mardi 29 décembre 2015

Le ventre de l'Atlantique: Partir ou rester?


Nombreux sont ceux qui ont vu le passage de Fatou Diome sur le plateau de « Ce soir ou jamais »; mais au cas où vous n’en faites pas partie vous pouvez toujours visionner l’émission ici. C’est donc grâce à cette prestation remarquable que j’ai découvert l’écrivaine et que j’ai décidé de lire Le ventre de l’atlantique. Basé sur sa propre histoire, ce roman évoque les raisons qui poussent certains Africains à immigrer en Europe, la difficulté à convaincre les autres à rester au bercail et la réalité cachée par certains immigrés de la vie en France. 


Le personnage principal Salie dont la vie est pratiquement celle de Fatou Diome, vit en France et peine à y joindre les deux bouts. Pourtant, bien qu’elle encourage les autres à chercher un mieux-être sur leurs propres terres, elle-même a du mal à y retourner définitivement. Issue d’une liaison illégitime, elle ne s’est jamais senti membre de la communauté de Ndiodior. Si en France la chaleur des siens lui manque, elle se sent toutefois étrangère chaque fois qu’elle retourne au Sénégal. Son frère Madické quant à lui, ne vit que pour rencontrer le joueur italien Maldini. Comme tous les autres jeunes du village, il rêve de jouer au football en France. Pour eux, la vie à Ndiodior ne vaut rien et seul l’occident peut leur permettre de réaliser leus rêves et assouvir les besoins de leurs familles. Malgré les conseils de Salie et les mises en garde de l’instituteur et directeur de l’école du village, les jeunes continuent de croire en ceux qui revenus de la France leur disent que tout y est or et argent.

Dans ce livre, Fatou Diome décrit le poids qui pèse sur certains jeunes Africains. Les parents espèrent que leurs enfants réussissent là où ils ont échoué. La colonisation mentale dont nous sommes l’objet nous pousse à croire que tout ce qui vient de l’occident est meilleur et que le bonheur se trouve uniquement de l’autre côté de l’atlantique. Certains ne se rendent pas compte de la pression que subissent ceux qui se trouvent en occident et quand bien même ceux-ci voudraient le leur expliquer, ils se retrouvent traités de tous les noms : égoïste, individualiste… On ne comprend pas pourquoi est-ce qu’ils restent en Europe et découragent les autres de suivre leurs traces. On ne comprend pas qu’il ne suffit pas d’être en France pour que tout aille bien. Qu’il ne suffit pas d’être le plus débrouillard au village pour arriver à tirer son épingle du jeu en Hexagone.

« Ah sacrée France, c’est peut-être parce qu’elle porte un nom de femme qu’on la désire tant. »


Le ventre de l’Atlantique montre également le tourisme sexuel que certains européens effectuent au Sénégal – sans visas – afin de se requinquer grâce à des jeunes corps pleins de mélanine. Parfois, pour mieux s’abreuver à la source de jouvence, certains retournent en Europe avec un ou une sénégalaise qui malgré les difficultés une fois sur place se console à travers les mandats qu’elle peut envoyer à sa famille au bercail…

Je me suis posée la question de savoir comment faire comprendre aux Africains que c’est à nous de construire notre eldorado et qu’il ne se trouve pas ailleurs. D’après ma lecture, je pense que deux solutions s’ouvrent à nous. Soit les aider à construire cet eldorado en soutenant la formation de projets au pays, soit en les laissant foncer droit dans le mur, en tirer des leçons et peut être les partager avec les autres… 


Au-delà du phénomène de l’immigration, Fatou Diome fait la satire d’une société capable d’assassiner des enfants sous prétexte qu’ils sont issus de relations illégitimes. Une société aveuglée par les serments des marabouts, recherchant le bonheur dans les gris-gris tout en prétendant ne pas y avoir recours. Une société dans laquelle la richesse se mesure aux nombres d’enfants quand bien même on n’aurait pas les moyens de s’en occuper... Je suis d’avis que l’occident y est pour beaucoup dans les malheurs de l’Afrique mais comme l’instituteur le fait remarquer dans ce roman, il serait important que nous fassions une rétrospection sur notre société et évitons les erreurs du passé pour avoir un meilleur avenir.

lundi 21 décembre 2015

Le film d'une vie ou une hymne à la tristesse?



Elle n’a pas encore 21 ans lorsqu’elle écrit ces lignes. Sa plume chante et les mots dansent au rythme de ses émotions, de ses pensées. Elle laisse s’étaler sur cette page blanche des peines qu’elle a vécues ou observées autour d’elle. Elle sait qu’elle n’est pas seule, que d’autres personnes souffrent également alors elle écrit en pensant à eux, en voulant leur rendre un témoignage et leur dire que la lutte continue…

Le film d’une vie
est un recueil de 17 nouvelles écrites par Ouattara Sikatchi Malicka, jeune bloggeuse et écrivaine ivoirienne. Guidée par sa propre histoire et celle de ses proches, Malicka raconte la tristesse. Bien qu’ayant déjà lu la plupart des nouvelles auparavant, je les ai explorées avec un plaisir renouvelé. Plusieurs thèmes revenaient comme les grossesses précoces ou hors mariage, les amours d’adolescents, les relations inter-religieuses, l’infidélité mais surtout la mort… Deux de mes nouvelles préférées dans cette oeuvre sont d’ailleurs sur le thème de la perte d’un être cher. Plutôt qu’une histoire linéaire, "Elle souffrira toujours" se présente comme une sorte de soutien, comme pour dire à ceux qui souffrent de la perte d’un être aimé qu’ils ne sont pas seuls et que leur douleur est partagée. La nouvelle "Je t’aime" quant à elle a bien failli m’arracher une larme alors que j’essayais d’imaginer les sentiments d’un enfant qui vient de perdre un parent...

              


En lisant j’ai eu l’impression que l'auteur avait un faible pour les prénoms en « i »: Marie, Céline, Pauline, Véronique, Anni, Adeline, Stéphanie, Jérémie… je me demande si j’ai été la seule à le remarquer. La nouvelle à laquelle l’oeuvre doit son titre est l’histoire de Marie, une jeune fille aveuglée par les artifices de la vie. Issue d’une famille modeste, elle croit avoir trouvé en Diouf, un homme beaucoup plus âgé et aisé, le moyen d'accéder à de plus hautes sphères. Malgré l’opposition de sa famille, elle se lança la tête la première dans un very bad trip. Elle découvrira bien assez tard que tout ce qui brille n’est pas forcement or...

J’ai été surprise d’être étonnée par la fin de l’une des histoires alors que je l’avais déjà lue et c’est exactement le genre d’effet que je recherche en lisant. Les nouvelles sont courtes mais je n’en ressors pas avec un goût d’inachevé car on a le temps de vivre les émotions des personnages. Étrangement, j’ai moins aimé les deux plus longues nouvelles parce que je trouvais que tout se passait trop vite. Il y avait ce petit quelque chose dans les autres qui leur manquait. Et j’ai pensé que la nouvelle "Le film d’une vie" aurait été sûrement meilleure en roman afin que l’histoire soit beaucoup plus détaillée.

Malicka Ouattara 

Cette oeuvre relate également l’histoire de ces personnes en attente de don d’organes, de femmes qui demeurent dans des foyers où le bonheur s’est depuis longtemps enfui, de pardon qui vient trop tard, d’amour impossible entravé par les différences sociales ou religieuses, de personnes gardant des secrets lourds à porter… J’ai d'ailleurs beaucoup aimé l’histoire 'La petite Sadjee". J’aurais évidemment voulu connaître le secret qui liait Sadjee et sa mère au point où elles se suivirent dans la tombe mais c’est aussi ces mystères que l’on ne révèle à personne – pas même aux lecteurs – qui me font apprécier une histoire.

Enfin, Le film d’une vie se présente sous un ensemble d’histoires courtes mais poignantes que j’aimerais bien voir être lues dans nos lycées et collèges. Le talent de Malicka est une autre preuve que La valeur n’attend point le nombre des années.

lundi 14 décembre 2015

L’aventure ambiguë, une aventure risquée !


Il y a des mots que l’on emploie parfois à tort ou à raison sans vraiment en connaitre le sens. J’ai souvent pensé que « ambigu » signifiait juste complexe. Mais avant de lire ce livre, j’ai eu (heureusement) l’idée de vérifier la signification réelle du mot et j’ai compris qu’il faisait référence à quelque chose qui réunit deux natures opposées… Et l’itinéraire de Samba Diallo dans ce livre illustre l’ambiguïté d’un être ayant reçu d’un côté les valeurs traditionnelles et islamiques basées sur la foi et de l’autre les enseignements de l’école occidentale basés sur le rationalisme et la science. L’aventure ambiguë fait partie de ces livres dont j’entendais parler comme des références pendant plusieurs années sans avoir eu l’occasion de les lire pendant mes années lycées. Aujourd’hui c’est chose faite!

Samba Diallo est issu du peuple des Diallobé et semble promut à un avenir de guide spirituel (maitre des Diallobé) ou de chef du peuple. Dès son enfance, il se démarque des gens de sa génération par une réflexion profonde sur la mort, le sens de la vie et la relation entre Dieu et l’homme. Élève favori du maitre des Diallobé, et membre de la famille royale, Samba est pourtant doté d’une grande humilité qui en fait même jaser certains. Alors que son attachement à la religion le destinait à être l’un des guides de son peuple, l’école se mit en travers de ce chemin. La Grande Royale, cousine de Samba et sœur du Chef des Diallobé, insiste pour que Samba aille à l’école étrangère - comme elle le dit -, afin qu’il apprenne l’art de vaincre sans avoir raison. Le chef ainsi que le maitre des Diallobé savent ce que cela pourrait signifier et les conséquences qui pourraient en découler. Le père de Samba Diallo lui-même accepte non sans douleur de laisser son fils aller à l’école en espérant que les valeurs spirituelles et traditionnelles qui lui ont été inculquées ne disparaitront pas. Avec le parcours de Samba Diallo d’abord en tant qu’élève de l’Islam, puis de l’école occidentale en Afrique et ensuite en France, on se demande comme le chef et le maître au départ, si « ce que l’on apprend vaut-il que l’on oublie ce que l’on sait déjà. » 



Cheickh Hamidou Kane nous amène à nous poser les mêmes questions que le personnage principal. En lisant ce livre, je ne me suis pas juste sentie spectatrice de la vie de Samba Diallo. J’ai eu certains de ses doutes et j’ai récité certaines de ses prières. Samba a baigné dans une enfance beaucoup plus spirituelle que la mienne et surement que la plupart de mes lecteurs, mais cela n’empêche pas que nous sentions ou ayons tous senti à un moment cet éloignement entre nous et Dieu. Cette remise en question imposée par le père de Samba à son fils est l’un des plus beaux passages du livre selon moi.

"Tu crains que Dieu t'ait abandonné, parce que tu ne le sens plus avec autant de plénitude que dans le passé et comme Il l'a promis à Ses fidèles, « plus proche que l'artère carotide. » Ainsi, tu n'es pas loin de considérer qu'il t'a trahi. Mais tu n'as pas songé qu'il se puisse que le traître, ce fut toi. Et pourtant... Mais réponds plutôt: donnes-tu à Dieu toute sa place, dans tes pensées et dans tes actes? T'efforces-tu de mettre tes pensées en conformité avec Sa loi? Il ne s'agit pas de lui faire allégeance une fois pour toute, par une profession de foi générale et théorique. Il s'agit que tu t'efforces de conformer chacune de tes pensées à l'idée que tu te fais de son ordre. Le fais-tu? (...) Ton salut, la présence en toi de Dieu vivant dépendent de toi. (...) Tu cloueras Dieu au pilori quand tu l'auras quêté, comme Il l'a dit, et qu'Il ne sera pas venu..."
Ce livre proche de l'autobiographie soulève comme bien d'autres des questions d'identité et de spiritualité. Il nous revient de faire la part des choses et de concilier nos valeurs traditionnelles ou/et religieuses et ce que nous apprenons à l'ecole. Apprendre, en essayant de ne pas oublier ce que l'on sait déjà... 

Comment réagissez-vous lorsque vous êtes face à une situation qui met votre foi à rude épreuve ? Comment est-ce que Samba a réagi en étant confronté à des valeurs différentes de celles que lui a  enseigné son maître coranique? Si vous avez envie de savoir, eh bien lire délivre !

lundi 7 décembre 2015

Raison d’État ou la loi du plus fort!


Il a suffi de quelques pages pour me mettre en rogne. Ce livre a vraiment de quoi nous faire désespérer du genre humain, de la justice ivoirienne (africaine par extension) et du système politique de notre pays. Bien que fictive, l’histoire relatée ici est très proche de nos réalités.

Au moment où Éric Moyé relate son récit, il vient de rejoindre l’au-delà. J’ai aimé cette touche macabre qui nous permet de découvrir le vivant d’un homme à travers ses mots de mort. Éric, le personnage principal et narrateur a été victime d'un piège ficelé par des énergumènes sans foi ni loi voulant jouir d’un labeur auquel ils n’ont aucunement contribué. Son histoire m’a fait penser à ces nombreuses arnaques o
ù l’on se demande quand on n’est pas dans la situation comment est-ce que la victime a pu se laisser berner de la sorte. Comme la fiancée de Moyé le lui a signifié, il est très naïf. C’est sa grande foi et confiance aveugle en le genre humain qui a causé sa perte. L’apparition dans sa vie de Dame Koundessa la soi-disant sœur de la Première Dame, et de son acolyte le baron Toutré a mené un chef d’entreprise à succès en prison avant de le conduire au cimetière municipal de Yopougon. Au nom de quoi ? La Raison d’État. 

Raison d’État dénonce un système où règne la loi du régime politique en place. C’est d’autant plus révoltant que nous savons tous que ce genre de choses a vraiment lieu sous nos cieux. Nous sommes dans des pays ou un honnête citoyen peut se retrouver derrière les barreaux sans jugement parce que des individus mal famés mangeant à la table du pouvoir en place en ont ainsi décidé. Votre vie peut être gâchée au nom de la « Raison d’État » sans que vous n’ayez le temps de comprendre ce qui se passe. En 72 pages, André Silver Konan évoque la vie pénitentiaire à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, l’excision, les croyances et les vindictes populaires en mettant surtout l’accent sur la violence, la corruption et l’injustice, du système judiciaire.

Après avoir lu ces pages, on pourrait être tenté de faire preuve d’une grande méfiance à l’égard de tous ceux que nous rencontrons. Heureusement, l’auteur nous donne quand même de l’espoir avec certains personnages. La générosité du beau-père de Moyé, et la manière dont il le traite, contraste avec toutes les histoires que nous entendons parfois sur les beaux-parents. Quant à Katy la fiancée d’Éric, elle est la personnification de l’expression « pour le meilleur et le pire » car malgré les difficultés, elle a supporté son fiancé jusqu’à la tombe. Bessa l’ami fidèle, Rougeau le voleur né rouquin et noirci par la galère (il ment oh !), et enfin l’avocat Me Djouman dont le zèle et l’ardeur sans faille n’ont certes pas sauvé la vie de Moyé mais ont pu empêcher ses bourreaux de faire main basse sur le fruit de son travail.

https://twitter.com/andresilverkona

Au final, Raison d’État est un livre que je recommande vivement. L’écrivain avec un vocabulaire simple arrive à faire passer son message à tout le monde. Il est temps que nous délaissons certains systèmes qui s’ils bénéficient à certains pendant un moment, nuisent malheureusement à tout le monde sur le long terme. J’ai lu ce livre en moins de 3 heures de temps et pour 2000 frs seulement vous aussi pouvez passer un agréable moment de lecture.

samedi 5 décembre 2015

Sandy la catastrophe...3


Illustration par Tatou Dembele

La douceur de la voix le surprit, autant que ce qu’il avait sous les yeux. Il voyait un superbe corps qui n’avait rien à envier aux pom pom girls du campus. Il s’attendait à revoir un sexe masculin en lieu et place de l’appareil génital féminin comme il y avait de cela trois années. Mais au lieu de ça, ce qu’il aperçut eut le don d’éveiller en lui un sentiment de désir inapproprié compte tenu de la situation. Que s’était-il passé ? Comment cela se faisait-il qu’elle était devenue « normale » ? Évidemment il n’y avait rien de normal au fait qu’elle soit en train de préparer sa mort, mais physiquement, elle n’aurait pas du être ainsi constituée.

- Tu t’es fait opérer ? Demanda-t-il avec un mélange de surprise, de peur et de désir dans la voix.
- Oui. Je me suis fait enlever ce sexe qui faisait de moi la risée du campus. J’ai enlevé ce truc qui m’a empêché d’avoir une vie normale pendant de nombreuses années. Et à présent j’ai l’intention de te débarrasser du tien également.

Ryan ne sut plus quoi répondre. Son sort avait l’air d’être déjà scellé. Pourquoi n’avait-il pas quitté la ville quand cette folie meurtrière avait débuté ? Il avait refusé de croire au début, lorsque Brice avait été retrouvé mort et émasculé, que cela avait quelque chose à voir avec cet incident trois années en arrière. Mais en voyant chacun de ses compagnons disparaitre au fur et à mesure, il avait pris conscience du danger qui planait sur sa vie. Et pourtant il ne s’était pas résolu à s’enfuir. Il s’en était voulu aussitôt qu’il avait commis sa bêtise et avait passé les dernières années à chercher un moyen de se faire pardonner. Il savait que rien n’aurait pu effacer ce qu’ils avaient fait. Mais lorsque Sandy s’était enfuie de l’université, il avait arrêté de trainer avec ses pseudos amis. Il avait compris qu’il ne servait à rien de chercher à leur plaire s’il fallait pour cela blesser des gens sur le chemin. C’était vrai que le manque d’un cocon familial le poussait à chercher sans cesse la compagnie des autres et à se faire accepter. Orphelin et balancé de familles d’accueil en orphelinats, il pensait que réussir à intégrer un groupe d’étudiants branchés lui aurait apporté l’amour dont sa famille biologique et les autres ayant suivi avaient refusé de le gratifier. Mais en voyant l’horreur dans les yeux de Sandy quand il lui arrachait ses vêtements, en voyant les larmes ruisseler sur son visage en découvrant ses photos placardées sur les murs du campus, il avait compris qu’il avait emprunté un mauvais chemin. Il repensait encore au passé lorsqu’il sentit une douleur fulgurante lui traverser la poitrine.

Sandy avait enfoncé à nouveau la lame de son couteau dans l’incision qu’elle avait déjà faite. Elle avait préparé un véritable plan de torture mais à présent elle se demandait si elle irait jusqu’au bout. Que ferait-elle après ce dernier meurtre ? Elle se dit qu’elle aurait peut-être dû faire durer son supplice en le laissant errer dans la ville se demandant quand elle se déciderait à agir. Mais elle se rappela qu’elle aurait pu perdre ses traces si elle avait attendu trop longtemps. Elle s’était préparée pour accomplir sa vengeance durant les derniers mois et elle se rendit compte qu’elle n’avait aucune idée de ce que serait sa vie lorsqu’elle en aurait fini avec Ryan. Grâce à son opération elle aurait pu avoir une vie « normale » dans un autre endroit. Quitter cette ville qui ne lui avait rien apporté de bon lui aurait fait beaucoup de bien. Mais les enquêtes faisaient d’elle le suspect numéro un. Les policiers avaient réussi à établir un rapport entre cette étudiante hermaphrodite qui avait été humiliée quelques années plus tôt et les meurtres qui avaient eu lieu dernièrement. On la surveillait comme du lait sur le feu et elle s’étonna encore qu’elle ait pu échapper aux inspecteurs qui lui collaient aux fesses pour s’occuper de Ryan. Elle avait interdiction de quitter le territoire et une tentative de quitter l’Etat par les airs se solderait forcement en un échec. Elle soupira et se demanda pourquoi est-ce qu’elle était envahie par toutes ces pensées alors que se trouvait devant elle un homme qui ne demandait qu’à se voir arracher le souffle de vie.

Il fut surpris de la voir se rhabiller, mais encore plus lorsqu’il sentit ses lèvres sur les siennes.

- Tu sais avant ce jour-là, j’avais le béguin pour toi. Ce que tu m’as fait m’a profondément blessée, d’autant plus que je te croyais mon ami.
- Je le sais, répondit-il. J’ai commis une erreur. J’ai voulu être cool et accepté par les autres mais je sais que je n’aurais jamais dû faire ça.
- J’espère que tu ne penses pas que cela effacera ce que tu as fait.
- Non. Je sais déjà que tu as décidé de mon sort. Je sais que tu me tueras peu importe ce que je pourrai dire. Mais je tenais juste à te dire encore une fois que pas une nuit ne s’est passée sans que je n’en fasse des cauchemars.

Sandy laissa éclater un rire cynique qui contrastait avec sa beauté et la douceur de sa voix.

- C’est moi qui suis agressée et c’est toi qui en fais des cauchemars. Elle est bien bonne celle-là. As-tu une idée de ce que j’ai l’intention de te faire ?
- Me tuer je devine, comme avec les autres.
- Oui, mais pas d’une mort douce. J’ai l’intention de prendre mon temps pour te faire sentir la douleur que tu m’as infligée.

Illustration par Saraï D'Hologne

Tandis qu’elle parlait, Sandy s’était éloignée de lui. Mais à présent elle avançait d’une démarche féline, telle une prédatrice à l’affut de sa proie. Elle lui empoigna les testicules de façon violente et y appliqua la lame mal aiguisée de son deuxième couteau. Ryan hurla de douleur tandis que ses appareils reproducteurs le quittaient progressivement. A-t-on idée de faire souffrir ainsi un être humain ? Il n’y avait que dans les films que ce genre de choses arrivait. Sandy se rendit compte que la tache devenait difficile et qu’elle perdrait trop de temps. Les cris de Ryan la touchaient au plus profond d’elle. Elle se sentait affectée et s’en voulut d’avoir pitié de lui. Il ne méritait en aucun cas sa pitié étant donné qu’il ne l’avait pas épargnée elle. Elle lâcha le couteau qu’elle utilisait et pris l’autre à la lame plus tranchante. De façon abrupte elle coupa les morceaux de chair qu’elle tenait entre les mains. Ryan perdait beaucoup de sang et pour éviter qu’il ne tombe en syncope, elle lui administra rapidement un coagulant pour stopper l’hémorragie et la morphine qu’elle avait préparé pour atténuer la douleur. Pourtant, il perdit quand même connaissance avant qu’elle commence à lui perfuser une poche de sang. Elle n’avait aucune envie qu’il meurt maintenant. Il était sa dernière victime et elle comptait bien en profiter longtemps avant que la police ne l’arrête, qu’elle ne se tue, ou qu’elle réussisse à s’enfuir hors du pays… Fin

mardi 1 décembre 2015

Sandy la catastrophe...2

Sandy la catastrophe...1ere partie

 Illustration par Saraï D'Hologne

Il pouvait humer assez fortement le parfum qu’elle dégageait lorsqu’elle lui effleura le cou de ses lèvres. Baiser froid, aussi glacé que le vent qu’il y avait en dehors des murs de l’établissement. Il ne savait pas comment il était arrivé là. Il ne savait par quelle magie elle avait pu le trainer jusqu’à cet amphithéâtre. Mais à présent il se retrouvait nu dans cette grande pièce avec celle qui ne voulait en aucune manière son bien. Elle lui tourna autour pendant longtemps avec dans ses yeux une flamme sur laquelle il n’arrivait à mettre aucune émotion. Désir ? Colère ? Tristesse ? Il n’aurait pu dire ce qui l’animait pendant qu’elle faisait passer ses mains sur son torse nu. Ses mains étaient encore moins chaudes que le baiser de tout à l’heure. Il commença à grelotter. Sa peur l’avait empêché de penser au fait que son membre était exposé à l’air libre, mais un courant d’air sur ses parties génitales le lui rappelèrent. Il pensa à couvrir son intimité et se rendit compte alors que ses mains avaient disparu. Comment cela se faisait-il qu’il ne s’en était pas rendu compte plus tôt ? Il ne ressentait aucune douleur. Là où devait se trouver des phalanges recouvertes de chair et le tout emballées de peau humaine, trainait de vieilles bandes tachées de sang mais que l’on devinait blanches avant l’opération. Qu’avait-elle l’intention de lui faire ? Il n’eut pas le courage de lui poser la question. Il ne sentait pas la douleur qui aurait dû l’habiter et après avoir vu ses mains amputées, il commençait à ne plus avoir peur non plus...

Dans sa tête, de nombreuses idées se bousculaient. Ça avait été beaucoup plus facile qu’elle ne l’imaginait. Contrairement aux autres, il était déjà déboussolé et n’était pas très souvent en compagnie d’autres étudiants sur le campus. Sandy n’avait pas eu besoin de faire beaucoup d’efforts pour l’endormir et le transporter jusqu’à chez elle. Quelques tablettes de Nitrazepam dans sa boisson, et elle n’avait eu qu’à le faire transporter par le même bon à rien qui l’avait aidée précédemment. Le reste n’avait été qu’un jeu d’enfants mais rien comparé à ce qu’elle s’apprêtait à lui faire subir. D’ailleurs elle devait trouver une solution pour faire taire son aide de camp si elle voulait que la police n’ait pas de preuves suffisantes pour l’arrêter. Cet idiot qu’elle avait déniché dans les endroits sombres de la ville pouvait ouvrir sa bouche à n’importe quel moment. Son aptitude à être ivre dès les premiers rayons de soleil faisait de lui une faille dans son projet. D’ailleurs c’était la seule erreur qu’elle avait commise jusque-là. Elle avait eu besoin de quelqu’un pour transporter ses victimes et avait choisi la première personne qu’elle avait eue sous la main. Elle s’était rendue compte de son erreur des qu’il lui avait demandé si elle avait quelque chose a voir avec les meurtres dont tout le monde parlait dans la ville. Il était pourtant celui qui avait soulevé toutes les victimes, mais apparemment l’alcool qu’il ingurgitait à longueur de journée l’amenait à croire stupidement qu’elle lui demandait ce service payant uniquement pour avoir des relations intimes avec tous ces jeunes hommes. Elle avait du mal à croire qu’un homme aussi stupide existait. Mais elle se dit quand même qu’il n’ouvrirait pas la bouche de sitôt si la police n’arrivait pas à remonter jusqu’à lui. Elle s’occuperait de son cas plus tard car pour le moment Ryan était peut être impatient de savoir ce qu’elle lui réservait. Tandis qu’il la regardait, elle repensait à l’humiliation qu’il lui avait infligée. Et pourtant elle ne demandait rien d’autre qu’on la laisse en paix. Elle se rappelait les rires sur son passage, les doigts l’indexant, et les gens s’éloignant à son approche comme si elle avait la peste. Tout doucement elle fit glisser la lame de son couteau sur son torse. Elle voulait qu’il la sente de la même manière qu’elle avait senti son intimité violée. Elle appuya un peu plus sur le manche du couteau jusqu’à ce qu’il lâche un cri strident qui résonna dans la salle. Cela voulait dire que les effets de la morphine se dissipaient. Elle ne s’inquiétait pas du fait qu’il put ameuter des gens. Elle avait volontairement attendu les congés de Noel pour mettre en œuvre son plan. Elle sentait qu’il souffrait et pensait qu’elle y aurait ressenti un certain plaisir, mais ce n’était pas le cas. Elle attendait qu’il la supplie de le libérer comme l’avaient fait les trois autres, mais aucun autre son ne traversa ses lèvres. Et elle s’en inquiétait...

Son sang coulait du haut de son torse ou partait l’incision jusqu’au plancher juste en dessous de lui. Elle lui avait collé les fesses au bureau des professeurs et chaque tentative de s’en détacher avait résulté en une douleur qu’il s’efforçait de maitriser. Ses pieds étaient libres, tout comme ce qui restaient de ses mains. Pourtant il lui était impossible de bouger. Il était fix
é à ce bureau lui-même fixé au sol et ressemblant à un autel de sacrifice. Il avait décidé de ne pas lui donner la satisfaction d’implorer sa clémence. Plusieurs fois déjà il s’était excusé, avait demandé pardon en la trouvant sur le seuil de sa maison. Mais aucun mot n’était jamais sorti de sa bouche. On eut dit qu’elle ne le voyait même pas quand en larmes il disait regretter son acte. Il s’en voulait déjà d’avoir crié lorsqu’elle lui a enfoncé la lame de couteau. Peut-être qu’il méritait ça, peut-être pas. Mais dans tous les cas, il voulait être aussi digne que l’on peut l’être lorsqu’on est nu comme un vers dans un amphithéâtre vide avec pour seul autre occupant une belle et jeune femme. Une belle et jeune femme qui s’apprête à commettre un meurtre. Une belle et jeune femme dont le cœur hurle vengeance. Une belle et jeune femme du nom de Sandy qui commence à se déshabiller sous le regard ébahi de sa victime…

- Voilà ce que tu désirais tant voir il y a trois ans. Es-tu satisfait ?