mercredi 2 septembre 2015

La grève des Bàttu, l'incontournable d'Aminata Sow Fall


Il y a certains livres que tout le monde – les Africains en particulier – doivent lire. La grève des Bàttu fait partie de ces œuvres que l’on qualifie de classique dans la littérature Africaine. Ce n’est pas fortuitement qu’Aminata Sow Fall a reçu le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour ce roman. 


On dit souvent que la main qui demande est toujours en bas. Que se passe-t-il donc lorsque celui qui donne devient le quémandeur ? C’est ce que nous propose Aminata Sow Fall avec cette grève imaginée – et inattendue – des mendiants. Dans la « Grande Ville » d’un pays africain, ces derniers sont pourchassés, brutalisés, afin qu’ils quittent les trottoirs et autres lieux où ils gagnent leur pitance. La raison ? Il faut assainir la ville pour favoriser le tourisme. Les autorités ne veulent plus voir ces personnes qui, une petite calebasse (bàttu) à la main, assaillent les « honnêtes » citoyens pour survivre. Las de se voir traiter comme des bêtes, ces mendiants décident de se regrouper dans la maison de Salla Niang, où désormais ils acceptent les aumônes selon leurs propres règles. Mour Ndiaye, directeur général du service de la Salubrité Publique, après avoir vivement encouragé son subalterne Kéba Dabo dans cette guerre aux porteurs de bàttu, se retrouve face à une situation difficile. Pour obtenir ce qu’il désire le plus au monde, il a besoin de ces «ombres d’hommes» et de leurs calebasses…



Dans La grève des Bàttu, Aminata Sow Fall nous met en garde contre la déshumanisation. L’auteure pointe du doigt l’ambition malsaine de certains individus qui, pour gravir les échelons sont prêts à tout. Avec Mour Ndiaye, on découvre de nombreux défauts de l’homme, noir en particulier. Ndiaye représente ces chefs qui font faire tout le travail par les autres et se contentent de ramasser les lauriers. Des hommes qui en atteignant les sommets décident qu’il faut agrandir leur harem pour montrer des signes de prospérité; et ce malgré les sacrifices consentis par la première épouse. La quête du pouvoir dans laquelle se lance le personnage principal lui apprendra et à nous aussi par la même occasion que personne n’est trop petit ou trop pauvre pour être respecté.


La mendicité existe partout en Afrique et même ailleurs sous différentes formes. Toutefois, les Africains pourtant réputés pour leur sens du partage, deviennent de plus en plus insensibles face à la misère de leurs semblables. J’avoue avoir déjà eu de nombreuses discussions avec des amis et des proches pour justifier ce fait. Nous n’arrivions pas à admettre qu’une personne bien portante, sans aucune infirmité, décide de tendre la main plutôt que de travailler de ses dix doigts. Et pourtant… On pourrait énoncer toutes sortes de raisons qui pousse des gens à quémander mais chacun a surement sa propre histoire. La mendicité n’étant pas à encourager, il nous faut trouver une solution pour permettre aux démunis de gagner leur pain quotidien autrement qu’en quémandant ou en volant. Cependant, leur condition de mendiants n’est en aucun cas une raison suffisante pour que des personnes soient traitées comme des sous hommes. D’ailleurs pour les croyants de nombreuses religions, la charité ne sous déleste en rien, bien au contraire ! En donnant de nos biens, nous apprenons à nous désintéresser du matériel et à accumuler des bénédictions et des bonnes œuvres pour l’au-delà...

Tout comme L’appel des arènes, La grève des Bàttu est écrit simplement et agrémenté de quelques mots et expressions wolofs. Ce roman fait partie des incontournables de la littérature africaine et je vous le recommande vivement !