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mardi 2 février 2016
Le collier de paille ou les amours interdites d'une citadine
lundi 11 janvier 2016
Rendez vous sur Rythmes d’ Afrique, Racines
Hello, j’espère que vous allez bien. Maintenant, vous pourrez lire le compte-rendu de mes lectures d’œuvres Africaines sur Rythmes d'Afrique, Racines. Bien sûr je continuerai de publier ici mais vous pourrez également découvrir d’autres riches aspects de la culture Africaine sur Rythmes d’Afrique. Et pour mon premier compte-rendu je vous laisse découvrir des nouvelles sur les 50 années postindépendances de la Côte d’Ivoire.
J’avais quelques appréhensions avant d’acheter ce livre et au moment même de l’entamer. Je pensais qu’il s’agirait d’écrits ennuyeux remplis de débats politiques; mais étant donné qu’il était vendu en promotion, je l’ai tout de même emporté. Je ne suis pas du tout déçue et j’espère que vous aussi aurez l’occasion de l’apprécier.
50 ans d’Indépendance de la République de Côte d’Ivoire en 10 nouvelles est un recueil conçu à partir d’un concours d’écriture organisé par le groupe Fraternité Matin, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance en 2010. Le constat à la fin de cette lecture ? Le pays se portait mal le jour de ses 50 ans. La plupart des auteurs s’est évertuée à rappeler les maux dont souffre la mère patrie, sous différents contextes certes mais presque tout le temps pour les mêmes raisons. Toutefois, certaines nouvelles se démarquent selon moi par leur originalité et la puissance de leur message.
mardi 29 décembre 2015
Le ventre de l'Atlantique: Partir ou rester?

Nombreux sont ceux qui ont vu le passage de Fatou Diome sur le plateau de « Ce soir ou jamais »; mais au cas où vous n’en faites pas partie vous pouvez toujours visionner l’émission ici. C’est donc grâce à cette prestation remarquable que j’ai découvert l’écrivaine et que j’ai décidé de lire Le ventre de l’atlantique. Basé sur sa propre histoire, ce roman évoque les raisons qui poussent certains Africains à immigrer en Europe, la difficulté à convaincre les autres à rester au bercail et la réalité cachée par certains immigrés de la vie en France.
Le personnage principal Salie dont la vie est pratiquement celle de Fatou Diome, vit en France et peine à y joindre les deux bouts. Pourtant, bien qu’elle encourage les autres à chercher un mieux-être sur leurs propres terres, elle-même a du mal à y retourner définitivement. Issue d’une liaison illégitime, elle ne s’est jamais senti membre de la communauté de Ndiodior. Si en France la chaleur des siens lui manque, elle se sent toutefois étrangère chaque fois qu’elle retourne au Sénégal. Son frère Madické quant à lui, ne vit que pour rencontrer le joueur italien Maldini. Comme tous les autres jeunes du village, il rêve de jouer au football en France. Pour eux, la vie à Ndiodior ne vaut rien et seul l’occident peut leur permettre de réaliser leus rêves et assouvir les besoins de leurs familles. Malgré les conseils de Salie et les mises en garde de l’instituteur et directeur de l’école du village, les jeunes continuent de croire en ceux qui revenus de la France leur disent que tout y est or et argent.
Dans ce livre, Fatou Diome décrit le poids qui pèse sur certains jeunes Africains. Les parents espèrent que leurs enfants réussissent là où ils ont échoué. La colonisation mentale dont nous sommes l’objet nous pousse à croire que tout ce qui vient de l’occident est meilleur et que le bonheur se trouve uniquement de l’autre côté de l’atlantique. Certains ne se rendent pas compte de la pression que subissent ceux qui se trouvent en occident et quand bien même ceux-ci voudraient le leur expliquer, ils se retrouvent traités de tous les noms : égoïste, individualiste… On ne comprend pas pourquoi est-ce qu’ils restent en Europe et découragent les autres de suivre leurs traces. On ne comprend pas qu’il ne suffit pas d’être en France pour que tout aille bien. Qu’il ne suffit pas d’être le plus débrouillard au village pour arriver à tirer son épingle du jeu en Hexagone.
« Ah sacrée France, c’est peut-être parce qu’elle porte un nom de femme qu’on la désire tant. »
Dans ce livre, Fatou Diome décrit le poids qui pèse sur certains jeunes Africains. Les parents espèrent que leurs enfants réussissent là où ils ont échoué. La colonisation mentale dont nous sommes l’objet nous pousse à croire que tout ce qui vient de l’occident est meilleur et que le bonheur se trouve uniquement de l’autre côté de l’atlantique. Certains ne se rendent pas compte de la pression que subissent ceux qui se trouvent en occident et quand bien même ceux-ci voudraient le leur expliquer, ils se retrouvent traités de tous les noms : égoïste, individualiste… On ne comprend pas pourquoi est-ce qu’ils restent en Europe et découragent les autres de suivre leurs traces. On ne comprend pas qu’il ne suffit pas d’être en France pour que tout aille bien. Qu’il ne suffit pas d’être le plus débrouillard au village pour arriver à tirer son épingle du jeu en Hexagone.
« Ah sacrée France, c’est peut-être parce qu’elle porte un nom de femme qu’on la désire tant. »
Le ventre de l’Atlantique montre également le tourisme sexuel que certains européens effectuent au Sénégal – sans visas – afin de se requinquer grâce à des jeunes corps pleins de mélanine. Parfois, pour mieux s’abreuver à la source de jouvence, certains retournent en Europe avec un ou une sénégalaise qui malgré les difficultés une fois sur place se console à travers les mandats qu’elle peut envoyer à sa famille au bercail…
Je me suis posée la question de savoir comment faire comprendre aux Africains que c’est à nous de construire notre eldorado et qu’il ne se trouve pas ailleurs. D’après ma lecture, je pense que deux solutions s’ouvrent à nous. Soit les aider à construire cet eldorado en soutenant la formation de projets au pays, soit en les laissant foncer droit dans le mur, en tirer des leçons et peut être les partager avec les autres…
Je me suis posée la question de savoir comment faire comprendre aux Africains que c’est à nous de construire notre eldorado et qu’il ne se trouve pas ailleurs. D’après ma lecture, je pense que deux solutions s’ouvrent à nous. Soit les aider à construire cet eldorado en soutenant la formation de projets au pays, soit en les laissant foncer droit dans le mur, en tirer des leçons et peut être les partager avec les autres…
Au-delà du phénomène de l’immigration, Fatou Diome fait la satire d’une société capable d’assassiner des enfants sous prétexte qu’ils sont issus de relations illégitimes. Une société aveuglée par les serments des marabouts, recherchant le bonheur dans les gris-gris tout en prétendant ne pas y avoir recours. Une société dans laquelle la richesse se mesure aux nombres d’enfants quand bien même on n’aurait pas les moyens de s’en occuper... Je suis d’avis que l’occident y est pour beaucoup dans les malheurs de l’Afrique mais comme l’instituteur le fait remarquer dans ce roman, il serait important que nous fassions une rétrospection sur notre société et évitons les erreurs du passé pour avoir un meilleur avenir.
lundi 14 décembre 2015
L’aventure ambiguë, une aventure risquée !
Samba Diallo est issu du peuple des Diallobé et semble promut à un avenir de guide spirituel (maitre des Diallobé) ou de chef du peuple. Dès son enfance, il se démarque des gens de sa génération par une réflexion profonde sur la mort, le sens de la vie et la relation entre Dieu et l’homme. Élève favori du maitre des Diallobé, et membre de la famille royale, Samba est pourtant doté d’une grande humilité qui en fait même jaser certains. Alors que son attachement à la religion le destinait à être l’un des guides de son peuple, l’école se mit en travers de ce chemin. La Grande Royale, cousine de Samba et sœur du Chef des Diallobé, insiste pour que Samba aille à l’école étrangère - comme elle le dit -, afin qu’il apprenne l’art de vaincre sans avoir raison. Le chef ainsi que le maitre des Diallobé savent ce que cela pourrait signifier et les conséquences qui pourraient en découler. Le père de Samba Diallo lui-même accepte non sans douleur de laisser son fils aller à l’école en espérant que les valeurs spirituelles et traditionnelles qui lui ont été inculquées ne disparaitront pas. Avec le parcours de Samba Diallo d’abord en tant qu’élève de l’Islam, puis de l’école occidentale en Afrique et ensuite en France, on se demande comme le chef et le maître au départ, si « ce que l’on apprend vaut-il que l’on oublie ce que l’on sait déjà. »
Cheickh Hamidou Kane nous amène à nous poser les mêmes questions que le personnage principal. En lisant ce livre, je ne me suis pas juste sentie spectatrice de la vie de Samba Diallo. J’ai eu certains de ses doutes et j’ai récité certaines de ses prières. Samba a baigné dans une enfance beaucoup plus spirituelle que la mienne et surement que la plupart de mes lecteurs, mais cela n’empêche pas que nous sentions ou ayons tous senti à un moment cet éloignement entre nous et Dieu. Cette remise en question imposée par le père de Samba à son fils est l’un des plus beaux passages du livre selon moi.
Ce livre proche de l'autobiographie soulève comme bien d'autres des questions d'identité et de spiritualité. Il nous revient de faire la part des choses et de concilier nos valeurs traditionnelles ou/et religieuses et ce que nous apprenons à l'ecole. Apprendre, en essayant de ne pas oublier ce que l'on sait déjà...
Comment réagissez-vous lorsque vous êtes face à une situation qui met votre foi à rude épreuve ? Comment est-ce que Samba a réagi en étant confronté à des valeurs différentes de celles que lui a enseigné son maître coranique? Si vous avez envie de savoir, eh bien lire délivre !
lundi 7 décembre 2015
Raison d’État ou la loi du plus fort!
Il a suffi de quelques pages pour me mettre en rogne. Ce livre a vraiment de quoi nous faire désespérer du genre humain, de la justice ivoirienne (africaine par extension) et du système politique de notre pays. Bien que fictive, l’histoire relatée ici est très proche de nos réalités.
Au moment où Éric Moyé relate son récit, il vient de rejoindre l’au-delà. J’ai aimé cette touche macabre qui nous permet de découvrir le vivant d’un homme à travers ses mots de mort. Éric, le personnage principal et narrateur a été victime d'un piège ficelé par des énergumènes sans foi ni loi voulant jouir d’un labeur auquel ils n’ont aucunement contribué. Son histoire m’a fait penser à ces nombreuses arnaques où l’on se demande quand on n’est pas dans la situation comment est-ce que la victime a pu se laisser berner de la sorte. Comme la fiancée de Moyé le lui a signifié, il est très naïf. C’est sa grande foi et confiance aveugle en le genre humain qui a causé sa perte. L’apparition dans sa vie de Dame Koundessa la soi-disant sœur de la Première Dame, et de son acolyte le baron Toutré a mené un chef d’entreprise à succès en prison avant de le conduire au cimetière municipal de Yopougon. Au nom de quoi ? La Raison d’État.
Raison d’État dénonce un système où règne la loi du régime politique en place. C’est d’autant plus révoltant que nous savons tous que ce genre de choses a vraiment lieu sous nos cieux. Nous sommes dans des pays ou un honnête citoyen peut se retrouver derrière les barreaux sans jugement parce que des individus mal famés mangeant à la table du pouvoir en place en ont ainsi décidé. Votre vie peut être gâchée au nom de la « Raison d’État » sans que vous n’ayez le temps de comprendre ce qui se passe. En 72 pages, André Silver Konan évoque la vie pénitentiaire à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, l’excision, les croyances et les vindictes populaires en mettant surtout l’accent sur la violence, la corruption et l’injustice, du système judiciaire.
Après avoir lu ces pages, on pourrait être tenté de faire preuve d’une grande méfiance à l’égard de tous ceux que nous rencontrons. Heureusement, l’auteur nous donne quand même de l’espoir avec certains personnages. La générosité du beau-père de Moyé, et la manière dont il le traite, contraste avec toutes les histoires que nous entendons parfois sur les beaux-parents. Quant à Katy la fiancée d’Éric, elle est la personnification de l’expression « pour le meilleur et le pire » car malgré les difficultés, elle a supporté son fiancé jusqu’à la tombe. Bessa l’ami fidèle, Rougeau le voleur né rouquin et noirci par la galère (il ment oh !), et enfin l’avocat Me Djouman dont le zèle et l’ardeur sans faille n’ont certes pas sauvé la vie de Moyé mais ont pu empêcher ses bourreaux de faire main basse sur le fruit de son travail.
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https://twitter.com/andresilverkona |
vendredi 27 novembre 2015
Douceurs du bercail: Le bonheur est-il chez les autres?
Asta Diop comme d’autres Africains s’est retrouvée dans les caves de l’aéroport en attendant d’être rapatriée au Sénégal. Officiellement appelé « le dépôt », par ses occupants « l’escale », ce cachot représente la fin d’un rêve pour certains tandis que d’autres sont tout de même prêts à retenter l’expérience… Pourtant contrairement à la plupart des personnes présentes dans ce cachot, Asta a ses documents en règles. Asta ne rêve pas de rester en Europe et n’y est pas venue pour réaliser des rêves. Bien au contraire, elle fait partie de ceux qui incitent la jeunesse africaine à rester sur le continent pour y bâtir son bonheur. Pourtant aux yeux de ceux qui l’ont conduise au dépôt, Asta est comme tous les autres. Ils ne veulent pas de ces Africains qui osent espérer de meilleures conditions de vie en venant en occident. Ils ne veulent pas d’eux et le leur font clairement savoir, allant jusqu’à les humilier et à les traiter comme des bêtes de somme.
Si l’auteure dénonce le comportement des occidentaux face aux immigrés, elle n’y va pas de main morte non plus sur les défauts de nos sociétés africaines. L’histoire de l’un des personnages m’a principalement affectée. L’expérience malheureuse de Yakham montre à quel point le népotisme dans nos pays affecte de brillants élèves lorsque les bourses d’études sont affectées non selon le mérite mais en fonction des affiliations. Les critiques qu’elle fait du Sénégal sont également valables pour mon pays la Cote d’Ivoire. Le manque de professionnalisme, l’absentéisme et le favoritisme sont flagrants dans nos administrations. Que faut-il faire pour changer les choses ? Comment faut-il faire pour que nous nous sentions assez bien chez nous pour ne pas risquer nos vies vers un paradis lointain ? Pour Asta et certains de ses compagnons du dépôt, la solution a été de retourner à la terre. Comme ils le disent eux même, « la terre ne ment pas », elle récompense toujours selon l’intention et les efforts.
J’ai aimé ce livre, peut-être moins que L’appel des arènes et La grève des Bàttu, mais je le recommande vivement car l’écrivaine comme à son habitude nous force à nous remettre en question et à trouver des remèdes aux maux de nos sociétés.
samedi 24 octobre 2015
Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas
« Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif, un français passable, pour ne pas mélanger les pédales dans les gros mots, je possède quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harrap’s. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots, à vérifier les gros mots et surtout à les expliquer. Il faut expliquer parce que mon blablabla est à lire par toute sorte de gens : des toubabs (toubab signifie blanc) colons, des noirs indigènes sauvages d’Afrique et des francophones de tout gabarit (gabarit signifie genre). Le Larousse et le Petit Robert me permettent de chercher, de vérifier et d’expliquer les gros mots du français de France aux noirs nègres indigènes d’Afrique. L’Inventaire des particularités lexicales du français d’Afrique explique les gros mots africains aux toubabs français de France. Le dictionnaire Harrap’s explique les gros mots pidgin à tout francophone qui ne comprend rien de rien au pidgin. »
Dix ou douze ans ? L’âge du personnage principal n’est surement pas ce qui est le plus important, et encore moins son niveau d’étude. Dans ce récit simple, accentué de jurons lancés à tout-va, nous sommes introduits dans un monde de violence ; une violence tellement absurde qu’on la croirait inventée. Et pourtant…
Birahima n’a pas sa langue dans la poche et ça dès le début de l’histoire on le remarque. C’est « un enfant insolent, sans peur ni reproche » mais surtout c’est un enfant-soldat. Orphelin de père et de mère, Birahima voit son éducation confiée à sa tante Mahan. Seulement voilà, un incident conduit cette dernière à s’enfuir au Liberia en laissant son neveu dans son village Togobala. Appâté par des histories mirobolantes sur les enfants soldats du Liberia, Birahima s’embarque dans un voyage périlleux aux côtés de Yacouba, un marabout multiplicateur de billets de banque. Dans son parcours de small-soldier, Birahima découvre, vit, et nous raconte par la même occasion les différentes guerres tribales au Liberia et en Sierra Leone.
« Quand on dit qu’il y a guerre tribale dans un pays, ça signifie que des bandits de grand chemin se sont partagés le pays. Ils se sont partagés la richesse ; ils se sont partagés le territoire ; ils se sont partagés les hommes. Ils se sont partagés tout et tout et le monde entier les laisse faire. Tout le monde les laisse tuer librement les innocents, les enfants et les femmes. Et ce n’est pas tout ! Le plus marrant, chacun défend avec l’énergie du désespoir son gain et, en même temps, chacun veut agrandir son domaine. »
Kourouma est sans nul doute un maitre de la parole. Avec la version électronique, je pouvais suivre les aventures de Birahima partout - tant que mon ordinateur ou mon téléphone me le permettait-. Résultat, en 4 jours j’ai traversé la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone en faisant quelques haltes en Côte d’Ivoire. À travers l’histoire de Birahima, c’est l’attitude et la responsabilité de tout le monde qui est remise en question. Bien que les faits se déroulent en Afrique occidentale, cela rappelle que chaque jour des innocents sont tués dans le monde sous le silence coupable de la «communauté internationale». L’Afrique pullule et a de tout temps été infestée par les dictateurs, mais à quand le changement ? Kourouma n’est malheureusement plus de ce monde mais les crises qui ont secoué le continent dernièrement auraient surement fait tressaillir sa plume.
Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. Et je ne suis pas obligée de vous raconter tout ce qui se passe dans ce livre :p Je vous invite juste à vous dépêcher de le lire !
mercredi 2 septembre 2015
La grève des Bàttu, l'incontournable d'Aminata Sow Fall
Il y a certains livres que tout le monde – les Africains en particulier – doivent lire. La grève des Bàttu fait partie de ces œuvres que l’on qualifie de classique dans la littérature Africaine. Ce n’est pas fortuitement qu’Aminata Sow Fall a reçu le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour ce roman.
On dit souvent que la main qui demande est toujours en bas. Que se passe-t-il donc lorsque celui qui donne devient le quémandeur ? C’est ce que nous propose Aminata Sow Fall avec cette grève imaginée – et inattendue – des mendiants. Dans la « Grande Ville » d’un pays africain, ces derniers sont pourchassés, brutalisés, afin qu’ils quittent les trottoirs et autres lieux où ils gagnent leur pitance. La raison ? Il faut assainir la ville pour favoriser le tourisme. Les autorités ne veulent plus voir ces personnes qui, une petite calebasse (bàttu) à la main, assaillent les « honnêtes » citoyens pour survivre. Las de se voir traiter comme des bêtes, ces mendiants décident de se regrouper dans la maison de Salla Niang, où désormais ils acceptent les aumônes selon leurs propres règles. Mour Ndiaye, directeur général du service de la Salubrité Publique, après avoir vivement encouragé son subalterne Kéba Dabo dans cette guerre aux porteurs de bàttu, se retrouve face à une situation difficile. Pour obtenir ce qu’il désire le plus au monde, il a besoin de ces «ombres d’hommes» et de leurs calebasses…
Dans La grève des Bàttu, Aminata Sow Fall nous met en garde contre la déshumanisation. L’auteure pointe du doigt l’ambition malsaine de certains individus qui, pour gravir les échelons sont prêts à tout. Avec Mour Ndiaye, on découvre de nombreux défauts de l’homme, noir en particulier. Ndiaye représente ces chefs qui font faire tout le travail par les autres et se contentent de ramasser les lauriers. Des hommes qui en atteignant les sommets décident qu’il faut agrandir leur harem pour montrer des signes de prospérité; et ce malgré les sacrifices consentis par la première épouse. La quête du pouvoir dans laquelle se lance le personnage principal lui apprendra et à nous aussi par la même occasion que personne n’est trop petit ou trop pauvre pour être respecté.
La mendicité existe partout en Afrique et même ailleurs sous différentes formes. Toutefois, les Africains pourtant réputés pour leur sens du partage, deviennent de plus en plus insensibles face à la misère de leurs semblables. J’avoue avoir déjà eu de nombreuses discussions avec des amis et des proches pour justifier ce fait. Nous n’arrivions pas à admettre qu’une personne bien portante, sans aucune infirmité, décide de tendre la main plutôt que de travailler de ses dix doigts. Et pourtant… On pourrait énoncer toutes sortes de raisons qui pousse des gens à quémander mais chacun a surement sa propre histoire. La mendicité n’étant pas à encourager, il nous faut trouver une solution pour permettre aux démunis de gagner leur pain quotidien autrement qu’en quémandant ou en volant. Cependant, leur condition de mendiants n’est en aucun cas une raison suffisante pour que des personnes soient traitées comme des sous hommes. D’ailleurs pour les croyants de nombreuses religions, la charité ne sous déleste en rien, bien au contraire ! En donnant de nos biens, nous apprenons à nous désintéresser du matériel et à accumuler des bénédictions et des bonnes œuvres pour l’au-delà...
Tout comme L’appel des arènes, La grève des Bàttu est écrit simplement et agrémenté de quelques mots et expressions wolofs. Ce roman fait partie des incontournables de la littérature africaine et je vous le recommande vivement !
samedi 22 août 2015
Affres, hics d’aujourd’hui : Voyages avec Awa Ba
Lorsque je pénètre dans l’espace de la librairie du Palm Club, j’aperçois une jeune et belle femme toute en couleurs et assise quelque peu à l’écart dans le cercle que forment les chaises. Je l'apprécie aussitôt – à cause de sa tenue – sans savoir que c’est l’écrivaine du jour. J’ai donc découvert Awa Ba à l’occasion de livresque et j’en ai profité pour acheter son recueil de nouvelles Affres, hics d’aujourd’hui.
Comme le titre l’indique, ce recueil de nouvelles est une compilation d’histoires traitant des maux qui minent l’Afrique contemporaine. L’auteure ayant effectué des voyages dans plusieurs pays africains, s’est inspirée du quotidien de leurs habitants pour nous offrir un cocktail d’histoires drôles et dramatiques. Côte d’Ivoire, Tchad, Madagascar, Togo, Gambie, Gabon sont quelques endroits où les personnages se retrouvent. J’aime l’usage d’expressions typiques de certains pays. Je me suis d’ailleurs rendu compte que certaines de ces expressions ont traversé les frontières et il sera surement difficile de savoir qui en sont les premiers utilisateurs.
Déjà avec le titre, j’aurais dû me douter que l’auteure aime jouer avec les mots. Vous le noterai vous-même avec des nouvelles comme Mono ou poly ce n’est pas un game, NTIC: No trouble if communication, ou encore qui est pro du K-O…Les histoires sont agréablement simples mais parfois trop courtes à mon goût – parfaites pour ceux qui n’aiment pas les longs écrits –.
Religion, polygamie, infidélité, internet, et VIH Sida font partie des sujets développés dans les différentes nouvelles. Une femme qui prend de l’âge et peine à trouver un époux, une autre qui le veut Blanc. Celle-ci le veut pour elle toute seule tandis que l’autre tombe amoureuse d’un homme déjà marié. Hormis quelques nouvelles, la plupart des hommes dans ce livre sont ingrats, trompeurs et frivoles. C’est à se demander si l’homme fidèle existe pour Awa Ba. Heureusement, avec Joseph dans Maculée Conception et Michel dans NTIC : No Trouble If Communication, on reprend espoir et on se dit qu’il existe surement des mâles qui ne sautent pas sur tout ce qui bouge. Il n’y a malheureusement pas une page avec la liste de toutes les nouvelles mais je les ai recensées pour vous en marquant en rouge mes préférées. J’ai compté en tout 21 nouvelles pour environ 213 pages. Bonne lecture à vous et attachez vos ceintures pour le voyage !
1- Un brin de folie
2- La pomme d’Ama
3- Croire, voir et pouvoir
4- Le sapeur au moral sapé
5- En mode célibattante
6- Qui est pro du ko
7- Idée de génie pour trouver l’âme sœur
8- Mono ou poly ce n’est pas un game
9- Carrefour de la vie
10- NTIC : No trouble if communication
11- Je veux mon blanc
12- Petit ministre
13- Maculée conception
14- Lettre ouverte
15- Destins de femmes
16- À Paname, pas d’âme ?
17- Premiers pas dans la vraie vie
18- Rester positif
19- Fashion victime
20- Débats conjugaux
21- Le grand jour
mardi 18 août 2015
The color purple: La couleur pourpre
Je ne sais pas pour vous mais je ressens toujours une certaine pression lorsque je lis un livre qui a été acclamé par tout le monde. Je ressens moi aussi le besoin de l’aimer, de comprendre ce que les autres ont compris, alors que ce n’est pas cela le but de la lecture. En lisant, nous sommes censés tirer nos propres conclusions, ressentir nos propres émotions... Comme le disait l’artiste ivoirien Yak lors d’une exposition, « l’art doit être subjectif et non objectif ». Et je pense que tout comme la sculpture et la peinture, les mots inscrits dans les livres parlent d’eux même et ne doivent pas être interprétés d’une seule manière. Je travaille encore à ne pas me laisser influencer par les avis des autres…
J’ai dit tout cela, mais ce n’est pas pour m’opposer à l’avis général sur le chef d’œuvre d’Alice Walker car The color purple est indubitablement superbe. J’ai flanché dès la première page. En effet, l’auteure ne nous laisse pas le temps de nous installer avant de nous assommer avec la souffrance de Celie, nous forçant à adopter et partager immédiatement le drame de l’héroïne.
The color purple est un roman épistolaire qui nous transporte dans l’univers du personnage principal Celie. À l’âge de 14 ans, elle est violée par l’homme qu’elle appelle « père » sans qu’elle ne puisse le dire à qui que ce soit. Elle décide alors de confier ses maux à Dieu à travers des lettres. Enceinte à deux reprises et séparée de ses enfants, Celie est ensuite offerte comme une vulgaire marchandise – et encore gratuitement – à un homme vivant avec 4 de ses enfants. Celie ne s’oppose jamais, se contente de faire tout ce à quoi elle est assignée. Mais malgré cela, les coups et les injures pleuvent sur son corps et son esprit déjà affligé. Lorsqu’elle rencontre Shug Avery, l’ancienne amoureuse de son mari, Celie découvre un autre monde. Elle découvre qu’elle est belle malgré ce que les hommes lui ont toujours dit. Elle découvre qu’elle peut aimer d’autres personnes que sa mère et sa sœur, et que quelqu’un peut elle aussi l’aimer pour ce qu’elle est. C’est le début d’un long parcours pour se rendre compte qu’elle a de la valeur. Et face à toutes les difficultés qu’elle rencontre, une seule chose la tient en haleine : l’espoir de retrouver sa sœur dont elle n’a plus eu de nouvelles pendant des années.
Dans chaque lettre, on découvre un peu plus la vie des noirs dans un pays qui leur refusait les mêmes droits qu’aux blancs. Mais plutôt que de se contenter d’un banal récit racontant le mépris de l’homme blanc pour l’homme noir, Alice va plus loin. Elle y raconte le désir de dominer de certains hommes, blancs comme noirs. Elle examine la vie de certaines femmes soumises, marchepieds de leurs époux, de la société. Et le refus de certaines comme Sofia, Nettie et Shug de se plier aux exigences des autres. Dans The color purple, on découvre également les rencontres et la relation entre les noirs des États Unis et ceux vivant en Afrique que l’on considérait comme des sauvages et des païens…
L’amour est un thème important dans le livre mais c’est surtout l’amour de soi-même qui est prôné. Comme moi, certains n’apprécieront surement pas que Celie rencontre agapè et éros dans les bras d’une femme. Mais j’ai finalement compris que The color purple va au-delà d’une simple histoire d’homosexualité. Comme le dit Alice Walker dans la préface du livre, il s’agit du combat d’une personne qui commence sa vie en tant que captive spirituelle mais qui grâce à son courage et à l’aide des autres va réaliser qu’à l’instar de la nature, elle est l’expression rayonnante de ce qu’elle a toujours perçu de loin comme le divin.
L’amour est un thème important dans le livre mais c’est surtout l’amour de soi-même qui est prôné. Comme moi, certains n’apprécieront surement pas que Celie rencontre agapè et éros dans les bras d’une femme. Mais j’ai finalement compris que The color purple va au-delà d’une simple histoire d’homosexualité. Comme le dit Alice Walker dans la préface du livre, il s’agit du combat d’une personne qui commence sa vie en tant que captive spirituelle mais qui grâce à son courage et à l’aide des autres va réaliser qu’à l’instar de la nature, elle est l’expression rayonnante de ce qu’elle a toujours perçu de loin comme le divin.
À travers certains personnages, vous entendrez ou plutôt lirez des choses qui ne vous plairont pas forcement mais une chose est certaine, ce livre est à lire. Et pour ceux qui ne sont pas de grands fans des livres, je n’ai entendu que de bonnes critiques sur le film.
mercredi 5 août 2015
L’appel des arènes, accourons y tous!
Ne pas juger un livre à sa couverture prend tout son sens quand on examine l’état dans lequel celui-là se trouvait. Mal en point, ne se doutant surement pas que quelqu’un le lirait à nouveau. Pourtant, je fus conquise dès le début de L’appel des arènes.
« Le professeur de Nalla est très heureux cet après-midi car la leçon du complément d’objet direct semble être parfaitement sue.
- Nalla, donne-moi un exemple d’objet direct.
- Le chauffeur a abattu un lion.
- Et quel est le complément d’objet dans cette phrase ? »
Je vous laisse y répondre – car vous connaissez évidemment le complément d’objet direct. – Je ne suis pas une grande fan des longues descriptions qui finissent la plupart du temps par ennuyer le lecteur. J’aime donc le fait que l’auteure nous plonge directement dans le vif du sujet, dans une conversation qui devrait évoquer des souvenirs douloureux ou pas de grammaire. Certes Aminata Sow Fall décrira parfois des endroits -presque trop beaux pour être vrais à mon goût -, mais toujours dans la justesse, sans encombres qui pourraient nous amener à sauter quelques lignes.
J’ai dit plus haut que mon livre –celui de mon frère en réalité – n’était pas très neuf. Cependant, j'étais loin de me douter qu’il pourrait y avoir des pages manquantes. Imaginez donc ma douleur lorsque je me suis rendue compte que la page 9-10 était aux abonnés absents. Devais-je continuer à lire, ou aller à la quête de cette feuille perdue ? La deuxième option présageait déjà un retour les mains vides alors bien malgré moi j’ai continué à lire, en espérant que cette page ne comportait pas des informations indispensables pour la compréhension de l’histoire…
Nalla est un garçon de 12 ans qui se passionne pour la lutte sénégalaise au grand désarroi de ses parents. Ces derniers ayant séjourné en Europe, font tout pour vivre loin des traditions et de tout ce qui pourrait rappeler leur africanité. Ndiogou et Diattou ont rompu les liens avec leurs familles respectives et ne côtoient que des toubabs Njallxaar, des faux blancs comme eux. Si les deux parents désespèrent d’éloigner leur fils des arènes, c’est surtout la mère Diattou qui en perd les pédales. Elle qui, à la suite d’un incident de quartier est fuie par tous et considérée comme une mangeuse d’âmes par les habitants de la ville, voit en l’attitude de son fils un énième coup du sort. De son côté, Nalla ne se préoccupe pas tant que ça des réprobations de ses parents. Il prend plaisir à découvrir l’univers fascinant des lutteurs, et à écouter leurs histoires fabuleuses. Grace à son amitié avec le géant André, puis avec Malaw, Nalla s’enivre des délices d’une vie simple, sans artifices mais pleine de mythe et de poésie.
Tout comme Seydou Badian dans Sous l’orage, Aminata Sow Fall met l’accent sur l’importance des relations humaines et dénonce l’individualisme qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. J’eus honte en lisant L’appel des arènes. J’entendais la voix de papa me disant : « Es-tu allée saluer tel tonton ? As-tu appelé tel autre ? Vous ne savez pas à quel point les relations sont importantes. Certes on peut être intelligent et avoir les diplômes mais la famille, les rapports que nous entretenons avec les autres, jouent un rôle déterminant dans notre vie. »
Aminata Sow Fall a su harmoniser des mots « simples » pour offrir un livre plein de couleurs et d’émotions. L’appel des arènes est une mise en garde contre l’aliénation et ce désir d’adopter entièrement les valeurs occidentales en rejetant tout ce qui devrait plutôt faire notre fierté d’appartenir au peuple africain. « L’aliénation est assurément la plus grande mutilation que puisse subir un homme. (…) Le désordre qui bouleverse le monde a pour cause l’aliénation collective. Chacun refuse d’être soi-même et se perd dans l’illusion qu’il peut se tailler un manteau selon sa propre fantaisie… Le mal est universel… Personne ne sait plus à quoi s’accrocher. (…) L’homme perd ses racines et l’homme sans racines est pareil à un arbre sans racines : il se dessèche et meurt. »
- Nalla, donne-moi un exemple d’objet direct.
- Le chauffeur a abattu un lion.
- Et quel est le complément d’objet dans cette phrase ? »
Je vous laisse y répondre – car vous connaissez évidemment le complément d’objet direct. – Je ne suis pas une grande fan des longues descriptions qui finissent la plupart du temps par ennuyer le lecteur. J’aime donc le fait que l’auteure nous plonge directement dans le vif du sujet, dans une conversation qui devrait évoquer des souvenirs douloureux ou pas de grammaire. Certes Aminata Sow Fall décrira parfois des endroits -presque trop beaux pour être vrais à mon goût -, mais toujours dans la justesse, sans encombres qui pourraient nous amener à sauter quelques lignes.
J’ai dit plus haut que mon livre –celui de mon frère en réalité – n’était pas très neuf. Cependant, j'étais loin de me douter qu’il pourrait y avoir des pages manquantes. Imaginez donc ma douleur lorsque je me suis rendue compte que la page 9-10 était aux abonnés absents. Devais-je continuer à lire, ou aller à la quête de cette feuille perdue ? La deuxième option présageait déjà un retour les mains vides alors bien malgré moi j’ai continué à lire, en espérant que cette page ne comportait pas des informations indispensables pour la compréhension de l’histoire…
Nalla est un garçon de 12 ans qui se passionne pour la lutte sénégalaise au grand désarroi de ses parents. Ces derniers ayant séjourné en Europe, font tout pour vivre loin des traditions et de tout ce qui pourrait rappeler leur africanité. Ndiogou et Diattou ont rompu les liens avec leurs familles respectives et ne côtoient que des toubabs Njallxaar, des faux blancs comme eux. Si les deux parents désespèrent d’éloigner leur fils des arènes, c’est surtout la mère Diattou qui en perd les pédales. Elle qui, à la suite d’un incident de quartier est fuie par tous et considérée comme une mangeuse d’âmes par les habitants de la ville, voit en l’attitude de son fils un énième coup du sort. De son côté, Nalla ne se préoccupe pas tant que ça des réprobations de ses parents. Il prend plaisir à découvrir l’univers fascinant des lutteurs, et à écouter leurs histoires fabuleuses. Grace à son amitié avec le géant André, puis avec Malaw, Nalla s’enivre des délices d’une vie simple, sans artifices mais pleine de mythe et de poésie.
Tout comme Seydou Badian dans Sous l’orage, Aminata Sow Fall met l’accent sur l’importance des relations humaines et dénonce l’individualisme qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. J’eus honte en lisant L’appel des arènes. J’entendais la voix de papa me disant : « Es-tu allée saluer tel tonton ? As-tu appelé tel autre ? Vous ne savez pas à quel point les relations sont importantes. Certes on peut être intelligent et avoir les diplômes mais la famille, les rapports que nous entretenons avec les autres, jouent un rôle déterminant dans notre vie. »
Aminata Sow Fall a su harmoniser des mots « simples » pour offrir un livre plein de couleurs et d’émotions. L’appel des arènes est une mise en garde contre l’aliénation et ce désir d’adopter entièrement les valeurs occidentales en rejetant tout ce qui devrait plutôt faire notre fierté d’appartenir au peuple africain. « L’aliénation est assurément la plus grande mutilation que puisse subir un homme. (…) Le désordre qui bouleverse le monde a pour cause l’aliénation collective. Chacun refuse d’être soi-même et se perd dans l’illusion qu’il peut se tailler un manteau selon sa propre fantaisie… Le mal est universel… Personne ne sait plus à quoi s’accrocher. (…) L’homme perd ses racines et l’homme sans racines est pareil à un arbre sans racines : il se dessèche et meurt. »
dimanche 2 août 2015
Sous l'orage, un conflit de générations
« L’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leur main et s’en va dans leur main. » C’est pour dire à quel point l’homme ne peut vivre sans son semblable peu importe le rang qu’il occupe dans la société. L’importance de la communauté est l’un des thèmes abordés dans le premier roman de Seydou Badian. Sous l’orage est la scène d’un conflit de générations opposant d’un côté les anciens, ainés, traditionnalistes attachés au passé et de l’autre, les jeunes ayant été à l’école française et pour la plupart enclins au rejet de toutes les coutumes sans exception.
Kany est une jeune fille issue d’une famille polygame et fréquentant l’école française. Son père Benfa, l’a promise en mariage au riche commerçant Famagan qui a déjà deux autres femmes sous son toit. Comment Kany voyant les souffrances que subit sa mère au quotidien du fait de ses deux coépouses, pourrait-elle accepter de se lier à Famagan ? Comment pourrait-elle accepter de quitter les bancs de l’école pour être relayée au fond d’une case, et délaissée à la moindre occasion pour une plus jeune ? Mais surtout, comment pourrait-elle abandonner son amour Samou, élève comme elle, et avec qui elle a fait un pacte de sang pour consolider la passion les unissant ?
Au-delà du thème du mariage forcé, ce livre est surtout un appel à la conciliation entre nos valeurs africaines et la modernisation. Ce mariage pour les anciens tout comme pour les jeunes, représentait une bataille à vaincre pour asseoir ses idées et montrer à l’autre camp, qui menait la barque. Mais Seydou Badian à travers les voix de Tiéman-le-Soigneur et Kerfa, rappelle qu’il ne devrait pas y avoir d’animosité entre les anciens et les jeunes. Il invite plutôt les jeunes à mettre de l’eau dans leur vin, et à ne pas « flanquer tout par-dessus bord ». « Vous avez tort de vouloir tout laisser tomber. Vous avez tort d’essayer d’imiter les Européens en tout. Comprends-moi bien. L’homme européen n’est qu’un des multiples aspects de l’homme. On ne vous demande pas d’être Européens. On ne vous demande pas de vous défigurer. (…) Il n’est pas question pour vous de fuir votre milieu. Cherchez plutôt à agir sur lui. Cherchez à sauver ce qui doit être sauvé et essayez d’apporter vous-même quelque chose aux autres : une figure dans l’ébène, le paysage rutilant de chez nous sur une toile de peintre ! (…) Il ne s’agit pas évidemment de tout accepter. Mais faites un choix. Les coutumes sont faites pour servir les hommes, nullement pour les asservir. Soyez réalistes ; brisez tout ce qui enchaine l’homme et gène sa marche. Si vous aimez réellement votre peuple, si vos cris d’amour n’émanent pas d’un intérêt égoïste, vous aurez le courage de combattre toutes ses faiblesses. Vous aurez le courage de chanter toutes ses valeurs (...) L’humanité serait vraiment pauvre si nous devions tous nous transformer en Européens. »

dimanche 19 juillet 2015
Voyelles pour écrire...
Pendant les 18 derniers mois, c’est avec envie que j’observais
derrière mon écran tous les évènements culturels et artistiques qui se passaient à Abidjan. C’est donc sans hésitation
que j’ai décidé d’assister à la première édition de Voyelles…
Voyelles est un atelier littéraire initié par Stella Sanogoh et inspiré par les ateliers d’écriture qui étaient offerts par l’Association des Écrivains de Côte d’Ivoire (AECI). Amoureuse des mots, Stella veut permettre à des écrivains amateurs et confirmés de se retrouver chaque mois pour échanger autour de la littérature tout en apprenant à mieux écrire.
Arrivée sur les lieux entre 14h30 et 14h35, je fus surprise de n’y
rencontrer que l’hôtesse du jour avant de voir arriver plus tard deux écrivains
slammeurs que j’avais entraperçu dans la cour de l’ancienne mairie de Cocody.
Faible promotion, heure africaine ou manque d’intérêt? Je n’arrivais pas à
expliquer pourquoi jusqu’à 15h, la salle ne soit animée que par quatre ou cinq âmes
-outre les tableaux pleins de vie de la salle du musée- alors que l’évènement était
prévu pour 14h30. Peut-être étaient-ils tous à Heden Golf Hôtel pour voir les
Twins ? Je commençais à être déçue mais le sourire rayonnant de l’hôtesse
me donnait de l’espoir chaque fois que je levais le nez de ma lecture...
Finalement c'est à 15h20, qu'on aborda le sujet du
jour: Littérature Africaine Francophone dans le monde, quel impact ? Je crois que l'on a surtout évoqué les
raisons pour lesquelles les écrivains de l’Afrique noire francophone ne percent
pas autant que leurs confrères anglophones et maghrébins et comment y remédier. En fin de compte, je n’ai pas regretté d’avoir pris part à cet
atelier car j’ai appris beaucoup de choses.
Des interventions des uns et des autres -incluant les retardataires-, j’ai
retenu que la littérature africaine noire francophone après 50 ans d’indépendance
est encore à la traîne dans l’industrie. À ceux qui seraient prêts à crier
que les Africains et les ivoiriens en particulier n’aiment pas lire, Sergeph
écrivain, slammeur et co-animateur du jour répondit que les ivoiriens aiment
lire mais ils n’aiment pas lire ce que nous voulons qu’ils lisent. Il rappela
que le journal le plus lu en Côte d’Ivoire est l’hebdomadaire humoristique
Gbich et que les petits journaux racontant des histoires quotidiennes et vraies
(?) vendus à 100 francs l’unité s’arrachent comme des petits pains dans les
quartiers populaires. Pour les avoir moi-même dévorés quand j’étais au lycée, j’avoue
que ces petites histoires faciles à lire en attirent plus d’un. Sergeph pense
donc que lorsque l’écrivain choisit une certaine audience, c’est à lui d’assumer
son choix plutôt que d’espérer changer les goûts des lecteurs.
L’inaccessibilité du livre, le manque de promotion par les maisons d’édition,
le faible appui par les autorités compétentes et le désintérêt pour la littérature dite
lettrée sont quelques raisons évoquées pour expliquer les difficultés que
rencontrent les écrivains de l’Afrique noire francophone. Mais que faire ? Cédric Marshall, jeune écrivain suggéra que l’amour pour la littérature soit inculquée
dès le bas âge dans nos écoles et à la maison. En effet il est plus facile d’apprendre
aux enfants l’importance de la lecture que d’essayer plus tard d’en convaincre
un adulte.
Pour l’auteur du livre Le péché, Seydou Koné, il faut rendre le livre accessible à tout le monde en
installant des bibliothèques dans plusieurs villes et communes. Il pense également
que des partenariats entre diverses maisons d’édition contribueraient sans doute
à faire traduire les livres dans différentes langues et à les promouvoir
globalement. Stella Sanogoh quant à elle pense que les écrivains doivent être
des catalyseurs, des inventeurs d’âmes. Il ne faut pas écrire uniquement pour
devenir célèbre ou riche mais écrire pour transmettre de l’émotion, un peu de
soi. Elle blâme donc les écrivains -en prenant son propre exemple-, qui écrivent
rapidement, animés par la fougue de publier une première œuvre ou même
plusieurs sans essayer de construire un véritable chef d’œuvre. De chercher des
tournures compliquées pour dire des choses simples... De plus selon elle, même si
les maisons d’édition locales ne sont pas exactement à la hauteur de nos
attentes, c’est à l’écrivain de se vendre lui-même. Avec aujourd’hui la versions électronique des livres, chaque écrivain peut lui-même vendre ses œuvres
sur internet et partout dans le monde.
Le président de l’AECI Josué Guébo rejoint Stella en clamant qu’il ne faut pas se contenter d’écrire pour les locaux. Un écrivain
selon lui, doit avoir de l’audace et l’ambition de conquérir le monde. De ce
fait, il ne doit pas se contenter des éditions locales. L’écrivain doit avoir une
perspective universelle et cela implique en dehors même des écrits, d’être prêt
à collaborer avec des maisons d’édition étrangères. Enfin, plus d’un ont souligné l’importance
des prix littéraires qui permettent de faire connaître les auteurs, de leur
accorder un crédit à la fois au niveau national et international et de booster
les ventes.
Après ce partage et parce que les voyelles font chanter les mots, nous nous
sommes retrouvés autour de la table d’écriture et chacun d’entre nous a abordé
le thème de son choix. Les 4 thèmes étaient :
-
Je
me souviens
-
Lumière
-
La
description d’un paysage vu par un oiseau sans mentionner l’oiseau.
- La description d’un paysage tel que vu par une femme âgée dont le vieux et détestable mari vient juste de mourir. On ne doit pas mentionner ni le mari ni la mort.
Vous aussi derrière vos écrans vous pouvez vous y essayer en quinze minutes.
Top c’est parti !
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