rabattit
sur les agents de voyages des rues de Treichville. Ces agents sans bureau qui
te font voyager dans le chaos. Se fiant à quelques malfrats elle misa toute son
épargne en espérant aussi visiter l’Espagne.
Elle se retrouva sans sou à Paris...de
Yopougon.
En quête de show j’ai rencontré Charlène de Paris.
Elle s’occupa personnellement de moi lorsque je lui dis que je vivais à Paris. Mes
amis de galère m’avaient soufflé que c'était le mot de passe. Une promesse de
logement à château rouge et je fus traité tel un prince. Je n’eus pas à débourser
le moindre franc pour profiter d’une soirée arrosée avec quelques amis. Elles sont malheureusement nombreuses ces filles qui se laissent bercer d'illusions. Toutefois, le rêve parisien de certaines facilite le commerce pour nous autres vendeurs d'illusions. Cela fait
quelques semaines que je n’ai plus de nouvelles de Charlène. Dans la promiscuité
de mon entrer-coucher à Mossikro j'espère qu'elle a finalement pu arriver
chez De Gaulle.
Bengué: surnom que les ivoiriens donnent à la France
Boucantier: personne aimant afficher son aisance materielle pour impressionner les autres (attribué aux artistes du coupé-decalé à l'origine)
Mossikro: quartier précaire dans la commune de Yopougon
Mossikro: quartier précaire dans la commune de Yopougon
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