mercredi 17 septembre 2014

CES PRENOMS QUI DERANGENT...


Petite j’étais le souffre-douleur de mon grand frère Nonyaha (laissez-moi au moins un) mais on le lui pardonne. L’une de ses blagues favorites pour me mettre dans l’embarras est la suivante “Quand on devait lui choisir un prénom, il y a une mouche qui est passée devant maman et celle-ci s’est écriée oh mais putain ! L’officier chargé d’établir l’acte de naissance a alors écrit Pitin sur son extrait.” Si j’explosais en larmes face à ce genre de jeux de mots et de blagues toutes pourries (j’étais une petite fille), aujourd’hui j’aime bien TOUS mes prénoms. Silué Tchonté Pitin Mireille, c’est ainsi que mes parents ont choisi de m’appeler. Pitin la mère de Papa était également la fille de Tchonté – le grand père de papa – aussi, j’ai finalement compris que ces deux prénoms me permettaient de jouir de certains privilèges. Mais bon cet article n’a pas pour but de parler de moi mais plutôt de ces prénoms africains qui dérangent.

Le peuple Sénoufo dont je suis issue n’est pas réputé pour son poro et son folklore uniquement mais aussi pour ses prénoms atypiques. S’il existe des prénoms propres à chaque tribu africaine, ceux des Sénoufo sont surtout connus pour leur longueur et prononciation difficile. Ainsi Gninhinninchionni (Dieu est avec nous) l’une de mes amies a préféré mettre G. sur son compte Facebook pour ne pas avoir à l’écrire en entier et à le prononcer pour certaines personnes. J’avoue moi-même avoir eu beaucoup de mal à appeler Pénégnanon (c’est parce que vous avez vu que je suis seul) un autre de mes grands frères quand j’étais plus jeune. Seulement peu de gens s’intéressent à l’histoire et à la signification de ces prénoms. Les détenteurs eux même plutôt que de s’enorgueillir de leurs beaux prénoms africains s’empressent de donner le prénom dit « français » lorsqu’on leur demande de déclarer leur identité.

D’aucuns diront que les prénoms français sont plus faciles à prononcer et donc plus commodes tandis que d’autres cherchent à échapper aux moqueries de leurs amis parce que portant des prénoms ridicules aux yeux des autres. Lorsqu’il s’agit de mettre une photo dans une tenue pagne et de déclarer que nous sommes Africains et fiers de l’être, pas besoin de se faire prier. Mais lorsqu’il faut porter cette même fierté à travers nos prénoms, nous nous défilons très rapidement.

Selon la croyance populaire en Afrique, le prénom que porte une personne peut influencer son caractère. Si cela s’avère vrai, je comprends mieux la multitude de statuts sur Facebook de mon cousin Songrofohl dont le prénom signifie « celui qui pense beaucoup ». Hemtcha désigne une personne qui rassemble tandis que Kignelman est une expression signifiant « tout ce que je fais est dans la main de Dieu ». Certains prénoms ont des significations multiples. C’est le cas de Soukpafolo qui se dit d’une personne en qui l’on peut avoir confiance et signifie également la volonté du cabri (aux temps jadis, la majorité des Sénoufo adorait les animaux). Mais n’allez pas croire que tous nos prénoms sont aussi "fantaisistes" car certains tel que Kolo (attribué à un enfant né à la suite de jumeaux) sont très "jolis" et "simples" aux yeux de tout le monde.  

Chez d’autres peuples, j’apprécie aussi les prénoms de certaines amies comme Singa et Wonseu qui signifient respectivement « or » et « bonheur » en Yacouba, ou encore Kossia généralement attribué aux personnes nées le dimanche chez les Abron.


Je pourrais vous citer toute une panoplie de prénoms africains aussi beaux et lourds de sens les uns que les autres mais il ne suffit pas de s’appeler Tchonté Pitin et de l’arborer fièrement pour prétendre défendre son identité culturelle. Lorsque je saurai parler et comprendrai parfaitement ma langue maternelle, je reviendrai vous enquiquiner sur notre pseudo fierté qui se limite très souvent à notre accoutrement. 

Sinon, c’est quoi votre prénom africain ? 

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