lundi 26 mai 2014

CHARLENE DE PARIS


On la connaissait sous le sobriquet de Charlène de Paris. Toutefois prenez garde à lui attribuer un quelconque titre car la particule n’est pas une marque de noblesse. De plus, Charlène ne venait aucunement de Paris. Je me demande même si elle avait déjà mis les pieds dans un aéroport. Non Charlène était la gérante du maquis-bar « Paris » à Yopougon Toits-Rouges où les toits ne sont pas tous rouges. Sa réputation, elle l’a acquise au prix de mille dehanchements et de nuits partagées auprès de certains êtres mi-hommes mi-animaux. Non ce ne sont pas des cousins du minotaure mais ils n’ont pas besoin d’etre taureaux pour brouter.

Charlène de Paris revait de la Tour Eiffel mais à défaut du visa pour Bengué, elle avait le visage pour bringuer.  Sa fine silhouette ponctuée de rondeurs bien définies à des endroits précis a vite fait de lui attirer les faveurs des hommes « forts » du moment. Un passage à l’hôtel « passe on n’a rien vu » était suivi d’une lourde descente de boucantiers à « Paris » la nuit suivante.

Son maquis-bar restaurant lui procurait des sous, assez de sous pour s’offrir le voyage dont elle avait toujours rêvé. Seulement, l’ambassade répondait toujours niet à sa demande de visa sans lui fournir la moindre explication. Déterminée à marcher le long de la seine, elle se rabattit sur les agents de voyages des rues de Treichville. Ces agents sans bureau qui te font voyager dans le chaos. Se fiant à quelques malfrats elle misa toute son épargne en espérant aussi visiter l’Espagne. 
Elle se retrouva sans sou à Paris...de Yopougon.


En quête de show j’ai rencontré Charlène de Paris. Elle s’occupa personnellement de moi lorsque je lui dis que je vivais à Paris. Mes amis de galère m’avaient soufflé que c'était le mot de passe. Une promesse de logement à château rouge et je fus traité tel un prince. Je n’eus pas à débourser le moindre franc pour profiter d’une soirée arrosée avec quelques amis. Elles sont malheureusement nombreuses ces filles qui se laissent bercer d'illusions. Toutefois, le rêve parisien de certaines facilite le commerce pour nous autres vendeurs d'illusions. Cela fait quelques semaines que je n’ai plus de nouvelles de Charlène. Dans la promiscuité de mon entrer-coucher à Mossikro j'espère qu'elle a finalement pu arriver chez De Gaulle. 


Bengué: surnom que les ivoiriens donnent à la France
Boucantier: personne aimant afficher son aisance materielle pour impressionner les autres (attribué aux artistes du coupé-decalé  à l'origine)
Mossikro: quartier précaire dans la commune de Yopougon

lundi 12 mai 2014

ESSAYONS DE CHANGER CE QUE SIGNIFIE ETRE FEMME...


Alors on ne t’a rien coupé ? Bah tu es chanceuse alors ! Il y a dans le monde plus de 125 millions de femmes et de filles en vie qui n’ont pas eu autant de chance. Bien que ne présentant aucun avantage, l’excision est depuis plusieurs siècles ancrée dans certaines traditions africaines.

Contrairement à ce que certains pourraient penser, l’excision n’est en aucun cas liée à l’islam. Dans aucune sourate il n’est mentionné la nécessité de cette pratique. Aucun hadith n’exhorte les parents à mutiler ainsi leurs filles. Pourtant dans certaines contrées, nos géniteurs croient dur comme fer qu’une femme qui n’est pas excisée "n’est pas propre".

Récemment, je suis entrée dans la chambre de ma colocataire et elle regardait un film. « Desert Flower ». Quelques instants plus tard, je retourne dans ma chambre et elle m’envoie un message, puis un lien sur Facebook. Ma très chère colocataire a été tellement émue par le film qu’elle a fait des recherches et s’est rendue compte qu’il s’agissait d’un scenario basé sur une histoire vraie.

Contrairement à moi, ma colocataire n’a pas du tout la larme facile. Quoi de plus normal donc que ma curiosité soit titillée lorsque celle-ci a les larmes aux yeux devant un film ?

Fleur du désert raconte l’histoire de l’écrivaine, ancienne mannequin et actrice Waris Dirie. Née en 1965 dans la région de Gallacio en Somalie, elle a été pendant plusieurs années ambassadrice de l’ONU chargée des questions de mutilations génitales feminines.

Le film raconte le parcours de Waris, du désert de la Somalie aux grands T du monde entier. Des différentes épreuves qui ont miné sa vie, La Fleur du Désert en est ressortie plus forte. Mais comme le dit l’actrice principale dans le film «Ce qui arrive au dernier d’entre nous à un effet sur nous tous. » Certaines personnes arrivent à surmonter le mal occasionné par les mutilations sexuelles. D’autres non.

L’excision et l’infibulation laissent de graves séquelles. « Le clitoris est retiré, les petites et les grandes lèvres de la vulve sont coupées. Ensuite on recoud la plaie.  A la place des organes génitaux il ne reste qu’une cicatrice. »

On ne parle jamais assez lorsqu’il s’agit de changer les mentalités. Ce n’est pas par méchanceté que certains parents excisent leurs filles. L’ignorance est génitrice de bien des maux. Plutôt que de chercher des responsables à des traditions dont les instaurateurs sont enterrés depuis longtemps, il serait mieux d’en parler autour de nous. C’est grâce au verbe que nous pouvons instruire et ainsi changer ce que signifie être femme.

Pour celles qui n’ont pas vécu cet enfer, il est difficile d’imaginer la douleur aussi bien physique que morale que subissent les jeunes filles et femmes victimes de l’excision. Plutôt que de vous faire un exposé sur le sujet je vous propose de regarder « Desert Flower ».



vendredi 9 mai 2014

JOHN ROBERT LEWIS...AN AMERICAN HERO




Il est le seul encore vivant parmi ceux que l’on appelait The Big Six (avec Martin Luther King, James Farmer, A. Philip Randolph, Roy Wilkins, Whitney Young). Son nom est surement inconnu par la plupart des personnes qui liront cet article. Pourquoi ? Parce que quand nous parlons de révolutionnaires, de lutte contre la ségrégation, nous nous arrêtons à certains personnages de l’histoire…

J’ai eu la chance de rencontrer John Robert Lewis le 7 Mai 2014 dans son bureau de Washington. J’avoue qu’avant mon voyage, je n’avais jamais entendu parler de lui ou alors je ne m’en souvenais pas. C’est à travers un film sur sa vie (voir la vidéo) que j’ai découvert l’homme. Comme Billy Billy dirait « De la ferme à la chambre des représentants, hum Lewis a réussi !»

Plus sérieusement, la vie de Lewis montre que le résultat final en valait la peine. Lorsque nous croyons en quelque chose, nous avons le droit mais surtout le devoir de nous battre afin de défendre nos valeurs et idéologies. Il le dit lui-même : «My parents said, don’t get into troubles; but, I got into troubles and it was good troubles, necessary troubles. »

C’est un homme plein de vigueur qui nous a reçus dans son bureau cet après-midi. Franchement au début, je me demandais s’il allait rester debout durant tout l’entretien. Et pourtant, l’homme qui a été emprisonné 40 fois dans les années 60 et encore 5 fois récemment a toujours de l’énergie à revendre.

Né le 21 Février 1940, John Robert Lewis a grandi dans une ferme dans l’État de l’Alabama. Élevé avec ses neuf frères et sœurs selon les préceptes chrétiens, rien ne prédestinait cet homme à être aujourd’hui le représentant du 5e district congressionnel de Géorgie à la Chambre des représentants des États Unis.

Inspiré par des pacifistes comme Rosa Parks et Martin Luther King, John Lewis s’est engagé dans la lutte contre la ségrégation raciale alors qu’il était encore étudiant. Il fut chairman du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) l’une des principales organisations du mouvement afro-américain des droits civiques dans les années 60. Il a rédigé un discours en réaction au Civil Right Bill de 1963 qui ne protégeait pas les afro-américains des brutalités de la police et ne leur octroyait pas le droit de vote.



Petite anecdote : Pendant la marche de Selma, il portait un sac à dos comme le montre la photo. Il nous raconte qu’il avait dans ce sac deux livres car il pensait qu’il serait encore arrêté et voulait quelque chose à lire en prison. Une pomme et une orange car il voulait avoir quelque chose à manger. Et enfin une brosse à dent et une pâte dentifrice au cas où il irait en prison car il aurait aimé se brosser les dents…lol!


Dans un pays où les noirs et les blancs ne pouvaient emprunter le même taxi. Dans un pays où les noirs et les blancs n’utilisaient pas les mêmes lavabos dans les endroits publics. Dans un pays où réclamer ses droits était passible d’emprisonnement et de bastonnades…

Des hommes se sont levés et ont œuvré pour que les générations futures n’aient pas à subir ces inégalités sociales. Ce n’était indubitablement pas facile. Mais malgré les coups et les arrestations, «They never gave up, they kept eyes on the prize.»


John Lewis est l’un des pionniers de la lutte contre la ségrégation raciale aux États Unis. Il montre que l’espoir n’est jamais perdu. Que nos efforts seront toujours récompensés. Et enfin qu’avec le courage et malgré toutes les difficultés qui pourraient émerger de nos combats, We Shall Overcome. 

Photo prise par Nadege Cakpo

Plus d'informations sur le personnage.