vendredi 26 octobre 2012

BEAUTE ILLUSOIRE

Je me suis toujours vanté d’avoir épousé la plus belle femme au monde. La beauté est relative mais celle de Rigo met tout le monde d’accord. D’ailleurs, comment ses parents ont pu donner Rigobertine comme prénom à une aussi belle princesse. La première fois qu’elle m'a dit comment elle s'appelait, j’ai cru à une farce ; mais non c'est bien son unique prénom. En même temps, ses parents villageois n’ont pas vraiment de goût hormis pour la procréation. Tous leurs 5 enfants, filles comme garçons sont des pures merveilles, toutefois, Rigo demeure la plus belle de la famille.

Trêve de bavardages, j’ai rencontré Rigo il y a cinq ans lors de funérailles dans mon village. J’ai longtemps hésité avant d’assister à l’enterrement de cet oncle plus avare qu’Harpagon lui-même.  Cependant, mon voyage a été récompensé par la découverte de cette perle rare. Cadre, élégant, mais surtout citadin, je n’ai pas eu de mal à la conquérir. Je me considère chanceux qu’un autre énergumène ne soit passé avant moi et n’ait volé le cœur de ma dulcinée. Quoi qu’il en soit, Rigo m’appartient et je n’aime pas qu’on pose le regard sur elle.

Pour épouser mon amour je n’ai pas eu à faire de grandes dépenses car sa famille a voulu quelque chose de simple. Je n’ai plus aucun proche parent après mon avare d’oncle et sa famille a tenu à ce que le mariage coutumier se fasse dans la stricte intimité. Cela faisait des années que je n’avais pas été au village alors j’ai bien aimé l’idée d’une cérémonie sans tapage. Seul mon meilleur ami Kévin m’a accompagné pour me servir de témoin. Un adjoint au maire a effectué le déplacement  à mon domicile en ville pour la cérémonie civile et j’étais officiellement l’homme le plus heureux de la planète.

En plus d’être belle, Rigo est gentille, douce, aimante, soumise, accueillante. Je ne lui ai trouvé aucun défaut durant toutes ces cinq années passées ensemble. La seule chose qui me tracassait était l’absence de rires d’enfants dans notre grande villa. Cinq ans, sans la moindre grossesse, le moindre retard dans les menstrues, rien, absolument rien. Pourtant nos examens ne révèlent aucune anormalité chez l’un comme chez l’autre.

Hier Kévin m’a appelé au milieu de nuit, disant qu’il a quelque chose de très important à me raconter. J’étais tellement exténué par ma journée de boulot que je n’ai rien compris à ce qu’il racontait. Ce matin j’ai découvert une lettre de Rigo à mon chevet.
« Roger je t’abandonne parce que Kévin va détruire ce que j’ai mis cinq ans à construire. Je t’ai aimé et je t’aimerai surement encore mais il est mieux pour moi que je parte. Je savais que cela arriverait un jour car ma beauté est une malédiction pour moi. Adieu »

Kévin a donc osé faire ça, courtiser ma femme ? Ma femme ? Il était pourtant plus qu’un ami, un frère. Il entra dans le salon, son journal à la main comme d’habitude. « Roger je n’arrive toujours pas à croire à ce qui nous ai t’arrivé.

           -    Moi non plus mais bon, qui ne serait pas tenté par cette beauté ? Je suis déçu mais je surmonterai ma douleur. Toi par contre tu n’auras pas le temps de sentir la tienne.
PAN ! le révolver que j’ai acheté avec Kévin il y a de cela quelques années a servi a tué son ancien propriétaire. Il eut juste le temps de me montrer l’une des pages du journal où figurait la photo de Rigobertine et de toute sa famille. 

En commentaire j’ai pu lire : « Morts il y a plus de dix ans, les membres de la famille Tapé continuent de charmer les vivants grâce à leurs beautés légendaires. Ils se marient, ne font pas d’enfants puis disparaissent  quand leur secret est découvert, faisant sombrer leurs conjoints dans la folie. Ils se vengent ainsi, de plusieurs trahisons amoureuses. Leur beauté leur aurait joué un sale tour ».


lundi 22 octobre 2012

POUR TINO !


Si tu habites Yopougon tu connais surement Josée la star. Josée la plus belle fille d’Abidjan (selon ses propres termes), toujours bien habillée, maquillée des cheveux aux orteils. Josée n’est pas aussi belle qu’elle le croit; certes elle a un certain charme, mais le pauvre a disparu sous la tonne de maquillage dont elle s’afflige dès le réveil.

Le problème de Josée c’est qu’elle ne sait pas dire NON ! Tous les garçons du quartier l’ont connu (dans le sens biblique du terme), et elle semble ne ressentir aucune gêne face aux regards posés sur elle dans le quartier. Elle s’habille de manière légère, si on peut appeler vêtements les morceaux de tissus qui couvrent à peine son corps. Toujours dehors, les boîtes de nuit, les bars et tous les maquis d’Abidjan n’ont plus de secrets pour elle.

On la voit sortir de sa maison le matin pour n’y rentrer que le lendemain aux aurores. Josée était ma meilleure amie mais nous nous sommes éloignées lorsque mes parents ont décidé que l’on déménage. J’avoue que j’ai la plus grande part de responsabilité dans cette séparation car j’ai été la première à espacer les coups de fil.

J’aime Josée mais papa ne voulait plus que je la fréquente. Il disait que « Qui s’assemble se ressemble » et il ne voulait pas que je sois comme elle. J’en voulais beaucoup à papa car selon moi j’aurais pu aider mon amie à changer. La rupture avec Josée a été effective lorsque j’ai dit à ses parents qu’elle avait des relations intimes avec l’une des terreurs du quartier. Elle m’en a voulu d’avoir causé sa rupture avec ce bandit de grand chemin qu’était feu Tino danger de mort, et a juré de se venger de moi.

Deux ans sont passés depuis notre dispute et nous avons repris contact. J’avais à présent 21 ans et j’étais fiancée à Franck. Josée le connaissait très bien car on avait déjà fait des sorties tous les trois. Elle par contre ne m’avait présentée personne depuis notre rabibochage et je me disais même qu’elle avait surement changé de vie.

*********

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Josée et elle organise une fête au No limit à Bassam. A la question de savoir pourquoi ne pas avoir opté pour une boîte d’Abidjan, elle a répondu qu’elle voulait fêter loin des regards indiscrets. Je me suis disputée avec Franck donc finalement j’irai avec ma copine Annie qui a une voiture. Josée m’a dit que je rencontrerai par la même occasion son nouveau copain.

La plus grande boîte de nuit de l’Afrique de l’ouest est pleine juste pour l’anniversaire de Josée la star. Son nouveau gars a dû mettre le paquet vu comment la fête est belle. Voilà Josée qui arrive. « Ah Alex, tu as pu venir ? J’ai cru qu’après ta dispute avec Franck tu n’aurais plus l’envie d’être présente.

-         Oh laisse ça! On a l’habitude, on se réconciliera dans moins de deux jours, parle moi plutôt de ton nouveau chéri, il doit être plein aux as.

-         Ca tu l’as dit. Le problème c’est qu’il est trop connu à Abidjan c’est pourquoi il a préféré que la fête soit ici. Tu dois surement le connaître, le voilà sur la piste de danse et il s’appelle Boni Ghislain.

-         JOSEE !!

-         Quoi Josée ? Je t’avais prévenue, tu pensais que j’avais oublié ma vengeance ? Quand tu m’as séparée de Tino, j’aurais aimé avoir l’un de tes frères mais ils sont aussi imbus de leur personne que toi. Je pense toutefois que je ferai une excellente belle-mère pour vous. Passe une belle soirée mon amie.


lundi 15 octobre 2012

LA NOUVELLE


Il y a quatre rangées de bancs dans ma classe comme dans toutes les autres classes de mon école. Le maître nous place selon le rang de chaque élève après la dernière composition. Ainsi, il y a la rangée des Super, la rangée des Bien, la rangée des Assez bien et la rangée des Nuls. Dès qu’une personne rentre dans la classe, elle distingue immédiatement le premier et le dernier au plus récent classement. Certains élèves ne changent jamais de rangée, mais peuvent occuper des bancs différents.

A chaque résultat c’est pareil, toute l’école assiste à la fierté des uns et à l’humiliation des autres. Elèves, enseignants et même certains parents d’élèves sont tous présents dans la grande cour de l’école pour cet examen mensuel. Dans la file d’attente, chaque élève prie pour entendre son nom parmi les premiers appelés par le maître.

Le supplice commence par les écoliers des classes préparatoires. Cette catégorie d’élèves ne comprend pas trop ce qui se passe, et devrait en principe ne pas être touchée par la sentence, mais il y a toujours dans l’assistance les déclencheurs de pleurs. En général, ce sont des redoublants qui essaient de se former une armure derrière les moqueries. Ils connaissent déjà leur sort, ils savent qu’ils occuperont la même place que les années d’avant, ils pensent à la chicotte qui les attend à la maison, alors ils se vengent en se moquant des plus petits qui découvrent les affres de l’école.

Après ces éternels redoublants, il y a plusieurs autres catégories d’élèves. Les plus nombreux sont les élèves 
moyens. Ceux là font ce qu’ils peuvent pour ne pas être en dessous de la moyenne d’admission. Certains travaillent très dur mais n’arrivent pas à sortir du lot, faire partir des privilégiés qui recevront un tableau d’honneur pendant la fête de fin d’année. Je voudrais bien vous citer tous les types d’élèves le jour du classement mais c’est au tour de notre classe de retenir l’attention de toute l’assemblée.

Le maître comme d’habitude commence par citer les noms en commençant par le plus méritant jusqu’à l’élève qui sera le plus hué par l’assistance. Au tout début l’on entend des ovations après chaque nom, puis les battements de mains se font de plus en plus rares faisant place aux moqueries du public et aux reniflements des élèves visés. Assise dans la classe je regarde les visages de chaque élève, et j’identifie déjà les réactions dans les ménages.

Prenons Marina par exemple, c’est une fille fragile, qui pleure au moindre bobo. Chaque classement représente plus qu’une torture pour elle car son père est le directeur de l’école. Elle essaie de réussir et de le rendre fier mais c’est comme si les chiffres et les lettres s’étaient liés contre elle pour l’empêcher de les retenir dans son petit cerveau en croissance. Comme toujours elle est en larmes car elle a à peine eu la moyenne à la composition, ce qui signifie une semaine sans les 500 frs pour son goûter.

Marius quant à lui, attend de recevoir son bulletin pour manifester sa joie. Il est le mathématicien de la classe mais il est nul dans toutes les autres matières. Pour lui, tant qu’il a 50/50 dans sa matière préférée le reste importe peu. Le maître a beau lui dire de faire des efforts, il se défend en soutenant qu’il aura juste besoin des maths pour gérer la boutique de son père dans quelques années. Comme d’habitude, il sera accueillit à la maison avec un cadeau s’il a maintenu son rang en mathématiques.

Puis il y a la bande de Bernardine et les jumelles. Toujours dans le top du classement, toute la classe connait leur technique pour réussir mais personne n’oserait les dénoncer. Les plus grandes tricheuses de la classe, représentent également la terreur de l’école, car elles ont eu la chance d’avoir un physique plus imposant que celui de leurs camarades.

C’est bizarre, Vanessa et ses acolytes ne pleurent pas aujourd’hui. Même Joël qui a l’habitude d’occuper le dernier rang n’a pas l’air de se soucier de ce qui pourrait lui arriver à la maison ce soir. Ils affichent tous une mine réjouie en regardant en direction de la rangée des Super. Je ne comprends pas ce qui se passe alors suivant leurs regards, je vois mon voisin en train de pleurer. Eddy, ce garçon toujours taquin, est en train de pleurnicher la tête posée sur ses deux bras croisés au dessus de la table. Je ne prêtais pas attention à lui car dès mon arrivée à l’école, j’ai été informée qu’il ne craignait jamais les résultats de composition.

Je me retourne donc vers ma voisine de derrière qui en passant a toujours eu le béguin pour Eddy. Je lui demande pourquoi est-ce qu’il pleure mais elle ne daigne même pas me répondre. Ah c’est vrai, elle ne m’adresse plus la parole parce que je ne l’ai pas aidée pendant l’épreuve de dictée. Ce n’est pas grave son voisin sera plus conciliant, je partage toujours mon pain de 10h avec lui. Il rigole longtemps avant de me répondre : « D’où tu sors toi ? Eddy c’est le premier par excellence depuis la maternelle, et toi tu apparais sur ton balai de sorcière et tu le détrônes, si tu le vois pleurer, c’est juste parce que cette fois-ci, il a été classé deuxième »

Je souris mais je sais au fond de moi, que le combat ne fait que commencer. Aucun garçon surtout s’il est doué n’apprécie de voir une fille à la tête du classement. J’ai eu la chance des nouveaux cette fois-ci mais Eddy ne se laissera pas faire, et j’ai intérêt à bien attacher ma ceinture. Pourtant je ne crains pas grand-chose, si je ne suis pas première, je serai deuxième ou alors parmi les cinq premiers du classement. Rien ne changera pour moi car depuis toute petite les bonnes notes ne me ramènent pas de cadeaux spéciaux. « Tu es intelligente donc c’est normal que tu aies de bonnes notes » me dit-on. Le drame serait que je sois un jour assise dans la rangée des Bien, alors, pour le moment peu importe mes résultats je ne crierai pas de joie mais je serai tout de même contente.

ARIANE


Ariane était une fille belle, insouciante, tête en l’air, mais gentille. Elle avait 11 ans lorsqu’il s’en est allé. Son papa, son bien aimé, le premier homme se sa vie était parti pour ce long voyage sans retour. Il était d’un caractère sévère pour cette petite fille mais il était quand même un pilier pour elle. Elle avait pleuré, crié, hurlé qu’on le lui rende en vain, personne ne semblait prêter attention à ses appels de détresse. Puis le temps avait essayé de cicatriser la plaie dans son cœur, et elle avait grandi avec sa mère, son grand frère et l’aînée de la famille.


 A 16 ans, Ariane en laissait paraître 3 de plus. Des hommes de toutes les classes sociales s’intéressaient à la petite adolescente qu’elle était encore. Livrée à elle-même, avec une mère qui était toujours restée dans l’ombre de son époux, un frère qui n’avait le temps que pour les jupons dehors, et une sœur qui gère tant bien que mal sa propre famille, Ariane ne savait à qui se confier. Puis, elle a eu les mauvaises camarades; celles que les parents n’aimeraient pas voir leurs enfants fréquenter; ces filles qui passent plus de temps dans les boîtes de nuit et maquis, qu’elles n’en passent dans les salles de classe.

Ariane contrairement à la majorité de ses amies, était vierge car malgré tout elle tenait à ce trésor. Tout d’abord, le mariage était son objectif, puis face aux réalités qui se présentaient à elle, elle s’inventait le prince charmant. Pour la jeune orpheline, elle offrirait son trésor à celui qu’elle aimerait plus que tout et dont elle serait sûre d’être l’épouse. Ariane avait des rêves, mais personne pour la guider sur le droit chemin.

Elodie, la star de l’école avait son anniversaire, elle n’avait invité que les V.I.P de l’établissement et Ariane en faisait désormais partie. Dans un maquis de la Rue Princesse de Yopougon, Ariane goûta à sa première goutte d’alcool, puis à son premier joint. Elle se sentait puissante, et à l’abri de tout. Elle oubliait le vide occasionné par le départ prématuré de son père. Elle oubliait les bagarres incessantes des amantes de son frère à la maison. Elle oubliait même que sa mère souffrait de la voir sombrer petit à petit dans les vices de l’adolescence.

Elle avait bu plus qu'elle ne devrait, et le joint n’avait pas été une bonne idée non plus, mais Ariane ne pouvait plus le savoir. Le matin à son réveil, elle n’avait plus aucun vêtement sur elle et était couchée parmi ses compagnons de la soirée. Elle se leva avec un terrible mal de tête et découvrit des traces de sang sur ses cuisses. Son entrejambe était douloureux mais elle arrivait tant bien que mal à marcher.


Ariane s’était rhabillée, et avait rejoint sa maison. Elle s’était frotté tout le corps, elle avait même failli se blesser mais elle continuait de frotter. Elle voulait se débarrasser de cette souillure mais rien, absolument rien ne viendrait replacer l’hymen où il logeait. Elle ne savait même pas qui était le responsable de cette ignominie. Sa virginité s’en est allée, comme son père l’avait fait auparavant sans qu’elle ne puisse rien y faire. Elle n’avait plus rien à perdre, mais les prochains hommes sur sa route, eux avaient tout à y perdre. Cette nuit là, elle avait aussi perdu son cœur, alors son but ultime serait de voler celui des autres, et de les réduire à néant, elle se l’était juré.