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jeudi 2 juin 2016

Mes belles imperfections


Ça fait plus d'une heure que je me tiens devant le miroir. L'image que la glace me reflète me plaît. Tout est parfaitement dessiné. Je n'ai rien à envier à Beyonce et Rihanna. Et je ne leur envie rien. Je me tiens toute nue et j'admire chaque partie de mon corps. Derrière je peux voir mon mari. Il se retourne encore dans les draps. La nuit dernière n'a pas été de tout repos. Tous les endroits de la maison ont été visités. Malgré tout ce sport nocturne, je me suis levée de bonne heure. Comme tous les jours depuis que je suis mariée. Je souris en pensant à ma première rencontre avec Emmanuel. C'était la première fois que je le voyais. Mais lui m'avait déjà remarqué depuis bien longtemps. Il m’a adressé la parole après une réunion du club de business. Nous sommes d'abord devenus amis. Jamais il n'a eu un geste déplacé, un mot à l’envers. J'étais donc à mille lieues d'imaginer ses sentiments. Nous étions tous les deux étudiants à l'Université Internationale de Grand Bassam. Il entra dans ma chambre un soir. Il était presque l'heure du couvre-feu. Tous les garçons étaient partis dans leur résidence. Sa mine témoignait de son embarras. "Sabine j'ai quelque chose à te dire." C'était la première fois que je le voyais ainsi. Ses mains tremblaient et ses yeux étaient baissés. Je ne répondis pas. J'attendais qu'il continue de lui-même. 

- Tu sais que je pars à Atlanta dans deux semaines.

- Ah oui je sais. Tu n'as pas besoin de faire toute une cérémonie pour ça.

- Tu m'as dit que toi tu irais à Mankato. Ce qui veut dire qu'on ne sera plus ensemble.

- Tu aimes ça hein! Il y a Skype, WhatsApp, Viber etc. On sera toujours amis. Personne ne te remplacera.

- Justement je ne veux plus qu'on soit amis.

-Ayi! Tu as quel problème ?

-Je te trouve belle ah! Depuis je parle, je baisse la tête, tu ne peux pas lire entre les lignes? A chaque réunion j’ai les yeux braqués sur toi. Lorsque tu te tiens debout au milieu des autres, je ne vois que toi. Lorsque je me tiens devant tout le monde, c’est pour toi et uniquement toi. Je me mets en valeur pour que tu me voies. Je suis fan de toi! Non je t'aime. Si je dis fan seulement tu ne vas pas comprendre. Bon je m'en vais ils vont fermer les portes.



J'ai mis du temps à m'en remettre. C'était bien la première fois qu'un garçon me trouvait belle. J'avais eu droit à "tu es charmante, tu es intelligente, tu es mignonne " et tous les autres compliments qu'on utilise pour ne pas te dire clairement que tu es moche. Je savais que j'étais intelligente. Mais je ne sentais pas mon corps et mon esprit en harmonie. L'homme couché derrière moi m'a appris à aimer mes imperfections. Chacune de ses caresses atteste de ma beauté. Chacun de ses baisers me dit que je n'ai rien à envier aux autres.

Debout devant le miroir, je regarde mes bras. Autrefois je les trouvais difformes. Je les trouvais trop gros par rapport à mon tronc. Je trouvais mes fesses trop plates. Et mon visage ? N'en parlons pas. Ces lèvres qu'aujourd'hui j'appelle voluptueuses, je les traitais de volumineuses. Emmanuel m'a aidé à avoir un autre regard sur mon corps. Il m'a appris à aimer ce corps que je rejetais. Oh j'en ai entendu plein dire qu'il faut s'aimer soi-même. Ils disent qu'on ne doit pas attendre quelqu'un pour nous dire qu'on est belle. C'est vrai. Mais c'est toujours un plaisir d'entendre mon chéri me dire à quel point je suis magnifique. Quand je me tiens devant la glace, je ne vois plus une jeune fille petite et rondouillette. Je vois une femme de taille moyenne avec des rondeurs. Je vois une femme belle, intelligente et amoureuse. Quand Emmanuel me regarde comme il le fait actuellement du lit, je n'envie aucunement Beyonce ou Rihanna. Je me glisse dans les draps à ses côtés et je respire son odeur de mâle. Et pour ceux qui pensent que je ne me trouverai plus belle s'il me quitte, vous vous trompez. Il m'a appris à aimer mais surtout à m'aimer avec ou sans lui.

mardi 2 février 2016

Le collier de paille ou les amours interdites d'une citadine


Je crois bien que j’ai un faible pour la plume des Sénégalais. Après La grève des battu, L’appel des arènes, Le malheur de vivre, Maimouna, et Le ventre de l’atlantique, j’en remets une couche avec Le collier de paille que j’ai pratiquement dévoré. Si vous aimez les romances, mais pas forcément dans le genre Harlequin ou Adoras, c’est encore un livre que je vous recommande à l’instar de La porte étroite et de Orgueil et préjugés. Découvrez mon compte-rendu sur la page Rythmes d’Afrique, Racines.




mardi 19 janvier 2016

Jeux de mots...



Cela faisait plus d’une heure qu’il était assis là, les yeux rivés sur ses mots croisés. A quelques centimètres de lui, une canne à pêche, la ligne plongée dans l’eau était aussi immobile que l’homme à côté.

« Un mot de cinq lettres exprimant un sentiment universel profond. Voyons voir ! Haine ? Hum non ça ne colle pas. Peut-être désir. Ah oui ça pourrait être ça ! Le désir n’est-il pas le sentiment le plus profond qu’il m’est été donné d’expérimenter ? J’ai tout désiré : l’argent, les voitures, le pouvoir, les voyages, les femmes. Surtout ce dernier élément ; et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis assis ici tout seul. Je me souviens que j’avais pourtant un meilleur ami. Il n’y a pas si longtemps de cela - ok une bagatelle d’années tout de même - Francko et moi étions inséparables. Rencontrés à la fac, nous avons depuis, presque tout fait ensemble. Les premières fêtes d’étudiants, le premier joint aussitôt regretté, les premières dragues aux soirées estudiantines, l’achat de la première voiture, la quête du premier boulot, le prêt pour la première maison… En 8 années d’amitié, on peut dire que nous étions devenus de vrais siamois. Jusqu’à ce qu’elle apparut. Belle…Ce prénom lui allait comme un gant. Ses cheveux blonds bouclés lui donnaient un air enfantin du haut de ses 45 ans bien comptés. Et ces fossettes lorsqu’elle souriait… et elle souriait beaucoup quand elle me voyait. Le jour où il me la présentât, Francko me lança immédiatement le regard qui voulait dire « pas touche ». Il savait mon obsession pour les femmes au joli minois et sans aucun doute Belle était magnifique. Ce que Francko ignorait cependant et que moi aussi j’allais découvrir, est que plus l’objet de mon désir était inaccessible, plus grande devenait mon envie de le posséder. Aussi, chaque fois que nous nous retrouvions tous les 3, je devais adopter une attitude d’indifférence pour éviter de trop la côtoyer et de faire dégénérer les choses. Je faisais preuve d’une ridicule politesse envers elle en lieu et place des taquineries dont je gavais tout mon entourage. Francko s’était rendu compte de mon changement mais ne dit mot sur le sujet. Un soir, j’allai lui rendre visite mais grande fut ma surprise de rencontrer Belle toute seule à la maison.

- Ton ami est allé m’acheter quelques babioles à côté mais il revient tout à l’heure.
- Ah d’accord. Eh bien, je vais l’attendre dehors alors.
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Assieds-toi devant la télé pendant que je t’apporte quelque chose à boire.

Bien malgré moi mes fesses se posèrent sur le canapé et ma main se saisit de la télécommande pour mettre le téléviseur en marche. Le match des Giants avait déjà débuté alors je pris finalement mes aises. Absorbé par la raclée que se prenait nos géants par les Braves d’Atlanta, je ne me rendis pas compte que cela faisait plus de 30 minutes que j’attendais Francko. Je sentis tout d’un coup un parfum, envoutant envahir la pièce. Un mélange de fraise et de vanille combiné à un je ne sais quoi de sensualité que je ne pourrai jamais oublier. Sous mes yeux, apparut un corps affriolant qui ne semblait pas appartenir à une dame de 45 ans. Je dus me pincer plusieurs fois pour garder mes sens sous contrôle tandis que Belle dans une tenue de diablesse approchait à pas de féline. Mon visage devait laisser transparaitre un mélange de crainte et de désir car Belle s’arrêta net en le voyant.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Je pensais que je te plaisais.
- Euh ! Oui mais c’est que…
- C’est que quoi ? Francko n’en saura rien, renchérit-elle avec une douce voix.
- Oui mais c’est quand même mon meilleur ami et vous êtes sa mère.
- Oui mais je suis aussi une femme qui aime. Amour, tu sais ce que ça veut dire ?

La sonnerie de la porte d’entrée retentit à ce moment-là. « Amour », bien sûr que je savais ce que cela voulait dire. Un mot de cinq lettres exprimant un sentiment profond et universel. Bien sûr ! C’est le mot que je cherchais. »

L’homme esquissa un léger sourire, remplit l’une des cases de ses mots croisés et se leva pour partir sans la canne à pêche. Ce n’était pas la sienne.

samedi 16 janvier 2016

La porte étroite, tout sacrifier pour y accéder...



C’est en lisant La porte étroite que j’ai réalisé à quel point mes lectures se sont diversifiées (au niveau des écrivains, pas encore du genre) avec le temps. C’est beau de découvrir l’amour à d’autres époques, sous d’autres cieux et à travers d’autres yeux. En lisant ce livre, mon cousin aurait surement dit une énième fois : « les cousins sont faits pour les cousines. » Monsieur Bosso, l’un de mes anciens professeurs du lycée aurait surement évoqué les dangers des mariages consanguins, mais ce n’est pas un cours de SVT qui a mis en péril la relation amoureuse de Jérôme et Alissa.

« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent ; mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui la trouvent. »



Depuis leur tendre enfance, Alissa et Jérôme s’aiment d’un amour pur et sincère. Alissa a deux ans de plus que son cousin et craint d’être trop vieille pour lui ; une excuse que Jérôme rejette du revers de la main. Tout le monde sait que les deux cousins s’aiment et il n’y a aucun doute qu’ils se fianceront et convoleront en justes noces après le service militaire obligatoire de Jérôme. Toutefois, sous l’emprise de leur amour, ils ne remarquent pas que Juliette, la cadette d’Alissa, est elle aussi éprise de Jérôme. Lorsqu’ils le découvrent, Alissa décide de sacrifier son amour pour le bonheur de sa sœur. Mais cette dernière se rendant compte que Jérôme n’a d’yeux que pour son ainée, décide alors d’épouser un autre homme qu’elle n’aime pourtant pas. Cet incident émousse l’expression des sentiments d’Alissa pour Jérôme même s’il ne le diminue en rien. Etant séparés pendant que Jérôme poursuit ses études, puis son service militaire, les missives qu’ils s’envoient régulièrement les aident à laisser éclore leur amour de nouveau. 

La contemplation de la nature, la lecture de classiques littéraires, la musique… Toutes les activités qu’ils pratiquent les relient et parfois même n’ont de sens que lorsqu’ils peuvent les partager. Et il en est de même pour leur foi et leur recherche de vertu. Cette porte étroite que peu trouvent, Jérôme ne la recherche que pour être plus proche de sa bien-aimée. Pourtant pour Alissa, plus que la concrétisation de son amour avec Jérôme, elle souhaite de tout cœur qu’ils atteignent les plus hauts degrés de la vertu. Apres avoir longtemps échangé des lettres, les deux amoureux se retrouvent à nouveau à Fongueusemare où vit Alissa. Leurs gestes sont maladroits et ils ont du mal à être aussi éloquents et sûrs d’eux que dans leurs écrits. Alissa se rend compte qu’elle aime trop Jérôme et peut être même plus que Dieu. Elle craint que l’amour (et le désir implicitement évoqué) qu’ils se vouent mutuellement ne les éloigne de la quête de la vertu. Elle pense ne pas avoir droit au bonheur céleste en goutant aux plaisirs terrestres. Au risque de ne pas y arriver elle-même, Alissa décide de s’éloigner de Jérôme, de sacrifier leur amour, afin qu’au moins l’un d’entre eux puisse passer par la porte étroite…


J’ai eu beaucoup de difficultés à faire ce compte rendu parce que je voulais retranscrire les sentiments confus qui habitaient Alissa. Je pense que la frivolité de sa mère et sa fuite dans les bras d’un autre, ont contribué à créer ce désir perpétuel d’atteindre la sainteté. J’ai beaucoup aimé ce roman mais je pense qu’il n’est pas de ceux que l’on raconte, au risque d’empêcher l’autre de faire sa propre expérience avec l’histoire. Bien que ce chef d’œuvre d’André Gide apporterait beaucoup à quiconque le lirait, je le recommanderais surtout à ceux qui sont intéressés par les thèmes de l’amour et/ou celui de la religion. C’est l’une des plus belles histoires d’amour que j’ai lues. Il pourrait être difficile de comprendre pourquoi est-ce qu’Alissa s’éloigne d’un homme qu’elle aime autant et qui le lui rend bien alors que Dieu lui-même bénit l’amour. 

Alissa a-t-elle fait le bon choix en mettant fin à cette idylle plutôt que de la concrétiser par un mariage ? Jérôme et elle arriveront-ils à atteindre le bonheur ? Alissa elle-même comprend-t-elle réellement le sens de cette vertu pour laquelle elle décide de tout sacrifier ? 

Je vous laisse apporter vos propres réponses à ces questions.

mardi 24 novembre 2015

Orgueil et préjugés: Je suis amoureuse !

Une scène du film

Une histoire d’amour anglaise du 19e siècle a le pouvoir de faire rêver une jeune ivoirienne de 21 ans au 21e siècle. Du moins c’est ce que j’ai conclu après ma lecture de Pride and Prejudice (Orgueil et préjugés) écrit par Jane Austen. J’avais déjà regardé le film quelques mois auparavant mais ma connaissance à l’avance des évènements n’a en rien affecté mon plaisir en tournant chaque nouvelle page.

Tout commence par la venue de Mr. Bingley dans la contrée où séjourne la famille Bennett. Bingley est un jeune homme riche et de ce fait, il se doit de désirer prendre une épouse; du moins selon le sens commun de la région. Son arrivée ainsi que celle de son meilleur ami Mr. Fitzwilliam Darcy va provoquer des changements dans la vie des Bennett...



Dame Bennett, on a l’impression, ne vit que pour un seul objectif : caser ses 5 filles et cela de préférence avant celles des voisines et auprès de jeunes hommes nantis. Jane, Elizabeth, Mary, Catherine et Lydia Bennett ont des caractères différents. Jane l’ainée est belle, douce, réservée et toujours prête à accorder le bénéfice du doute aux gens. Elle tombe instantanément amoureuse de Bingley et celui-ci n’a d’yeux que pour elle. Cela ne suffit cependant pas à une consolidation aisée de leur amour... Elizabeth la seconde fille des Bennett, favorite du père et personnage principal du livre, est beaucoup moins clémente que son ainée. Elle n’apprécie pas les gens hautains et le leur fait clairement savoir. Son intelligence, son sarcasme, son franc-parler et ses yeux sombres séduisent. Vous aurez quelques fois envie de l’applaudir après chacune de ses répliques à tous les personnages du livre qui se prennent pour le nombril du monde... Si Elizabeth et Jane sont proches l’une de l’autre et que Catherine et Lydia sont toujours complices dans leur insouciance démesurée, Mary est quant à elle la solitaire de la famille. Son unique objectif est de démontrer aux autres à quel point elle est douée et cultivée. Même quand il vaudrait mieux parfois qu’elle fasse preuve d’humilité… Le père Bennett quant à lui est un homme calme, doté d’une très grande maitrise de soi étant donné qu’il est marié depuis plusieurs années à une femme hystérique avide de cancans. Malheureusement, son désir de ne pas se mêler aux folies de son épouse et de ses filles le rend parfois passif dans des situations où il aurait dû faire preuve de rigueur… 



J’aurais voulu vous parler de tous les personnages du livre tant ils ont chacun un caractère particulier. Mr. Collins - le lèche-botte ennuyeux à mourir (et je pèse mes mots) -, Lady Catherine de Bourgh - la dame mieux que tout le monde et qui sait tout -, Miss Bingley – la prétendante et griotte attitrée d’un homme qui ne la voit pas –, Mr. Wickham – l’homme dont l’apparence et l’amabilité sont trompeuses-… Mais tous ces personnages bien qu’apportant du pep au livre, ne m’intéressent pas autant que mon beau et tendre Fitzwilliam Darcy...

Je suis tombée amoureuse de Mr. Darcy et franchement si vous connaissez quelqu’un comme lui je vous serai gré de me le présenter. Darcy est grand, beau, riche, cultivé, réservé et généreux. Évidemment c’est bien trop féerique pour être vrai. La réserve dont fait preuve le sieur vis-à-vis des autres est telle qu’il passe pour un orgueilleux et vaniteux qui ne respecte pas les gens d’une classe inférieure à la sienne (il est vraiment orgueilleux, mais l’amour me rend tolérante :( ). Derrière l'air hautain qu’il affiche, se trouve un homme dont la fortune et l’orgueil ne peuvent préserver de la flèche de cupidon…



Orgueil et préjugés est un roman d’amour et de mœurs où vous ne lirez rien d’obscène. Jane Austen fait preuve de pudeur et même lorsqu’elle évoque le déshonneur c’est toujours avec de la retenue dans le verbe. Amour, orgueil et préjugés vous l’aurez deviné sont les thèmes du livre. L’œuvre est une satire de la société de l’auteure. Matérialisme, malhonnêteté, médisance, insouciance, vanité, sont des maux qui ne datent donc pas d’hier… Si vous avez envie de connaitre un pan de la société anglaise du 19e siècle, de vivre une histoire d’amour, ou tout simplement de passer un bon moment, je vous le recommande vivement !



lundi 9 novembre 2015

La vie devant soi ou une histoire de pute


Je n’ai jamais autant vu ni utilisé le mot « pute » en si peu de jours qu’en parcourant La vie devant soi. Il revient tellement dans ce livre qu’on n’y voit presque plus la vulgarité qu’il dégage… Après avoir lu Allah n’est pas obligé, je reviens avec une autre histoire racontée par un gamin sous la plume d’un adulte. La vie devant soi est l’histoire d’un enfant de 10 ans qui n’a pas vraiment dix ans. C’est l’histoire d’un fils de pute à une époque où les moyens de contraceptions et les curetages étaient encore inconnus. Aussi, lorsque celles qui pratiquent le plus vieux métier au monde se retrouvaient enceintes d’on ne savait trop qui à cause de « la loi des grands nombres », elles accouchaient comme toutes les autres femmes. Ensuite pour éviter que leurs bambins ne se retrouvent à l’assistance publique, elles les confiaient à des anciennes prostituées qui une fois à la retraite devenaient des nounous d’enfants de prostituées en service. Ce roman pas comme les autres raconte donc une histoire d’amour entre Mohamed, jeune arabe, fils de pute et Madame Rosa vieille juive, et ancienne pute.

« Je leur ai expliqué que Madame Rosa était une ancienne pute qui était revenue comme déportée dans les foyers juifs en Allemagne et qui avait ouvert un clandé pour enfants de putes qu'on peut faire chanter avec la déchéance paternelle pour prostitution illicite et qui sont obligées de planquer leurs mômes car il y a des voisins qui sont des salauds et peuvent toujours vous dénoncer à l'Assistance publique. »

Vous en avez déjà marre de voir des mots commençant par p ? Il ne faut pourtant pas s’y arrêter. Ce livre va bien au-delà d’une histoire de cul. C’est le récit d’un gamin sans parents dans un monde où l’on vous juge par rapport à vos origines. Madame Rosa aime beaucoup Momo et ce dernier le lui rend bien. Pourtant il ressent toujours un manque qui le pousse parfois à surgir devant des voitures en circulation pour que les conducteurs apeurés sachent qu’il existe, que l’on s’intéresse à lui… Ce n’est surement pas un sentiment dont il a le monopole. Combien de fois voulons nous aussi que le monde nous remarque ? Que les gens s’intéressent à nous ? Il suffit de regarder les réseaux sociaux pour se rendre compte que Momo n’est pas le seul dans ce cas.


L’auteur parle de la prostitution, des clichés racistes, des lois de la nature, de la vie, de la mort mais surtout de l’amour… Il nous fait comprendre que tout le monde a droit à ce fameux sentiment et que l’on ne saurait vivre sans. Même quand on est vieille, grosse, laide et que l’on a autrefois utilisé son corps comme marchandise, il peut y avoir un jeune garçon qui nous aime et est prêt à tout pour éviter qu’on ne finisse ses jours dans un hôpital qui refuse de vous laisser partir…

Dans La vie devant soi, Momo a une conception particulière de la vie et du bonheur. Ce bonheur qui apparait comme un phénomène tellement rare qu’il faut en profiter au maximum quand il daigne pointer le bout de son nez.
« J'étais tellement heureux que je voulais mourir parce que le bonheur il faut le saisir pendant qu'il est là. »

De la bouche et des pensées de ce gamin, ressortent des vérités sur lesquelles on ne prend pas toujours la peine de s’attarder. Ce livre m’a fait me poser des questions sur l’euthanasie et le suicide. J’ai toujours été contre l’idée de se donner la mort soi-même plutôt que d’attendre le décret divin. Mais lorsqu’une personne qui a vécu et souffert durant toute sa vie, se retrouve malade à un âge avancé sans possibilité de guérison, à quoi cela sert-il de la maintenir en vie à l’aide d’appareils qui ne lui permettront que de passer de l’état d’être humain à celui de légume ?

« Mais Madame Rosa se gâtait de plus en plus et je ne peux pas vous dire combien c'est injuste quand on est en vie uniquement parce qu'on souffre. Son organisme ne valait plus rien et quand ce n'était pas une chose, c'était l'autre. C'est toujours le vieux sans défense qu'on attaque, c'est plus facile et Madame Rosa était victime de cette criminalité. »

Pour reprendre les mots de Gauz qui m’a fait connaitre le livre et l’auteur, « Émile Ajar est le seul être humain sur la planète à avoir eu 2 prix Goncourt. Le premier pour Les racines du ciel et le second pour La vie devant soi. Il est vieux quand il écrit La vie devant soi mais il écrit comme un gamin étrange. Un fils de pute de 10 ans qui n’est pas parti à l’école mais qui est brillant. Momo a grandi dans un quartier Cosmopolite avec des nègres, des arabes, des juifs, enfin tous les exclus de la société. Et déjà il pose des questions de l’identité qui se posent aujourd’hui en France mais il se les pose d’une manière incroyable… »

Envie d’en savoir plus ? Eh bien lire délivre ! :)




mardi 18 août 2015

The color purple: La couleur pourpre


Je ne sais pas pour vous mais je ressens toujours une certaine pression lorsque je lis un livre qui a été acclamé par tout le monde. Je ressens moi aussi le besoin de l’aimer, de comprendre ce que les autres ont compris, alors que ce n’est pas cela le but de la lecture. En lisant, nous sommes censés tirer nos propres conclusions, ressentir nos propres émotions... Comme le disait l’artiste ivoirien Yak lors d’une exposition, « l’art doit être subjectif et non objectif ». Et je pense que tout comme la sculpture et la peinture, les mots inscrits dans les livres parlent d’eux même et ne doivent pas être interprétés d’une seule manière. Je travaille encore à ne pas me laisser influencer par les avis des autres…

J’ai dit tout cela, mais ce n’est pas pour m’opposer à l’avis général sur le chef d’œuvre d’Alice Walker car The color purple est indubitablement superbe. J’ai flanché dès la première page. En effet, l’auteure ne nous laisse pas le temps de nous installer avant de nous assommer avec la souffrance de Celie, nous forçant à adopter et partager immédiatemen
t le drame de l’héroïne. 


The color purple est un roman épistolaire qui nous transporte dans l’univers du personnage principal Celie. À l’âge de 14 ans, elle est violée par l’homme qu’elle appelle « père » sans qu’elle ne puisse le dire à qui que ce soit. Elle décide alors de confier ses maux à Dieu à travers des lettres. Enceinte à deux reprises et séparée de ses enfants, Celie est ensuite offerte comme une vulgaire marchandise – et encore gratuitement – à un homme vivant avec 4 de ses enfants. Celie ne s’oppose jamais, se contente de faire tout ce à quoi elle est assignée. Mais malgré cela, les coups et les injures pleuvent sur son corps et son esprit déjà affligé. Lorsqu’elle rencontre Shug Avery, l’ancienne amoureuse de son mari, Celie découvre un autre monde. Elle découvre qu’elle est belle malgré ce que les hommes lui ont toujours dit. Elle découvre qu’elle peut aimer d’autres personnes que sa mère et sa sœur, et que quelqu’un peut elle aussi l’aimer pour ce qu’elle est. C’est le début d’un long parcours pour se rendre compte qu’elle a de la valeur. Et face à toutes les difficultés qu’elle rencontre, une seule chose la tient en haleine : l’espoir de retrouver sa sœur dont elle n’a plus eu de nouvelles pendant des années.


Dans chaque lettre, on découvre un peu plus la vie des noirs dans un pays qui leur refusait les mêmes droits qu’aux blancs. Mais plutôt que de se contenter d’un banal récit racontant le mépris de l’homme blanc pour l’homme noir, Alice va plus loin. Elle y raconte le désir de dominer de certains hommes, blancs comme noirs. Elle examine la vie de certaines femmes soumises, marchepieds de leurs époux, de la société. Et le refus de certaines comme Sofia, Nettie et Shug de se plier aux exigences des autres. Dans The color purple, on découvre également les rencontres et la relation entre les noirs des États Unis et ceux vivant en Afrique que l’on considérait comme des sauvages et des païens…

L’amour est un thème important dans le livre mais c’est surtout l’amour de soi-même qui est prôné. Comme moi, certains n’apprécieront surement pas que Celie rencontre agapè et éros dans les bras d’une femme. Mais j’ai finalement compris que The color purple va au-delà d’une simple histoire d’homosexualité. Comme le dit Alice Walker dans la préface du livre, il s’agit du combat d’une personne qui commence sa vie en tant que captive spirituelle mais qui grâce à son courage et à l’aide des autres va réaliser qu’à l’instar de la nature, elle est l’expression rayonnante de ce qu’elle a toujours perçu de loin comme le divin. 


À travers certains personnages, vous entendrez ou plutôt lirez des choses qui ne vous plairont pas forcement mais une chose est certaine, ce livre est à lire. Et pour ceux qui ne sont pas de grands fans des livres, je n’ai entendu que de bonnes critiques sur le film.

dimanche 2 août 2015

Sous l'orage, un conflit de générations


« L’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leur main et s’en va dans leur main. » C’est pour dire à quel point l’homme ne peut vivre sans son semblable peu importe le rang qu’il occupe dans la société. L’importance de la communauté est l’un des thèmes abordés dans le premier roman de Seydou Badian. Sous l’orage est la scène d’un conflit de générations opposant d’un côté les anciens, ainés, traditionnalistes attachés au passé et de l’autre, les jeunes ayant été à l’école française et pour la plupart enclins au rejet de toutes les coutumes sans exception.

Kany est une jeune fille issue d’une famille polygame et fréquentant l’école française. Son père Benfa, l’a promise en mariage au riche commerçant Famagan qui a déjà deux autres femmes sous son toit. Comment Kany voyant les souffrances que subit sa mère au quotidien du fait de ses deux coépouses, pourrait-elle accepter de se lier à Famagan ? Comment pourrait-elle accepter de quitter les bancs de l’école pour être relayée au fond d’une case, et délaissée à la moindre occasion pour une plus jeune ? Mais surtout, comment pourrait-elle abandonner son amour Samou, élève comme elle, et avec qui elle a fait un pacte de sang pour consolider la passion les unissant ?



Au-delà du thème du mariage forcé, ce livre est surtout un appel à la conciliation entre nos valeurs africaines et la modernisation. Ce mariage pour les anciens tout comme pour les jeunes, représentait une bataille à vaincre pour asseoir ses idées et montrer à l’autre camp, qui menait la barque. Mais Seydou Badian à travers les voix de Tiéman-le-Soigneur et Kerfa, rappelle qu’il ne devrait pas y avoir d’animosité entre les anciens et les jeunes. Il invite plutôt les jeunes à mettre de l’eau dans leur vin, et à ne pas « flanquer tout par-dessus bord ». « Vous avez tort de vouloir tout laisser tomber. Vous avez tort d’essayer d’imiter les Européens en tout. Comprends-moi bien. L’homme européen n’est qu’un des multiples aspects de l’homme. On ne vous demande pas d’être Européens. On ne vous demande pas de vous défigurer. (…) Il n’est pas question pour vous de fuir votre milieu. Cherchez plutôt à agir sur lui. Cherchez à sauver ce qui doit être sauvé et essayez d’apporter vous-même quelque chose aux autres : une figure dans l’ébène, le paysage rutilant de chez nous sur une toile de peintre ! (…) Il ne s’agit pas évidemment de tout accepter. Mais faites un choix. Les coutumes sont faites pour servir les hommes, nullement pour les asservir. Soyez réalistes ; brisez tout ce qui enchaine l’homme et gène sa marche. Si vous aimez réellement votre peuple, si vos cris d’amour n’émanent pas d’un intérêt égoïste, vous aurez le courage de combattre toutes ses faiblesses. Vous aurez le courage de chanter toutes ses valeurs (...) L’humanité serait vraiment pauvre si nous devions tous nous transformer en Européens. »


J’ai bien peur en retranscrivant ce passage, que ces conseils viennent un peu trop tard. Évidemment ils étaient d’actualité à l’époque où Sous l'orage a été publié mais comment les appliquer de nos jours ? Nous sommes aujourd’hui nombreux à n'avoir jamais mis les pieds au village, à ne pas comprendre nos langues maternelles, alors ce n’est même pas la peine de nous demander de partager ne serait-ce qu’une de nos traditions. Comment revenir aux sources lorsqu’on n’a quasiment aucune idée d’où elles se trouvent ? Je fais partie d’une génération qui n’a connu que la grande ville - à part quelques exceptions - . Et même pour ceux qui ont grandi au village, tout le monde veut ressembler aux citadins qui eux même ne savent plus qui des Européens ou des Américains – mondialisation oblige – ils doivent imiter. Pourtant il faut quand même sauver quelque chose. Comment ? Je ne sais pas encore. Mais je suis convaincue que les écrivains peuvent et doivent jouer le rôle de gardiens et de transmetteurs de nos valeurs et de notre histoire, comme l’ont fait les griots par le passé. C’est d’ailleurs ce que fait Seydou Badian dans la deuxième partie du livre, en racontant l’une des versions des derniers instants du grand conquérant Chaka... 




lundi 29 juin 2015

Le malheur de vivre: entre valeurs africaines et culture occidentale


 Achever Maïmouna et entamer aussitôt Le malheur de vivre de Ndèye Fatou Kane, c’est un peu comme lire la même histoire à deux époques différentes. À l’instar de Maïmouna, à travers Le malheur de vivre, on découvre les résultantes de l’entêtement des jeunes, à vouloir agir comme bon leur semble et cela en dépit des conseils de leurs parents. Ici également, Dakar semble être le lieu de perversion. L’ironie dans ce livre est que le personnage principal quitte Paris pour se perdre à Dakar. Pas besoin de vous faire un dessin vous m’avez comprise. Enfin je l’espère…

Ndèye Fatou Kane, jeune auteure sénégalaise vivant en France est avant tout bloggeuse. C’est d’ailleurs par le biais de son blog que je l’ai connue. Dans sa petite bulle, Ndèye Fatou (ne l’appelez surtout pas Ndèye ou Fatou séparément) parle de tout mais partage surtout sa passion pour les livres. Serial Reader, c’est pour notre plaisir qu’elle passe de l’autre côté de la page pour nous offrir son tout premier roman, Le Malheur de Vivre. 

J’ai apprécié découvrir la culture Hal Pulaar et certaines de ses expressions même si j’aurais préféré que les significations se trouvent en bas de page. Le lexique de fin, pousse le lecteur à interrompre sa lecture pour chercher ce que signifie chaque mot wolof ou pulaar utilisé. Le malheur de vivre nous immerge dans un monde où se côtoient et se défient parfois la tradition et les valeurs africaines d’un côté et la modernité et la culture occidentale de l’autre. L’écriture de Ndèye Fatou est d’une fluidité telle que vous pouvez même offrir le livre à quelqu’un qui n’aime pas lire et observer le miracle s’opérer…

 Dès le début de l’histoire, le destin est mis en cause. Outre l’épigraphe, extrait de « En attendant le vote des bêtes sauvages », les premières phrases du livre nous apprenne que «  des forces invisibles contrôlent le jeu à notre insu. On les appelle le destin. Ce même destin peut se révéler fort cruel, et ça, Sakina ne l’a que trop bien compris…»

Ah Sakina ! Jamais de toute ma vie de lectrice, je n’ai autant détesté un personnage que le sien. Jeune, belle, issue de bonne famille et élève brillante...jusqu’ici tout va bien. Cependant le personnage principal est d’une puérilité qui m’affaiblit. Et pourtant niveau enfantin, je m’y connais… Ce genre de fiction étant généralement basé sur la réalité, il est possible qu’il existe des Sakina. Et c’est bien cela le plus triste dans cette histoire.

Sakina est une jeune Sénégalaise qui vit en France. Ses parents sont des riches commerçants ayant fait fortune dans le pays de Gaulle. Cajolée, chouchoutée et surprotégée par ses géniteurs; Sakina attend toujours avec ferveur les vacances au Sénégal qui lui permettent en compagnie de ses deux cousines, d'échapper un tant soit peu à la surveillance parentale. C'est lors d'une de leurs virées dans Dakar by night que Sakina rencontre Ousmane, un "boy Dakar" qui n'aspire qu'à  "manger" la vie. C'est le coup de foudre, du moins du côté de Sakina. Je me suis d'ailleurs demandée si ce coup au coeur lui a par la même occasion ratatiné le cerveau. Mais pour comprendre mes interrogations, vous devrez lire vous-même...


Je ne cache pas que je n’ai pas aimé le caractère de Sakina que je n’ai cessé de couvrir de noms d’oiseaux pendant et juste après ma lecture. Pourtant quelques jours plus tard et avec un peu de recul j’ai essayé de comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête d’une Sakina. Amadou et Mariam Bâ en essayant de protéger leur fille des vices contemporains ne lui ont pas souvent donné l’occasion de faire ses propres choix. Grandir dans une famille accrochée aux valeurs africaines, et vivre dans la métropole parisienne sans pouvoir faire comme les autres…cela ne doit pas être évident. Avec la rencontre d’Ousmane, elle croit découvrir un amour en dehors du cercle familial, elle pense avoir trouvé son homme de destin…
 
Ndèye Fatou Kane
La tragédie de la famille Bâ se déroule dans les années 80 mais les leçons qu’on en tire sont applicables en ce 21e siècle. En plus des enseignements de Maimouna, qui s’adressent particulièrement aux jeunes, je trouve que l’histoire de Sakina devrait également interpeller les actuels et futurs parents. Je ne suis certes pas une mère de famille mais je suis une jeune femme qui vit dans ce monde plein de vices et qui voit ce qui se passe autour d’elle. Je crois qu’en essayant d’isoler un enfant, ou de tout lui interdire, on le pousse justement à braver les interdits pour voir de quoi il est question. Chaque enfant est différent, et ce ne sont pas tous les jeunes qui ont conscience des risques de certaines aventures. Combien de nos parents africains aujourd’hui abordent le sujet de la sexualité ou de l’amour avec leurs enfants?  Inculquer des valeurs c’est bien mais permettre aux jeunes de faire leur propres choix en espérant qu’ils auront recours à ces valeurs là c’est mieux. Je pense qu’il ne suffit pas de dire voilà ce qui est bien et voilà ce qui est mal, c’est dès le début de l’adolescence qu’il faut ouvrir la discussion avant qu’il ne soit trop tard…

Vous avez lu le Malheur de Vivre? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

samedi 27 juin 2015

Maïmouna: de préférence avant l'adolescence



Retourner aux sources et utiliser ces sources pour aller de l’avant, c’est bien ce que j’entends faire depuis quelques mois. En attendant d’avoir la chance d’écouter de vive voix certaines traditions orales, c’est vers les livres que je me tourne. Cependant, ce ne sont pas des livres d’histoire que je lis mais de la fiction. De la fiction inspirée de la réalité. J’ai toujours été friande d’auteurs Africains mais me suis trop souvent contentée de lire « ivoirien ». Ayant vu mon enthousiasme pour les livres baisser au fil des années, je suis bien contente de cet amour renouvelé pour les lettres, qui me permet de voyager au gré des mots de l’écrivain.

Par le titre et la photo vous l’avez compris; le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est Maïmouna d’Abdoulaye Sadji. L’auteur Sénégalais fait partie de ces grands hommes qui se sont engagés pour l’indépendance des pays Africains mais surtout pour défendre la culture du continent par le biais de l’écriture. À travers l’histoire de Maïmouna, Abdoulaye Sadji dénonce la perte des valeurs de la jeunesse sénégalaise et par extension africaine selon moi. C’est le lieu pour lui de nous rappeler que nous devons certes nous ouvrir au monde extérieur mais il est important de ne pas oublier ses racines.


« Les tams-tams avaient cessé brusquement, comme malgré eux. Elle était là, la fille de Yaye Daro, grande, claire, éclatante. Tâche fraîche et reposante au milieu de ce monde sans grâce (…) Maïmouna avait l’habitude des foules enthousiastes. Un cri s’éleva et l’impressionna un instant : « Vive l’étoile de Dakar. » »

Vous l’avez compris, Maïmouna est belle, superbement sculptée et attire de ce fait les regards partout où elle pose les pieds. Née et grandissant dans un village reculé sous l’aile protectrice de sa mère la veuve Yaye Daro, Maïmouna se prenant déjà pour une grande ne rêve plus que de quitter son bourg pour la capitale. Devant le refus de Yaye Daro, elle en devient malade jusqu’à oublier tous les efforts consentis par cette dernière et à faire preuve d’insolence. La pauvre Yaye Daro, consentit finalement à laisser sa benjamine rejoindre l’aînée à Dakar. « La parole des vieux peut rester tard dans la forêt, mais elle n’y passe pas la nuit. » Le livre d’Abdoulaye Sadji est plein de proverbes africains mais celui-là est surement le plus à même de décrire à quel point le vieux assit, voit plus loin que le jeune debout.

Déjà dans son Louga natal, la beauté de Maïmouna ne passait pas inaperçue, alors imaginez un peu ce qu’il en est advenu lorsqu’elle fut relookée à Dakar par les soins de sa sœur Rihanna. Seulement voilà, en plus d’être têtue, Maïmouna est jeune et naïve. La pauvre n’a pas compris que l’amour c’est beau mais ça cogne souvent et très durement. Après lui avoir offert la beauté, la gloire, la richesse et la passion, la vie a finalement reprit à Maïmouna tout ce qu’elle lui avait donné et même plus encore.



Bien que paru en 1958, ce livre est toujours d’actualité. Ce n’est pas toujours facile pour nous, jeunes, de comprendre les mises en gardes des anciens. En effet avec ce monde qui évolue vite mais surtout animés par nos passions, et ce que nous croyons être de l’amour, il arrive parfois que nous foncions la tête la première vers des abîmes profonds. Il est difficile pour nous de croire que ces vieux qui ne savent même pas comment utiliser un smartphone puisse nous donner des conseils adaptés à nos nouvelles réalités. Évidemment nous pouvons soutenir qu’il faut faire des erreurs pour apprendre, vivre sa propre expérience. Et pourtant il est des fois où l’expérience et les erreurs des autres devraient être nos meilleurs enseignants. L’Etoile de Dakar l’a appris à ses dépens. Comme me disait quelqu’un lorsque j’ai posté la photo du livre sur Instagram, Maïmouna est un livre à lire avant l’adolescence. En espérant qu’il serve de leçon aux jeunes gazelles qui auront la chance de le parcourir… 


Avez-vous lu Maïmouna? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

lundi 22 juin 2015

Coup d'Etat Major !

Illustration par Tatou Dembelé

Le visage en face d’elle était méconnaissable. Elle avait du mal à reconnaitre l’homme qu’elle avait aimé et épousé il y avait de cela une dizaine d’années. Elle détourna son visage et fixa la porte, espérant qu’une âme charitable y entre et délivre la pièce de ce lourd silence. Quinze minutes s’écoulèrent sans que cette expression de dégoût ne quitte le visage de Mamadou. On aurait dit qu’il avait envie de vomir mais qu’il se retenait difficilement. De grosses gouttes de sueur perlaient un visage dont les sourcils froncés présageaient le pire. Ses points étaient serrés, prêts à cogner. Les veines de son cou et de son front prêtes à éclater. Mais il ne dit mot et finit par se lever pour se diriger vers la sortie. Fanta attendait qu’il lui jette à la figure « Je ne veux plus de toi » ou encore qu’il se jette sur elle et la batte copieusement. Mais en lieu et place de cris et de coups, un silence étourdissant. L’homme qu’elle avait connu violent et nerveux ces dernières années, laissa place à un étranger. Il se retourna une dernière fois et survola la pièce du regard avant d’ouvrir la porte et de s’en aller.

Comme s’il avait senti que quelque chose de grave venait de se passer, Karim se mit à crier de toutes ses forces de nouveau-né. Il hurlait à fendre l’âme et ne se tut que lorsqu’il eut la bouche pleine du téton gauche de sa mère. Tandis qu’elle allaitait son fils, Fanta se posait des questions sur la réaction de son mari. Comment pouvait-il se maitriser de la sorte après l’affront qu’elle lui avait fait devant toute sa famille, la ville et même le pays tout entier ? Elle pensait qu’il aurait eu mal, qu’il aurait eu envie de tout casser, de la briser. Et pourtant, il avait fait preuve d’une maitrise de soi qu’elle ne lui connaissait pas. Elle se souvenait encore de la raclée qu’elle avait reçu lorsqu’elle avait décroché son téléphone, et demander à l’une de ses nombreuses maitresses de ne plus appeler à des heures indues. Ce jour-là, n’eut été l’intervention de la servante et des gardes du corps de Mamadou, ce dernier l’aurait surement envoyée au cimetière de Sinématiali. Ce fut la même chose lorsqu’elle tenta de s’indigner parce qu’il avait amené un troisième enfant bâtard sous leur toit. Monsieur lui rappela sans sourciller que c’était lui qui mettait le pain dans la bouche de tous les habitants de la concession, sans oublier les larges orifices de ses parents qui grâce à lui dormaient dans une maison en dur là-bas, à quelques kilomètres de Ferké. Lorsqu’elle voulut répliquer qu’elle ne travaillait plus uniquement parce qu’il le lui avait demandé, une gifle magistrale lui apprit à fermer sa bouche quand monsieur parlait.

En  treize années de vie commune, elle avait presque tout vécu. Le bonheur des noces nouvelles, l’extase à la naissance des trois premiers enfants, l’éloignement lorsque le corps de jeune fille laisse place aux vergetures d’une mère de cinq enfants, jusqu’aux coups administrés à la volée pour un rien. Ses amies vers lesquelles elle se tournait lui demandaient d’être patiente. Avec les hommes de la trempe de Mamadou, il fallait savoir fermer les yeux, mettre le cerveau en veille et endurer. Un homme aussi riche, élégant et puissant que lui, ça ne courrait plus les rues d’Abidjan. Elle devait s’estimer heureuse qu’il n’ait pas épousé l’une de ses maitresses. Elle aussi Fanta, en voyant toutes ses amies qui souffraient dans des ménages à trois, quatre, cinq épouses, sans compter les additionnels « bureaux », finit par se convaincre qu’il y avait pire comme mari. Cependant, lorsque ce dernier commença à ne la toucher que tous les trois mois, à ne plus consommer le moindre repas confectionné avec soin et amour, Fanta se dit que s’en était trop. Chef d’État-Major de l’armée ou pas, Mamadou n’était rien d’autre qu’un homme comme un autre. De quelle matière était fait son sexe à lui pour qu’il ne reste pas tranquille ? Elle décida qu’il fallait qu’elle arrête de se morfondre. Elle décida que les lamentations et la résignation avaient été bien trop longtemps ses compagnes.

Illustration par Tatou Dembelé
Alors Fanta engagea un détective qui se chargea de découvrir chacune des maitresses de son époux. La rumeur se répandit très rapidement que toutes les jeunes filles qui sortaient avec le General Mamadou Diakité mourraient dans des conditions mystiques. Certains parlèrent de meurtres pour devenir riche, d’autres encore de sacrifices pour garder les faveurs du président de la république. Mais personne ne soupçonna l’épouse affligée. Mamadou lui n’avait cure de toutes ces rumeurs et continuait d’enchainer les conquêtes, autant que son statut le lui permettait. Maladies sexuellement transmissibles? C’était pour les homosexuels uniquement. Enfants hors mariage? Il en avait déjà une panoplie qu’il n’avait pas de mal à nourrir. Des noirs, des jaunes, des blancs, partout où il passait, Mamadou laissait sa semence et produisait des fruits. Un de plus ou de moins n’y changerait pas grand-chose. Pourtant, lorsque sa femme tomba enceinte une sixième fois, le général Diakité changea un tant soit peu. Il devint même une sorte d’homme attentionné pour celle qu’il ne regardait presque plus. Il rentrait deux fois par semaines, l’appelait pour l’informer lorsqu’il devait aller effectuer une mission (tout le monde Fanta y comprit savait le genre de mission que c’était), et lui offrait même quelques cadeaux quand l’envie lui prenait.

Un soir, Fanta eut l’agréable surprise de voir débarquer à son domicile un cortège de véhicules précédés par des motards. Mamadou était en « mission », aussi fut-elle surprise de recevoir la visite du président de la république lui-même en chair et en os. Tandis que ce dernier s’approchait avec sa femme, Fanta ressentit des contractions. Son cœur se mit à battre à un rythme fou et elle aurait embrassé le sol n’eut été la vigilance du garde du corps qui la suivait comme son ombre. Le président ordonna qu’on la transporte dans l’un des véhicules et tout le beau monde se dirigea vers la PISAM. Le personnel se demandait qui pouvait bien être la femme enceinte qui venait d’arriver pour que son Excellence même et son épouse se trouvent dans la salle d’attente. Après deux heures intense de labeur, le médecin annonça que la délivrance avait eu lieu. Le couple entra et paya ses hommages à la mère et au nouveau-né avec le maximum de contenance possible en de telles circonstances. C’était un beau petit bébé. « Le général a-t-il été informé ? » demanda le président au garde du corps de Fanta. « Oui mon excellence » répondit ce dernier.

Trente minutes seulement après le départ du couple présidentiel, Mamadou arriva en trombe à l’hôpital. Heureux pour l’honneur qui lui avait été fait par le président en accompagnant son épouse à l’hôpital. Il aurait souhaité arriver pendant que le couple présidentiel y était encore mais sa « mission » du jour se voulait capricieuse. Il aurait le temps plus tard de remercier son Excellence. Tandis qu’il pénétrait dans la salle où se trouvait Fanta, l’épouse du président elle, se démaquillait avant de se mettre au lit. Elle se tourna vers son époux et lui souhaita bonne nuit avant de rajouter « Si au moins il avait pris un peu de la mélanine de sa mère…je n’ose même pas imaginer la tête que fera Diakité en voyant ce bébé blanc comme neige. » De l’autre côté du pont, à l’aéroport Felix Houphouët Boigny, le garde du corps de Fanta qui ne la quittait jamais, prenait un vol non-retour pour son pays d’origine.

Illustration par Tatou Dembelé




mardi 5 mai 2015

Peine Perdue !

Illustration par Tatou Dembelé


Chaque matin, elle mettait plus d’une heure dans la salle de bain à se demander en quoi est ce qu’elle se déguiserait ce jour-là. Elle avait tout fait pour attirer son attention sans aucun succès. Tout y était passé. Du style de la vierge effarouchée jusqu’à celui de la fille aux mœurs légères en passant par le costume du garçon manqué. Rien n’y fit. À ces yeux, elle n’était qu’un décor dans cette maison ou ne cessait de défiler toutes sortes de femmes. Des blondes décolorées aux négresses au derrière rebondi, toutes se succédaient dans son lit sans jamais trouvé place dans son cœur. Lorsqu’elle essayait de lui faire entendre raison, elle priait tout au fond d’elle qu’il la rabroue ou qu’il l’abreuve d’injures. Mais il lui répondait plutôt avec ce silence insultant, cette ignorance implacable dans laquelle il l’avait enfermée. Elle aurait pourtant voulu lui faire comprendre que la faute n’incombait pas aux autres mais plutôt à lui. Que toutes ces jeunes écervelées qui tombaient sous son charme ne changeraient pas grand-chose à la situation et qu’il était le seul responsable si l’on devait en trouver un. Chose qu’elle trouvait d’ailleurs ridicule. Même si elle aussi n’avait pas trouvé la route qui menait à son cœur, elle se consolait du fait d’être la seule maitresse des lieux, quand bien même tout échappait à son contrôle. Ses amies ne comprenaient pas qu’elle puisse se faire du sang d’encre à son sujet. 

-         Arielle tu es belle, jeune et intelligente. Tu ne sais pas la chance que tu as; lui rabâchait souvent Jeanne sa meilleure amie. À ta place moi j’en aurais profité pour m’éclater, aller en boite de nuit et rentrer uniquement si le cœur m’en dit. 

Lorsqu’elle essayait de lui faire comprendre que c’était de son amour à lui qu’elle avait besoin et pas d’une panoplie de petit amis, celle-ci renchérissait toujours que cette histoire d’amour et d’affection était une chose de blancs.

-         Tous ces livres occidentaux que tu lis ont fini par te faire perdre la tête. Ici nous sommes en Afrique. Il n’y a que des blancs pour parler de manque d’affection, de besoin d’amour. Moi par exemple, mes parents ne m’ont jamais dit qu’ils m’aimaient. Est-ce que j’en souffre pour autant ?

Parfois, Arielle avait envie de lui rétorquer que ce manque d’affection dont elle pensait ne pas souffrir était surement la raison pour laquelle elle n’arrivait pas à se décider qui de Jules, Mark, César ou d’Anthony était l’homme de sa vie. Elle n’arrêtait de papillonner d’hommes en hommes malgré toutes les maladies sexuellement transmissibles qui existaient. 

-         Tu sais Arielle, tu ne peux pas comprendre tant que tu n’as pas gouté au fruit défendu. 
-         Il y a surement une bonne raison pour laquelle il est défendu Jeanne. 
-         Oui parce que ceux qui y ont déjà gouté ne veulent pas que les autres y prennent gout également.

Arielle n’essayait jamais d’argumenter avec son amie quand il s’agissait de sexe. Après tout Jeanne n’avait peut-être pas tort. Son manque d’expérience devait surement lui interdire de donner son avis quand il s’agissait des parties de jambes en l’air de son amie.

-         Viens ce vendredi à la Case Dort. Je vais enfin te présenter à ce bel homme qui n’a d’yeux que pour toi. Je t’en ai parlé non ? Alexandre il s’appelle. 
-         Tu connais déjà ma réponse Jeanne.

Si elle aimait beaucoup son amie, Arielle ne partageait toutefois pas sa passion ni pour les bcbg qui pétaient plus haut que leurs culs, ni pour toutes ces soirées branchées durant lesquelles ceux-ci se retrouvaient pour parler des biens matériels de leurs parents.

Ce mercredi soir-là, elle rentra directement à la maison après les cours, et décida de faire la cuisine. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas mis la main à la pâte. Elle décida de faire de l’attieké avec du bon kedjenou de poulet. L’odeur qui lui chatouillait les narines  présageait un régal pour le palais. Elle s’en alla prendre une douche après avoir mis la table. 

-         Hum, ça sent bon par ici.

Elle savait qu’il était rentré lorsqu’elle entendit le portail s’ouvrir. Assise sur le lit, une serviette nouée à la poitrine, elle se demanda si elle devait aller le saluer ainsi ou si elle devait s’habiller, lui laissant le temps de s’installer à table. 

-         Arielle c’est toi qui as fait la cuisine ? C’est drôlement bon dis-donc.

Il l’avait appelée. Mieux, il l’avait félicitée pour sa cuisine. Ça lui arrivait de lui adresser la parole, de lui lancer des bonjours plus méthodiques que pour effectivement lui souhaiter de bonnes journées. Mais jamais elle n’avait pensé qu’un jour arriverait où il prononcerait son prénom d’un ton aussi enjoué. Elle se dépêcha de se vêtir et de le rejoindre au salon. Sa joie décampa aussi rapidement qu’elle était arrivée, lorsqu’elle le retrouva avec une jeune femme, attablés autour du plat qu’elle avait soigneusement préparé pour lui. Il lui mettait même à manger dans la bouche comme si cette dernière était manchote.

-         Je te présente Martine, qui habitera désormais avec nous.

« Encore une qui pense avoir mis le grappin sur lui. » se dit-elle. Elle aussi partirait comme toutes les autres, qui croyaient pouvoir prendre pied dans la vie de ce bel homme célibataire. Cependant lorsque Martine se leva pour aller se servir un jus de fruit dans le réfrigérateur, Arielle comprit. Elle comprit le ton enjoué, la bonne humeur, et que tout serait différent. 

-         Ah, je ne te l’ai pas dit ! Martine est également enceinte. Et devine qui en est l’auteur ?

Évidemment cette remarque n’était pas nécessaire. L’énorme bide que trainait cette Martine expliquait tout. 

-         Les médecins sont catégoriques. Cette fois, ce sera un garçon.

Il ne comprenait pas que si toutes les femmes qu’il engrossait mettaient au monde une fille, c’était bien parce que lui ne leur offrait qu’un chromosome X en lieu et place du Y qui aurait donné naissance au garçon désiré. Elle le lui aurait bien expliqué s’il daignait parfois l’écouter. Elle était la seule parmi les nombreuses filles qu’il avait engendrées à vivre auprès de lui et à supporter son détestable caractère. Il ne respectait pas les femmes, les considérait comme des objets et les regardait de haut. La mère d’Arielle était morte de chagrin en se rendant compte que l’homme pour qui elle avait tout abandonné ne lui accorderait jamais l’amour et le respect qu’elle méritait.  Pour Arielle, il était le seul proche qu’elle avait mais il semblait tellement lointain. Peut-être qu’enfin ce futur bébé changerait quelque chose pour elle aussi car elle le savait, son père ne l’avait jamais accepté pour ce qu’elle était.  Elle aurait beau ramener les meilleures notes de l’université, préparer les mets les plus succulents qui existent, elle était venue au monde sans deux paires de couilles et cela était impardonnable.