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vendredi 27 novembre 2015

Douceurs du bercail: Le bonheur est-il chez les autres?


L’immigration des Africains vers les pays occidentaux est malheureusement un sujet qui ne finira pas de délier les langues de sitôt. Pourquoi cherchons-nous l’eldorado loin de nos terres ? Chaque personne vous donnera peut-être une raison différente mais au final pour la plupart, l’herbe est plus verte ailleurs. Nonobstant les sacrifices à fournir pour arriver à bon port, l’angoisse lors des contrôles, les conditions de vie précaires des sans-papiers et enfin la honte et l’honneur bafoué en cas d’échec, ils sont nombreux à vouloir tenter leur chance coûte que coûte. C’est d’ailleurs le thème de l’échec qu’Aminata Sow Fall traite dans Douceurs du bercail

Asta Diop comme d’autres Africains s’est retrouvée dans les caves de l’aéroport en attendant d’être rapatriée au Sénégal. Officiellement appelé « le dépôt », par ses occupants « l’escale », ce cachot représente la fin d’un rêve pour certains tandis que d’autres sont tout de même prêts à retenter l’expérience… Pourtant contrairement à la plupart des personnes présentes dans ce cachot, Asta a ses documents en règles. Asta ne rêve pas de rester en Europe et n’y est pas venue pour réaliser des rêves. Bien au contraire, elle fait partie de ceux qui incitent la jeunesse africaine à rester sur le continent pour y bâtir son bonheur. Pourtant aux yeux de ceux qui l’ont conduise au dépôt, Asta est comme tous les autres. Ils ne veulent pas de ces Africains qui osent espérer de meilleures conditions de vie en venant en occident. Ils ne veulent pas d’eux et le leur font clairement savoir, allant jusqu’à les humilier et à les traiter comme des bêtes de somme. 




Si l’auteure dénonce le comportement des occidentaux face aux immigr
és, elle n’y va pas de main morte non plus sur les défauts de nos sociétés africaines. L’histoire de l’un des personnages m’a principalement affectée. L’expérience malheureuse de Yakham montre à quel point le népotisme dans nos pays affecte de brillants élèves lorsque les bourses d’études sont affectées non selon le mérite mais en fonction des affiliations. Les critiques qu’elle fait du Sénégal sont également valables pour mon pays la Cote d’Ivoire. Le manque de professionnalisme, l’absentéisme et le favoritisme sont flagrants dans nos administrations. Que faut-il faire pour changer les choses ? Comment faut-il faire pour que nous nous sentions assez bien chez nous pour ne pas risquer nos vies vers un paradis lointain ? Pour Asta et certains de ses compagnons du dépôt, la solution a été de retourner à la terre. Comme ils le disent eux même, « la terre ne ment pas », elle récompense toujours selon l’intention et les efforts. 

J’ai aimé ce livre, peut-être moins que L’appel des arènes et La grève des Bàttu, mais je le recommande vivement car l’écrivaine comme à son habitude nous force à nous remettre en question et à trouver des remèdes aux maux de nos sociétés.

mercredi 2 septembre 2015

La grève des Bàttu, l'incontournable d'Aminata Sow Fall


Il y a certains livres que tout le monde – les Africains en particulier – doivent lire. La grève des Bàttu fait partie de ces œuvres que l’on qualifie de classique dans la littérature Africaine. Ce n’est pas fortuitement qu’Aminata Sow Fall a reçu le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour ce roman. 


On dit souvent que la main qui demande est toujours en bas. Que se passe-t-il donc lorsque celui qui donne devient le quémandeur ? C’est ce que nous propose Aminata Sow Fall avec cette grève imaginée – et inattendue – des mendiants. Dans la « Grande Ville » d’un pays africain, ces derniers sont pourchassés, brutalisés, afin qu’ils quittent les trottoirs et autres lieux où ils gagnent leur pitance. La raison ? Il faut assainir la ville pour favoriser le tourisme. Les autorités ne veulent plus voir ces personnes qui, une petite calebasse (bàttu) à la main, assaillent les « honnêtes » citoyens pour survivre. Las de se voir traiter comme des bêtes, ces mendiants décident de se regrouper dans la maison de Salla Niang, où désormais ils acceptent les aumônes selon leurs propres règles. Mour Ndiaye, directeur général du service de la Salubrité Publique, après avoir vivement encouragé son subalterne Kéba Dabo dans cette guerre aux porteurs de bàttu, se retrouve face à une situation difficile. Pour obtenir ce qu’il désire le plus au monde, il a besoin de ces «ombres d’hommes» et de leurs calebasses…



Dans La grève des Bàttu, Aminata Sow Fall nous met en garde contre la déshumanisation. L’auteure pointe du doigt l’ambition malsaine de certains individus qui, pour gravir les échelons sont prêts à tout. Avec Mour Ndiaye, on découvre de nombreux défauts de l’homme, noir en particulier. Ndiaye représente ces chefs qui font faire tout le travail par les autres et se contentent de ramasser les lauriers. Des hommes qui en atteignant les sommets décident qu’il faut agrandir leur harem pour montrer des signes de prospérité; et ce malgré les sacrifices consentis par la première épouse. La quête du pouvoir dans laquelle se lance le personnage principal lui apprendra et à nous aussi par la même occasion que personne n’est trop petit ou trop pauvre pour être respecté.


La mendicité existe partout en Afrique et même ailleurs sous différentes formes. Toutefois, les Africains pourtant réputés pour leur sens du partage, deviennent de plus en plus insensibles face à la misère de leurs semblables. J’avoue avoir déjà eu de nombreuses discussions avec des amis et des proches pour justifier ce fait. Nous n’arrivions pas à admettre qu’une personne bien portante, sans aucune infirmité, décide de tendre la main plutôt que de travailler de ses dix doigts. Et pourtant… On pourrait énoncer toutes sortes de raisons qui pousse des gens à quémander mais chacun a surement sa propre histoire. La mendicité n’étant pas à encourager, il nous faut trouver une solution pour permettre aux démunis de gagner leur pain quotidien autrement qu’en quémandant ou en volant. Cependant, leur condition de mendiants n’est en aucun cas une raison suffisante pour que des personnes soient traitées comme des sous hommes. D’ailleurs pour les croyants de nombreuses religions, la charité ne sous déleste en rien, bien au contraire ! En donnant de nos biens, nous apprenons à nous désintéresser du matériel et à accumuler des bénédictions et des bonnes œuvres pour l’au-delà...

Tout comme L’appel des arènes, La grève des Bàttu est écrit simplement et agrémenté de quelques mots et expressions wolofs. Ce roman fait partie des incontournables de la littérature africaine et je vous le recommande vivement !

mercredi 5 août 2015

L’appel des arènes, accourons y tous!


Ce livre la, il faut absolument que vous le lisez et que vous le faites lire. Il n’y a pas d’âge pour se perdre entre les lignes de L’appel des arènes. En parcourant les pages de ce roman, j’ai ressenti la même sensation que l’on éprouve lorsque l’on savoure de l’eau glacée en pleine canicule. Je ne sais pas si c’est ce livre en particulier ou si la plume d’Aminata Sow Fall est toujours aussi rafraichissante. Rafraichissant… c’est le seul qualificatif que j’ai trouvé après ma lecture.

Ne pas juger un livre à sa couverture prend tout son sens quand on examine l’état dans lequel celui-là se trouvait. Mal en point, ne se doutant surement pas que quelqu’un le lirait à nouveau. Pourtant, je fus conquise dès le d
ébut de L’appel des arènes

« Le professeur de Nalla est très heureux cet après-midi car la leçon du complément d’objet direct semble être parfaitement sue.

- Nalla, donne-moi un exemple d’objet direct.
- Le chauffeur a abattu un lion.
- Et quel est le complément d’objet dans cette phrase ? »


Je vous laisse y répondre – car vous connaissez évidemment le complément d’objet direct. – Je ne suis pas une grande fan des longues descriptions qui finissent la plupart du temps par ennuyer le lecteur. J’aime donc le fait que l’auteure nous plonge directement dans le vif du sujet, dans une conversation qui devrait évoquer des souvenirs douloureux ou pas de grammaire. Certes Aminata Sow Fall décrira parfois des endroits -presque trop beaux pour être vrais à mon goût -, mais toujours dans la justesse, sans encombres qui pourraient nous amener à sauter quelques lignes.


J’ai dit plus haut que mon livre –celui de mon frère en réalité – n’était pas très neuf. Cependant, j'étais loin de me douter qu’il pourrait y avoir des pages manquantes. Imaginez donc ma douleur lorsque je me suis rendue compte que la page 9-10 était aux abonnés absents. Devais-je continuer à lire, ou aller à la quête de cette feuille perdue ? La deuxième option présageait déjà un retour les mains vides alors bien malgré moi j’ai continué à lire, en espérant que cette page ne comportait pas des informations indispensables pour la compréhension de l’histoire…

Nalla est un garçon de 12 ans qui se passionne pour la lutte sénégalaise au grand désarroi de ses parents. Ces derniers ayant séjourné en Europe, font tout pour vivre loin des traditions et de tout ce qui pourrait rappeler leur africanité. Ndiogou et Diattou ont rompu les liens avec leurs familles respectives et ne côtoient que des toubabs Njallxaar, des faux blancs comme eux. Si les deux parents désespèrent d’éloigner leur fils des arènes, c’est surtout la mère Diattou qui en perd les pédales. Elle qui, à la suite d’un incident de quartier est fuie par tous et considérée comme une mangeuse d’âmes par les habitants de la ville, voit en l’attitude de son fils un énième coup du sort. De son côté, Nalla ne se préoccupe pas tant que ça des réprobations de ses parents. Il prend plaisir à découvrir l’univers fascinant des lutteurs, et à écouter leurs histoires fabuleuses. Grace à son amitié avec le géant André, puis avec Malaw, Nalla s’enivre des délices d’une vie simple, sans artifices mais pleine de mythe et de poésie.


Tout comme Seydou Badian dans Sous l’orage, Aminata Sow Fall met l’accent sur l’importance des relations humaines et dénonce l’individualisme qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. J’eus honte en lisant L’appel des arènes. J’entendais la voix de papa me disant : « Es-tu allée saluer tel tonton ? As-tu appelé tel autre ? Vous ne savez pas à quel point les relations sont importantes. Certes on peut être intelligent et avoir les diplômes mais la famille, les rapports que nous entretenons avec les autres, jouent un rôle déterminant dans notre vie. »


Aminata Sow Fall a su harmoniser des mots « simples » pour offrir un livre plein de couleurs et d’émotions. L’appel des arènes est une mise en garde contre l’aliénation et ce désir d’adopter entièrement les valeurs occidentales en rejetant tout ce qui devrait plutôt faire notre fierté d’appartenir au peuple africain. « L’aliénation est assurément la plus grande mutilation que puisse subir un homme. (…) Le désordre qui bouleverse le monde a pour cause l’aliénation collective. Chacun refuse d’être soi-même et se perd dans l’illusion qu’il peut se tailler un manteau selon sa propre fantaisie… Le mal est universel… Personne ne sait plus à quoi s’accrocher. (…) L’homme perd ses racines et l’homme sans racines est pareil 
à un arbre sans racines : il se dessèche et meurt. »