Affichage des articles dont le libellé est Ivoirien. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Ivoirien. Afficher tous les articles

lundi 7 décembre 2015

Raison d’État ou la loi du plus fort!


Il a suffi de quelques pages pour me mettre en rogne. Ce livre a vraiment de quoi nous faire désespérer du genre humain, de la justice ivoirienne (africaine par extension) et du système politique de notre pays. Bien que fictive, l’histoire relatée ici est très proche de nos réalités.

Au moment où Éric Moyé relate son récit, il vient de rejoindre l’au-delà. J’ai aimé cette touche macabre qui nous permet de découvrir le vivant d’un homme à travers ses mots de mort. Éric, le personnage principal et narrateur a été victime d'un piège ficelé par des énergumènes sans foi ni loi voulant jouir d’un labeur auquel ils n’ont aucunement contribué. Son histoire m’a fait penser à ces nombreuses arnaques o
ù l’on se demande quand on n’est pas dans la situation comment est-ce que la victime a pu se laisser berner de la sorte. Comme la fiancée de Moyé le lui a signifié, il est très naïf. C’est sa grande foi et confiance aveugle en le genre humain qui a causé sa perte. L’apparition dans sa vie de Dame Koundessa la soi-disant sœur de la Première Dame, et de son acolyte le baron Toutré a mené un chef d’entreprise à succès en prison avant de le conduire au cimetière municipal de Yopougon. Au nom de quoi ? La Raison d’État. 

Raison d’État dénonce un système où règne la loi du régime politique en place. C’est d’autant plus révoltant que nous savons tous que ce genre de choses a vraiment lieu sous nos cieux. Nous sommes dans des pays ou un honnête citoyen peut se retrouver derrière les barreaux sans jugement parce que des individus mal famés mangeant à la table du pouvoir en place en ont ainsi décidé. Votre vie peut être gâchée au nom de la « Raison d’État » sans que vous n’ayez le temps de comprendre ce qui se passe. En 72 pages, André Silver Konan évoque la vie pénitentiaire à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, l’excision, les croyances et les vindictes populaires en mettant surtout l’accent sur la violence, la corruption et l’injustice, du système judiciaire.

Après avoir lu ces pages, on pourrait être tenté de faire preuve d’une grande méfiance à l’égard de tous ceux que nous rencontrons. Heureusement, l’auteur nous donne quand même de l’espoir avec certains personnages. La générosité du beau-père de Moyé, et la manière dont il le traite, contraste avec toutes les histoires que nous entendons parfois sur les beaux-parents. Quant à Katy la fiancée d’Éric, elle est la personnification de l’expression « pour le meilleur et le pire » car malgré les difficultés, elle a supporté son fiancé jusqu’à la tombe. Bessa l’ami fidèle, Rougeau le voleur né rouquin et noirci par la galère (il ment oh !), et enfin l’avocat Me Djouman dont le zèle et l’ardeur sans faille n’ont certes pas sauvé la vie de Moyé mais ont pu empêcher ses bourreaux de faire main basse sur le fruit de son travail.

https://twitter.com/andresilverkona

Au final, Raison d’État est un livre que je recommande vivement. L’écrivain avec un vocabulaire simple arrive à faire passer son message à tout le monde. Il est temps que nous délaissons certains systèmes qui s’ils bénéficient à certains pendant un moment, nuisent malheureusement à tout le monde sur le long terme. J’ai lu ce livre en moins de 3 heures de temps et pour 2000 frs seulement vous aussi pouvez passer un agréable moment de lecture.

vendredi 24 juillet 2015

Un Slam dit, un verre offert !


Quand on me parlait de slam auparavant, je pensais immédiatement et uniquement Grand Corps Malade. Abd Al Malick ? Je connaissais, toujours de nom mais pas de son. Autant dire que ma culture du slam était proche du niveau 0. Alors grande fut ma surprise d’apprendre qu’il existait sur ma terre d’Éburnie, des slammeurs pas malades mais ivoiriens… J’ai eu la chance d’en rencontrer deux au cours de l’atelier littéraire Voyelles. Ces derniers m’ont invitée à une soirée slam « Ici à Abidjan là ! » a dit ma copine que j’ai invitée à son tour.


Le voyage a commencé lorsqu’on recherchait le lieu de la soirée. Lorsque vous venez de Cocody, vous devez bifurquer à gauche, au carrefour après celui de la farandole. Pour ceux en provenance d’Angré par contre, ce sera le carrefour sur votre droite avant la Farandole. Une fois engagés, allez tout droit sans vous fier au mauvais état de la route. Ne tourner ni à gauche ni à droite avant d’apercevoir l’enseigne FABRIQUE CULTURELLE sur votre gauche et juste après l’université Aimé Césaire… Il y a bien un autre chemin, mais celui-là est sûrement le plus facile à indiquer.

Arrivés longtemps après 19h, l’heure prévue, nous avons été priés de patienter sous le hangar ou s’échauffaient quelques artistes. Le spectacle aurait dû être en cours mais ce n’était pas bien grave puisqu’on pouvait assister à celui-là en attendant.


L’endroit qui nous a accueilli était simple, modestement aménagé et je supposais, pas très connu. Toutefois avant le début des hostilités, les quelques tables et chaises dans la salle étaient toutes occupées et les slammeurs pouvaient déclamer. 


Ce soir-là, j’ai été conquise par le texte de Lyne qui parlait d’un mec atypique que l’on ne choisirait que si l’on était allergique au bonheur. 


Quand Sergeph, le présentateur du jour nous offrait des hymnes à l’amour, j’étais subjuguée par les textes de Bee Joe. J’ai particulièrement aimé celui sur le dévouement d’un couple de parents modestes, qui éduquent leurs enfants en leur inculquant des valeurs telles que le travail acharné et la dignité. Slam conscient, c’est ce que se targuait de faire Synthèse,  le drôle de personnage de la soirée. Dans un look qui rappelait un chanteur du coupé décalé, j’avoue qu’il m’a laissée coi sur ma chaise, par une belle satire sur le système injuste...


Et comme en Côte d’ivoire, j’ai appris qu’il existait des slammeurs au pays de Senghor. Quoi de plus normal quand on sait que le slam est juste de la poésie à l’oral. L’un des membres du collectif Vendredi Slam nous a donc fait l’honneur de sa présence « slamique »… 


Alors, tous les mercredis soirs à la Fabrique culturelle, un slam dit c’est un verre offert. Et même si je n’avais pas soif, je me suis retrouvée sur scène à lire plutôt qu’à slamer ce texte.

Elle était belle cette dame
Drapée dans son beau pagne immaculé
Sa candeur aurait pu être source de drame
Alors bien malgré moi je me suis tenue éloignée
Nymphe tout droit sortie de mes rêves
À ses soupirants elle ne laissait aucune trêve
J’aurais voulu pouvoir la dompter
Mais dans les nuits noires, elle me riait toujours au nez
Qu’avait-elle donc de si magique ?
Pour engendrer tant de destins tragiques ?
Ma fée avait la main verte
Mais c’est elle qui créait cette absence de verve
Un slam dit c’est un verre offert
Mais comment fait-on quand on n’a pas le verbe ?
Car toute la nuit j’ai été tourmentée
Par cette page blanche sans aucune pitié.


mercredi 17 septembre 2014

CES PRENOMS QUI DERANGENT...


Petite j’étais le souffre-douleur de mon grand frère Nonyaha (laissez-moi au moins un) mais on le lui pardonne. L’une de ses blagues favorites pour me mettre dans l’embarras est la suivante “Quand on devait lui choisir un prénom, il y a une mouche qui est passée devant maman et celle-ci s’est écriée oh mais putain ! L’officier chargé d’établir l’acte de naissance a alors écrit Pitin sur son extrait.” Si j’explosais en larmes face à ce genre de jeux de mots et de blagues toutes pourries (j’étais une petite fille), aujourd’hui j’aime bien TOUS mes prénoms. Silué Tchonté Pitin Mireille, c’est ainsi que mes parents ont choisi de m’appeler. Pitin la mère de Papa était également la fille de Tchonté – le grand père de papa – aussi, j’ai finalement compris que ces deux prénoms me permettaient de jouir de certains privilèges. Mais bon cet article n’a pas pour but de parler de moi mais plutôt de ces prénoms africains qui dérangent.

Le peuple Sénoufo dont je suis issue n’est pas réputé pour son poro et son folklore uniquement mais aussi pour ses prénoms atypiques. S’il existe des prénoms propres à chaque tribu africaine, ceux des Sénoufo sont surtout connus pour leur longueur et prononciation difficile. Ainsi Gninhinninchionni (Dieu est avec nous) l’une de mes amies a préféré mettre G. sur son compte Facebook pour ne pas avoir à l’écrire en entier et à le prononcer pour certaines personnes. J’avoue moi-même avoir eu beaucoup de mal à appeler Pénégnanon (c’est parce que vous avez vu que je suis seul) un autre de mes grands frères quand j’étais plus jeune. Seulement peu de gens s’intéressent à l’histoire et à la signification de ces prénoms. Les détenteurs eux même plutôt que de s’enorgueillir de leurs beaux prénoms africains s’empressent de donner le prénom dit « français » lorsqu’on leur demande de déclarer leur identité.

D’aucuns diront que les prénoms français sont plus faciles à prononcer et donc plus commodes tandis que d’autres cherchent à échapper aux moqueries de leurs amis parce que portant des prénoms ridicules aux yeux des autres. Lorsqu’il s’agit de mettre une photo dans une tenue pagne et de déclarer que nous sommes Africains et fiers de l’être, pas besoin de se faire prier. Mais lorsqu’il faut porter cette même fierté à travers nos prénoms, nous nous défilons très rapidement.

Selon la croyance populaire en Afrique, le prénom que porte une personne peut influencer son caractère. Si cela s’avère vrai, je comprends mieux la multitude de statuts sur Facebook de mon cousin Songrofohl dont le prénom signifie « celui qui pense beaucoup ». Hemtcha désigne une personne qui rassemble tandis que Kignelman est une expression signifiant « tout ce que je fais est dans la main de Dieu ». Certains prénoms ont des significations multiples. C’est le cas de Soukpafolo qui se dit d’une personne en qui l’on peut avoir confiance et signifie également la volonté du cabri (aux temps jadis, la majorité des Sénoufo adorait les animaux). Mais n’allez pas croire que tous nos prénoms sont aussi "fantaisistes" car certains tel que Kolo (attribué à un enfant né à la suite de jumeaux) sont très "jolis" et "simples" aux yeux de tout le monde.  

Chez d’autres peuples, j’apprécie aussi les prénoms de certaines amies comme Singa et Wonseu qui signifient respectivement « or » et « bonheur » en Yacouba, ou encore Kossia généralement attribué aux personnes nées le dimanche chez les Abron.


Je pourrais vous citer toute une panoplie de prénoms africains aussi beaux et lourds de sens les uns que les autres mais il ne suffit pas de s’appeler Tchonté Pitin et de l’arborer fièrement pour prétendre défendre son identité culturelle. Lorsque je saurai parler et comprendrai parfaitement ma langue maternelle, je reviendrai vous enquiquiner sur notre pseudo fierté qui se limite très souvent à notre accoutrement. 

Sinon, c’est quoi votre prénom africain ? 

lundi 16 juin 2014

MI KLOWO


Quand Pascal disait que « le cœur a ses raisons que la raison ne connait point » je me demande si cela incluait aussi la raison religieuse. En effet il n’est pas rare de voir des parents s’opposer au mariage de leurs enfants issus de religions différentes. En Côte d’Ivoire, – Je ne connais pas beaucoup de juifs ou de bouddhistes – c’est surtout entre les hommes chrétiens et les femmes musulmanes que le problème se pose. Aussi je vois plusieurs personnes s’indigner lorsque des musulmans refusent d’accorder la main de leur fille en mariage à une personne d’une autre confession religieuse. Je donne ici mon point de vue, peut-être pas ce qui est juste mais il n’en demeure pas moins mon avis.

En islam un homme musulman peut épouser une femme chrétienne ou juive mais l’inverse n’est pas autorisé. D’après ce que j’ai lu et compris, cela est dû au fait que l’homme est considéré comme le chef de famille. De ce fait, les enfants devraient suivre la religion de leur père. Pour moi qui suis une reconvertie, je sais combien cela peut affecter une famille (surtout un parent) lorsque son enfant fait un choix religieux différent du sien. Par ailleurs, certains croient que la femme sous l’influence de son mari serait tentée de changer de religion, ou de faire preuve de laxisme.

Je connais des foyers où l’homme chrétien et sa femme musulmane vivent ou paraissent vivre en harmonie. Certains couples mixtes sont plus heureux que des couples issus de la même religion. D’autres ne résistent pas aux intempéries, qu’elles soient dues à la religion ou pas. Quoi qu’il en soit, l’on ne saurait évaluer le succès d’un mariage en se basant sur la compatibilité religieuse. Toutefois, avant de crier au scandale lorsqu’un père ou une mère s’oppose à l’union de son enfant, il serait préférable de s’informer sur les raisons qui poussent le ou les parents à prendre une telle décision. L’éducation des enfants n’est pas la seule zone d’ombre dans les mariages interreligieux. Chaque couple est unique et les conjoints doivent faire différents compromis pour l’harmonie de leur ménage.  

Enfin, je suis sûre que bon nombre de personnes aimeraient partager leur vie avec une personne qui partage les mêmes convictions religieuses. Si l’on peut choisir de qui on tombe amoureux (évitons le débat) certaines questions ne se poseraient même pas. Pour moi il est préférable que les deux conjoints soient issus de la même religion ; toutefois il est inadmissible qu’une personne se convertisse uniquement dans l’optique du mariage. Il vaut mieux aimer le Créateur plus que la créature.

Récemment, un ami artiste chanteur a décidé de traiter le sujet du mariage interreligieux. Je vous propose de découvrir et d’apprécier N’Klowô de Onew. Une histoire d’union entre un chrétien et une musulmane. Un sujet toujours d’actualité. Si les raisons religieuses sont compréhensibles, nul n’a le droit de juger l’amour entre deux personnes car que l’on aime en dioula ou en baoulé, Mi klowô signifie la même chose que M’bifè.

                           

Dioula : Langue africaine. Au départ un terme utilisé pour désigner des commerçants ambulants en Afrique occidentale ; aujourd’hui on appelle dioula en Côte d’Ivoire toute personne appartenant au grand groupe des Mandés du nord. La majorité des dioulas est musulmane.

Baoulé : Langue africaine du peuple des Baoulés. C’est un peuple installé principalement au centre de la Côte d’Ivoire. Les Baoulés sont généralement chrétiens.

Mi klowô / M’bifè : Je t’aime en baoulé et en dioula. 

lundi 26 mai 2014

CHARLENE DE PARIS


On la connaissait sous le sobriquet de Charlène de Paris. Toutefois prenez garde à lui attribuer un quelconque titre car la particule n’est pas une marque de noblesse. De plus, Charlène ne venait aucunement de Paris. Je me demande même si elle avait déjà mis les pieds dans un aéroport. Non Charlène était la gérante du maquis-bar « Paris » à Yopougon Toits-Rouges où les toits ne sont pas tous rouges. Sa réputation, elle l’a acquise au prix de mille dehanchements et de nuits partagées auprès de certains êtres mi-hommes mi-animaux. Non ce ne sont pas des cousins du minotaure mais ils n’ont pas besoin d’etre taureaux pour brouter.

Charlène de Paris revait de la Tour Eiffel mais à défaut du visa pour Bengué, elle avait le visage pour bringuer.  Sa fine silhouette ponctuée de rondeurs bien définies à des endroits précis a vite fait de lui attirer les faveurs des hommes « forts » du moment. Un passage à l’hôtel « passe on n’a rien vu » était suivi d’une lourde descente de boucantiers à « Paris » la nuit suivante.

Son maquis-bar restaurant lui procurait des sous, assez de sous pour s’offrir le voyage dont elle avait toujours rêvé. Seulement, l’ambassade répondait toujours niet à sa demande de visa sans lui fournir la moindre explication. Déterminée à marcher le long de la seine, elle se rabattit sur les agents de voyages des rues de Treichville. Ces agents sans bureau qui te font voyager dans le chaos. Se fiant à quelques malfrats elle misa toute son épargne en espérant aussi visiter l’Espagne. 
Elle se retrouva sans sou à Paris...de Yopougon.


En quête de show j’ai rencontré Charlène de Paris. Elle s’occupa personnellement de moi lorsque je lui dis que je vivais à Paris. Mes amis de galère m’avaient soufflé que c'était le mot de passe. Une promesse de logement à château rouge et je fus traité tel un prince. Je n’eus pas à débourser le moindre franc pour profiter d’une soirée arrosée avec quelques amis. Elles sont malheureusement nombreuses ces filles qui se laissent bercer d'illusions. Toutefois, le rêve parisien de certaines facilite le commerce pour nous autres vendeurs d'illusions. Cela fait quelques semaines que je n’ai plus de nouvelles de Charlène. Dans la promiscuité de mon entrer-coucher à Mossikro j'espère qu'elle a finalement pu arriver chez De Gaulle. 


Bengué: surnom que les ivoiriens donnent à la France
Boucantier: personne aimant afficher son aisance materielle pour impressionner les autres (attribué aux artistes du coupé-decalé  à l'origine)
Mossikro: quartier précaire dans la commune de Yopougon