Affichage des articles dont le libellé est Culture. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Culture. Afficher tous les articles

samedi 27 juin 2015

Maïmouna: de préférence avant l'adolescence



Retourner aux sources et utiliser ces sources pour aller de l’avant, c’est bien ce que j’entends faire depuis quelques mois. En attendant d’avoir la chance d’écouter de vive voix certaines traditions orales, c’est vers les livres que je me tourne. Cependant, ce ne sont pas des livres d’histoire que je lis mais de la fiction. De la fiction inspirée de la réalité. J’ai toujours été friande d’auteurs Africains mais me suis trop souvent contentée de lire « ivoirien ». Ayant vu mon enthousiasme pour les livres baisser au fil des années, je suis bien contente de cet amour renouvelé pour les lettres, qui me permet de voyager au gré des mots de l’écrivain.

Par le titre et la photo vous l’avez compris; le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est Maïmouna d’Abdoulaye Sadji. L’auteur Sénégalais fait partie de ces grands hommes qui se sont engagés pour l’indépendance des pays Africains mais surtout pour défendre la culture du continent par le biais de l’écriture. À travers l’histoire de Maïmouna, Abdoulaye Sadji dénonce la perte des valeurs de la jeunesse sénégalaise et par extension africaine selon moi. C’est le lieu pour lui de nous rappeler que nous devons certes nous ouvrir au monde extérieur mais il est important de ne pas oublier ses racines.


« Les tams-tams avaient cessé brusquement, comme malgré eux. Elle était là, la fille de Yaye Daro, grande, claire, éclatante. Tâche fraîche et reposante au milieu de ce monde sans grâce (…) Maïmouna avait l’habitude des foules enthousiastes. Un cri s’éleva et l’impressionna un instant : « Vive l’étoile de Dakar. » »

Vous l’avez compris, Maïmouna est belle, superbement sculptée et attire de ce fait les regards partout où elle pose les pieds. Née et grandissant dans un village reculé sous l’aile protectrice de sa mère la veuve Yaye Daro, Maïmouna se prenant déjà pour une grande ne rêve plus que de quitter son bourg pour la capitale. Devant le refus de Yaye Daro, elle en devient malade jusqu’à oublier tous les efforts consentis par cette dernière et à faire preuve d’insolence. La pauvre Yaye Daro, consentit finalement à laisser sa benjamine rejoindre l’aînée à Dakar. « La parole des vieux peut rester tard dans la forêt, mais elle n’y passe pas la nuit. » Le livre d’Abdoulaye Sadji est plein de proverbes africains mais celui-là est surement le plus à même de décrire à quel point le vieux assit, voit plus loin que le jeune debout.

Déjà dans son Louga natal, la beauté de Maïmouna ne passait pas inaperçue, alors imaginez un peu ce qu’il en est advenu lorsqu’elle fut relookée à Dakar par les soins de sa sœur Rihanna. Seulement voilà, en plus d’être têtue, Maïmouna est jeune et naïve. La pauvre n’a pas compris que l’amour c’est beau mais ça cogne souvent et très durement. Après lui avoir offert la beauté, la gloire, la richesse et la passion, la vie a finalement reprit à Maïmouna tout ce qu’elle lui avait donné et même plus encore.



Bien que paru en 1958, ce livre est toujours d’actualité. Ce n’est pas toujours facile pour nous, jeunes, de comprendre les mises en gardes des anciens. En effet avec ce monde qui évolue vite mais surtout animés par nos passions, et ce que nous croyons être de l’amour, il arrive parfois que nous foncions la tête la première vers des abîmes profonds. Il est difficile pour nous de croire que ces vieux qui ne savent même pas comment utiliser un smartphone puisse nous donner des conseils adaptés à nos nouvelles réalités. Évidemment nous pouvons soutenir qu’il faut faire des erreurs pour apprendre, vivre sa propre expérience. Et pourtant il est des fois où l’expérience et les erreurs des autres devraient être nos meilleurs enseignants. L’Etoile de Dakar l’a appris à ses dépens. Comme me disait quelqu’un lorsque j’ai posté la photo du livre sur Instagram, Maïmouna est un livre à lire avant l’adolescence. En espérant qu’il serve de leçon aux jeunes gazelles qui auront la chance de le parcourir… 


Avez-vous lu Maïmouna? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

mercredi 17 septembre 2014

CES PRENOMS QUI DERANGENT...


Petite j’étais le souffre-douleur de mon grand frère Nonyaha (laissez-moi au moins un) mais on le lui pardonne. L’une de ses blagues favorites pour me mettre dans l’embarras est la suivante “Quand on devait lui choisir un prénom, il y a une mouche qui est passée devant maman et celle-ci s’est écriée oh mais putain ! L’officier chargé d’établir l’acte de naissance a alors écrit Pitin sur son extrait.” Si j’explosais en larmes face à ce genre de jeux de mots et de blagues toutes pourries (j’étais une petite fille), aujourd’hui j’aime bien TOUS mes prénoms. Silué Tchonté Pitin Mireille, c’est ainsi que mes parents ont choisi de m’appeler. Pitin la mère de Papa était également la fille de Tchonté – le grand père de papa – aussi, j’ai finalement compris que ces deux prénoms me permettaient de jouir de certains privilèges. Mais bon cet article n’a pas pour but de parler de moi mais plutôt de ces prénoms africains qui dérangent.

Le peuple Sénoufo dont je suis issue n’est pas réputé pour son poro et son folklore uniquement mais aussi pour ses prénoms atypiques. S’il existe des prénoms propres à chaque tribu africaine, ceux des Sénoufo sont surtout connus pour leur longueur et prononciation difficile. Ainsi Gninhinninchionni (Dieu est avec nous) l’une de mes amies a préféré mettre G. sur son compte Facebook pour ne pas avoir à l’écrire en entier et à le prononcer pour certaines personnes. J’avoue moi-même avoir eu beaucoup de mal à appeler Pénégnanon (c’est parce que vous avez vu que je suis seul) un autre de mes grands frères quand j’étais plus jeune. Seulement peu de gens s’intéressent à l’histoire et à la signification de ces prénoms. Les détenteurs eux même plutôt que de s’enorgueillir de leurs beaux prénoms africains s’empressent de donner le prénom dit « français » lorsqu’on leur demande de déclarer leur identité.

D’aucuns diront que les prénoms français sont plus faciles à prononcer et donc plus commodes tandis que d’autres cherchent à échapper aux moqueries de leurs amis parce que portant des prénoms ridicules aux yeux des autres. Lorsqu’il s’agit de mettre une photo dans une tenue pagne et de déclarer que nous sommes Africains et fiers de l’être, pas besoin de se faire prier. Mais lorsqu’il faut porter cette même fierté à travers nos prénoms, nous nous défilons très rapidement.

Selon la croyance populaire en Afrique, le prénom que porte une personne peut influencer son caractère. Si cela s’avère vrai, je comprends mieux la multitude de statuts sur Facebook de mon cousin Songrofohl dont le prénom signifie « celui qui pense beaucoup ». Hemtcha désigne une personne qui rassemble tandis que Kignelman est une expression signifiant « tout ce que je fais est dans la main de Dieu ». Certains prénoms ont des significations multiples. C’est le cas de Soukpafolo qui se dit d’une personne en qui l’on peut avoir confiance et signifie également la volonté du cabri (aux temps jadis, la majorité des Sénoufo adorait les animaux). Mais n’allez pas croire que tous nos prénoms sont aussi "fantaisistes" car certains tel que Kolo (attribué à un enfant né à la suite de jumeaux) sont très "jolis" et "simples" aux yeux de tout le monde.  

Chez d’autres peuples, j’apprécie aussi les prénoms de certaines amies comme Singa et Wonseu qui signifient respectivement « or » et « bonheur » en Yacouba, ou encore Kossia généralement attribué aux personnes nées le dimanche chez les Abron.


Je pourrais vous citer toute une panoplie de prénoms africains aussi beaux et lourds de sens les uns que les autres mais il ne suffit pas de s’appeler Tchonté Pitin et de l’arborer fièrement pour prétendre défendre son identité culturelle. Lorsque je saurai parler et comprendrai parfaitement ma langue maternelle, je reviendrai vous enquiquiner sur notre pseudo fierté qui se limite très souvent à notre accoutrement. 

Sinon, c’est quoi votre prénom africain ?