Affichage des articles dont le libellé est Sénégal. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Sénégal. Afficher tous les articles

mardi 2 février 2016

Le collier de paille ou les amours interdites d'une citadine


Je crois bien que j’ai un faible pour la plume des Sénégalais. Après La grève des battu, L’appel des arènes, Le malheur de vivre, Maimouna, et Le ventre de l’atlantique, j’en remets une couche avec Le collier de paille que j’ai pratiquement dévoré. Si vous aimez les romances, mais pas forcément dans le genre Harlequin ou Adoras, c’est encore un livre que je vous recommande à l’instar de La porte étroite et de Orgueil et préjugés. Découvrez mon compte-rendu sur la page Rythmes d’Afrique, Racines.




mardi 29 décembre 2015

Le ventre de l'Atlantique: Partir ou rester?


Nombreux sont ceux qui ont vu le passage de Fatou Diome sur le plateau de « Ce soir ou jamais »; mais au cas où vous n’en faites pas partie vous pouvez toujours visionner l’émission ici. C’est donc grâce à cette prestation remarquable que j’ai découvert l’écrivaine et que j’ai décidé de lire Le ventre de l’atlantique. Basé sur sa propre histoire, ce roman évoque les raisons qui poussent certains Africains à immigrer en Europe, la difficulté à convaincre les autres à rester au bercail et la réalité cachée par certains immigrés de la vie en France. 


Le personnage principal Salie dont la vie est pratiquement celle de Fatou Diome, vit en France et peine à y joindre les deux bouts. Pourtant, bien qu’elle encourage les autres à chercher un mieux-être sur leurs propres terres, elle-même a du mal à y retourner définitivement. Issue d’une liaison illégitime, elle ne s’est jamais senti membre de la communauté de Ndiodior. Si en France la chaleur des siens lui manque, elle se sent toutefois étrangère chaque fois qu’elle retourne au Sénégal. Son frère Madické quant à lui, ne vit que pour rencontrer le joueur italien Maldini. Comme tous les autres jeunes du village, il rêve de jouer au football en France. Pour eux, la vie à Ndiodior ne vaut rien et seul l’occident peut leur permettre de réaliser leus rêves et assouvir les besoins de leurs familles. Malgré les conseils de Salie et les mises en garde de l’instituteur et directeur de l’école du village, les jeunes continuent de croire en ceux qui revenus de la France leur disent que tout y est or et argent.

Dans ce livre, Fatou Diome décrit le poids qui pèse sur certains jeunes Africains. Les parents espèrent que leurs enfants réussissent là où ils ont échoué. La colonisation mentale dont nous sommes l’objet nous pousse à croire que tout ce qui vient de l’occident est meilleur et que le bonheur se trouve uniquement de l’autre côté de l’atlantique. Certains ne se rendent pas compte de la pression que subissent ceux qui se trouvent en occident et quand bien même ceux-ci voudraient le leur expliquer, ils se retrouvent traités de tous les noms : égoïste, individualiste… On ne comprend pas pourquoi est-ce qu’ils restent en Europe et découragent les autres de suivre leurs traces. On ne comprend pas qu’il ne suffit pas d’être en France pour que tout aille bien. Qu’il ne suffit pas d’être le plus débrouillard au village pour arriver à tirer son épingle du jeu en Hexagone.

« Ah sacrée France, c’est peut-être parce qu’elle porte un nom de femme qu’on la désire tant. »


Le ventre de l’Atlantique montre également le tourisme sexuel que certains européens effectuent au Sénégal – sans visas – afin de se requinquer grâce à des jeunes corps pleins de mélanine. Parfois, pour mieux s’abreuver à la source de jouvence, certains retournent en Europe avec un ou une sénégalaise qui malgré les difficultés une fois sur place se console à travers les mandats qu’elle peut envoyer à sa famille au bercail…

Je me suis posée la question de savoir comment faire comprendre aux Africains que c’est à nous de construire notre eldorado et qu’il ne se trouve pas ailleurs. D’après ma lecture, je pense que deux solutions s’ouvrent à nous. Soit les aider à construire cet eldorado en soutenant la formation de projets au pays, soit en les laissant foncer droit dans le mur, en tirer des leçons et peut être les partager avec les autres… 


Au-delà du phénomène de l’immigration, Fatou Diome fait la satire d’une société capable d’assassiner des enfants sous prétexte qu’ils sont issus de relations illégitimes. Une société aveuglée par les serments des marabouts, recherchant le bonheur dans les gris-gris tout en prétendant ne pas y avoir recours. Une société dans laquelle la richesse se mesure aux nombres d’enfants quand bien même on n’aurait pas les moyens de s’en occuper... Je suis d’avis que l’occident y est pour beaucoup dans les malheurs de l’Afrique mais comme l’instituteur le fait remarquer dans ce roman, il serait important que nous fassions une rétrospection sur notre société et évitons les erreurs du passé pour avoir un meilleur avenir.

lundi 14 décembre 2015

L’aventure ambiguë, une aventure risquée !


Il y a des mots que l’on emploie parfois à tort ou à raison sans vraiment en connaitre le sens. J’ai souvent pensé que « ambigu » signifiait juste complexe. Mais avant de lire ce livre, j’ai eu (heureusement) l’idée de vérifier la signification réelle du mot et j’ai compris qu’il faisait référence à quelque chose qui réunit deux natures opposées… Et l’itinéraire de Samba Diallo dans ce livre illustre l’ambiguïté d’un être ayant reçu d’un côté les valeurs traditionnelles et islamiques basées sur la foi et de l’autre les enseignements de l’école occidentale basés sur le rationalisme et la science. L’aventure ambiguë fait partie de ces livres dont j’entendais parler comme des références pendant plusieurs années sans avoir eu l’occasion de les lire pendant mes années lycées. Aujourd’hui c’est chose faite!

Samba Diallo est issu du peuple des Diallobé et semble promut à un avenir de guide spirituel (maitre des Diallobé) ou de chef du peuple. Dès son enfance, il se démarque des gens de sa génération par une réflexion profonde sur la mort, le sens de la vie et la relation entre Dieu et l’homme. Élève favori du maitre des Diallobé, et membre de la famille royale, Samba est pourtant doté d’une grande humilité qui en fait même jaser certains. Alors que son attachement à la religion le destinait à être l’un des guides de son peuple, l’école se mit en travers de ce chemin. La Grande Royale, cousine de Samba et sœur du Chef des Diallobé, insiste pour que Samba aille à l’école étrangère - comme elle le dit -, afin qu’il apprenne l’art de vaincre sans avoir raison. Le chef ainsi que le maitre des Diallobé savent ce que cela pourrait signifier et les conséquences qui pourraient en découler. Le père de Samba Diallo lui-même accepte non sans douleur de laisser son fils aller à l’école en espérant que les valeurs spirituelles et traditionnelles qui lui ont été inculquées ne disparaitront pas. Avec le parcours de Samba Diallo d’abord en tant qu’élève de l’Islam, puis de l’école occidentale en Afrique et ensuite en France, on se demande comme le chef et le maître au départ, si « ce que l’on apprend vaut-il que l’on oublie ce que l’on sait déjà. » 



Cheickh Hamidou Kane nous amène à nous poser les mêmes questions que le personnage principal. En lisant ce livre, je ne me suis pas juste sentie spectatrice de la vie de Samba Diallo. J’ai eu certains de ses doutes et j’ai récité certaines de ses prières. Samba a baigné dans une enfance beaucoup plus spirituelle que la mienne et surement que la plupart de mes lecteurs, mais cela n’empêche pas que nous sentions ou ayons tous senti à un moment cet éloignement entre nous et Dieu. Cette remise en question imposée par le père de Samba à son fils est l’un des plus beaux passages du livre selon moi.

"Tu crains que Dieu t'ait abandonné, parce que tu ne le sens plus avec autant de plénitude que dans le passé et comme Il l'a promis à Ses fidèles, « plus proche que l'artère carotide. » Ainsi, tu n'es pas loin de considérer qu'il t'a trahi. Mais tu n'as pas songé qu'il se puisse que le traître, ce fut toi. Et pourtant... Mais réponds plutôt: donnes-tu à Dieu toute sa place, dans tes pensées et dans tes actes? T'efforces-tu de mettre tes pensées en conformité avec Sa loi? Il ne s'agit pas de lui faire allégeance une fois pour toute, par une profession de foi générale et théorique. Il s'agit que tu t'efforces de conformer chacune de tes pensées à l'idée que tu te fais de son ordre. Le fais-tu? (...) Ton salut, la présence en toi de Dieu vivant dépendent de toi. (...) Tu cloueras Dieu au pilori quand tu l'auras quêté, comme Il l'a dit, et qu'Il ne sera pas venu..."
Ce livre proche de l'autobiographie soulève comme bien d'autres des questions d'identité et de spiritualité. Il nous revient de faire la part des choses et de concilier nos valeurs traditionnelles ou/et religieuses et ce que nous apprenons à l'ecole. Apprendre, en essayant de ne pas oublier ce que l'on sait déjà... 

Comment réagissez-vous lorsque vous êtes face à une situation qui met votre foi à rude épreuve ? Comment est-ce que Samba a réagi en étant confronté à des valeurs différentes de celles que lui a  enseigné son maître coranique? Si vous avez envie de savoir, eh bien lire délivre !

vendredi 27 novembre 2015

Douceurs du bercail: Le bonheur est-il chez les autres?


L’immigration des Africains vers les pays occidentaux est malheureusement un sujet qui ne finira pas de délier les langues de sitôt. Pourquoi cherchons-nous l’eldorado loin de nos terres ? Chaque personne vous donnera peut-être une raison différente mais au final pour la plupart, l’herbe est plus verte ailleurs. Nonobstant les sacrifices à fournir pour arriver à bon port, l’angoisse lors des contrôles, les conditions de vie précaires des sans-papiers et enfin la honte et l’honneur bafoué en cas d’échec, ils sont nombreux à vouloir tenter leur chance coûte que coûte. C’est d’ailleurs le thème de l’échec qu’Aminata Sow Fall traite dans Douceurs du bercail

Asta Diop comme d’autres Africains s’est retrouvée dans les caves de l’aéroport en attendant d’être rapatriée au Sénégal. Officiellement appelé « le dépôt », par ses occupants « l’escale », ce cachot représente la fin d’un rêve pour certains tandis que d’autres sont tout de même prêts à retenter l’expérience… Pourtant contrairement à la plupart des personnes présentes dans ce cachot, Asta a ses documents en règles. Asta ne rêve pas de rester en Europe et n’y est pas venue pour réaliser des rêves. Bien au contraire, elle fait partie de ceux qui incitent la jeunesse africaine à rester sur le continent pour y bâtir son bonheur. Pourtant aux yeux de ceux qui l’ont conduise au dépôt, Asta est comme tous les autres. Ils ne veulent pas de ces Africains qui osent espérer de meilleures conditions de vie en venant en occident. Ils ne veulent pas d’eux et le leur font clairement savoir, allant jusqu’à les humilier et à les traiter comme des bêtes de somme. 




Si l’auteure dénonce le comportement des occidentaux face aux immigr
és, elle n’y va pas de main morte non plus sur les défauts de nos sociétés africaines. L’histoire de l’un des personnages m’a principalement affectée. L’expérience malheureuse de Yakham montre à quel point le népotisme dans nos pays affecte de brillants élèves lorsque les bourses d’études sont affectées non selon le mérite mais en fonction des affiliations. Les critiques qu’elle fait du Sénégal sont également valables pour mon pays la Cote d’Ivoire. Le manque de professionnalisme, l’absentéisme et le favoritisme sont flagrants dans nos administrations. Que faut-il faire pour changer les choses ? Comment faut-il faire pour que nous nous sentions assez bien chez nous pour ne pas risquer nos vies vers un paradis lointain ? Pour Asta et certains de ses compagnons du dépôt, la solution a été de retourner à la terre. Comme ils le disent eux même, « la terre ne ment pas », elle récompense toujours selon l’intention et les efforts. 

J’ai aimé ce livre, peut-être moins que L’appel des arènes et La grève des Bàttu, mais je le recommande vivement car l’écrivaine comme à son habitude nous force à nous remettre en question et à trouver des remèdes aux maux de nos sociétés.

mercredi 2 septembre 2015

La grève des Bàttu, l'incontournable d'Aminata Sow Fall


Il y a certains livres que tout le monde – les Africains en particulier – doivent lire. La grève des Bàttu fait partie de ces œuvres que l’on qualifie de classique dans la littérature Africaine. Ce n’est pas fortuitement qu’Aminata Sow Fall a reçu le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour ce roman. 


On dit souvent que la main qui demande est toujours en bas. Que se passe-t-il donc lorsque celui qui donne devient le quémandeur ? C’est ce que nous propose Aminata Sow Fall avec cette grève imaginée – et inattendue – des mendiants. Dans la « Grande Ville » d’un pays africain, ces derniers sont pourchassés, brutalisés, afin qu’ils quittent les trottoirs et autres lieux où ils gagnent leur pitance. La raison ? Il faut assainir la ville pour favoriser le tourisme. Les autorités ne veulent plus voir ces personnes qui, une petite calebasse (bàttu) à la main, assaillent les « honnêtes » citoyens pour survivre. Las de se voir traiter comme des bêtes, ces mendiants décident de se regrouper dans la maison de Salla Niang, où désormais ils acceptent les aumônes selon leurs propres règles. Mour Ndiaye, directeur général du service de la Salubrité Publique, après avoir vivement encouragé son subalterne Kéba Dabo dans cette guerre aux porteurs de bàttu, se retrouve face à une situation difficile. Pour obtenir ce qu’il désire le plus au monde, il a besoin de ces «ombres d’hommes» et de leurs calebasses…



Dans La grève des Bàttu, Aminata Sow Fall nous met en garde contre la déshumanisation. L’auteure pointe du doigt l’ambition malsaine de certains individus qui, pour gravir les échelons sont prêts à tout. Avec Mour Ndiaye, on découvre de nombreux défauts de l’homme, noir en particulier. Ndiaye représente ces chefs qui font faire tout le travail par les autres et se contentent de ramasser les lauriers. Des hommes qui en atteignant les sommets décident qu’il faut agrandir leur harem pour montrer des signes de prospérité; et ce malgré les sacrifices consentis par la première épouse. La quête du pouvoir dans laquelle se lance le personnage principal lui apprendra et à nous aussi par la même occasion que personne n’est trop petit ou trop pauvre pour être respecté.


La mendicité existe partout en Afrique et même ailleurs sous différentes formes. Toutefois, les Africains pourtant réputés pour leur sens du partage, deviennent de plus en plus insensibles face à la misère de leurs semblables. J’avoue avoir déjà eu de nombreuses discussions avec des amis et des proches pour justifier ce fait. Nous n’arrivions pas à admettre qu’une personne bien portante, sans aucune infirmité, décide de tendre la main plutôt que de travailler de ses dix doigts. Et pourtant… On pourrait énoncer toutes sortes de raisons qui pousse des gens à quémander mais chacun a surement sa propre histoire. La mendicité n’étant pas à encourager, il nous faut trouver une solution pour permettre aux démunis de gagner leur pain quotidien autrement qu’en quémandant ou en volant. Cependant, leur condition de mendiants n’est en aucun cas une raison suffisante pour que des personnes soient traitées comme des sous hommes. D’ailleurs pour les croyants de nombreuses religions, la charité ne sous déleste en rien, bien au contraire ! En donnant de nos biens, nous apprenons à nous désintéresser du matériel et à accumuler des bénédictions et des bonnes œuvres pour l’au-delà...

Tout comme L’appel des arènes, La grève des Bàttu est écrit simplement et agrémenté de quelques mots et expressions wolofs. Ce roman fait partie des incontournables de la littérature africaine et je vous le recommande vivement !

mercredi 5 août 2015

L’appel des arènes, accourons y tous!


Ce livre la, il faut absolument que vous le lisez et que vous le faites lire. Il n’y a pas d’âge pour se perdre entre les lignes de L’appel des arènes. En parcourant les pages de ce roman, j’ai ressenti la même sensation que l’on éprouve lorsque l’on savoure de l’eau glacée en pleine canicule. Je ne sais pas si c’est ce livre en particulier ou si la plume d’Aminata Sow Fall est toujours aussi rafraichissante. Rafraichissant… c’est le seul qualificatif que j’ai trouvé après ma lecture.

Ne pas juger un livre à sa couverture prend tout son sens quand on examine l’état dans lequel celui-là se trouvait. Mal en point, ne se doutant surement pas que quelqu’un le lirait à nouveau. Pourtant, je fus conquise dès le d
ébut de L’appel des arènes

« Le professeur de Nalla est très heureux cet après-midi car la leçon du complément d’objet direct semble être parfaitement sue.

- Nalla, donne-moi un exemple d’objet direct.
- Le chauffeur a abattu un lion.
- Et quel est le complément d’objet dans cette phrase ? »


Je vous laisse y répondre – car vous connaissez évidemment le complément d’objet direct. – Je ne suis pas une grande fan des longues descriptions qui finissent la plupart du temps par ennuyer le lecteur. J’aime donc le fait que l’auteure nous plonge directement dans le vif du sujet, dans une conversation qui devrait évoquer des souvenirs douloureux ou pas de grammaire. Certes Aminata Sow Fall décrira parfois des endroits -presque trop beaux pour être vrais à mon goût -, mais toujours dans la justesse, sans encombres qui pourraient nous amener à sauter quelques lignes.


J’ai dit plus haut que mon livre –celui de mon frère en réalité – n’était pas très neuf. Cependant, j'étais loin de me douter qu’il pourrait y avoir des pages manquantes. Imaginez donc ma douleur lorsque je me suis rendue compte que la page 9-10 était aux abonnés absents. Devais-je continuer à lire, ou aller à la quête de cette feuille perdue ? La deuxième option présageait déjà un retour les mains vides alors bien malgré moi j’ai continué à lire, en espérant que cette page ne comportait pas des informations indispensables pour la compréhension de l’histoire…

Nalla est un garçon de 12 ans qui se passionne pour la lutte sénégalaise au grand désarroi de ses parents. Ces derniers ayant séjourné en Europe, font tout pour vivre loin des traditions et de tout ce qui pourrait rappeler leur africanité. Ndiogou et Diattou ont rompu les liens avec leurs familles respectives et ne côtoient que des toubabs Njallxaar, des faux blancs comme eux. Si les deux parents désespèrent d’éloigner leur fils des arènes, c’est surtout la mère Diattou qui en perd les pédales. Elle qui, à la suite d’un incident de quartier est fuie par tous et considérée comme une mangeuse d’âmes par les habitants de la ville, voit en l’attitude de son fils un énième coup du sort. De son côté, Nalla ne se préoccupe pas tant que ça des réprobations de ses parents. Il prend plaisir à découvrir l’univers fascinant des lutteurs, et à écouter leurs histoires fabuleuses. Grace à son amitié avec le géant André, puis avec Malaw, Nalla s’enivre des délices d’une vie simple, sans artifices mais pleine de mythe et de poésie.


Tout comme Seydou Badian dans Sous l’orage, Aminata Sow Fall met l’accent sur l’importance des relations humaines et dénonce l’individualisme qui s’installe de plus en plus dans nos sociétés. J’eus honte en lisant L’appel des arènes. J’entendais la voix de papa me disant : « Es-tu allée saluer tel tonton ? As-tu appelé tel autre ? Vous ne savez pas à quel point les relations sont importantes. Certes on peut être intelligent et avoir les diplômes mais la famille, les rapports que nous entretenons avec les autres, jouent un rôle déterminant dans notre vie. »


Aminata Sow Fall a su harmoniser des mots « simples » pour offrir un livre plein de couleurs et d’émotions. L’appel des arènes est une mise en garde contre l’aliénation et ce désir d’adopter entièrement les valeurs occidentales en rejetant tout ce qui devrait plutôt faire notre fierté d’appartenir au peuple africain. « L’aliénation est assurément la plus grande mutilation que puisse subir un homme. (…) Le désordre qui bouleverse le monde a pour cause l’aliénation collective. Chacun refuse d’être soi-même et se perd dans l’illusion qu’il peut se tailler un manteau selon sa propre fantaisie… Le mal est universel… Personne ne sait plus à quoi s’accrocher. (…) L’homme perd ses racines et l’homme sans racines est pareil 
à un arbre sans racines : il se dessèche et meurt. »

lundi 29 juin 2015

Le malheur de vivre: entre valeurs africaines et culture occidentale


 Achever Maïmouna et entamer aussitôt Le malheur de vivre de Ndèye Fatou Kane, c’est un peu comme lire la même histoire à deux époques différentes. À l’instar de Maïmouna, à travers Le malheur de vivre, on découvre les résultantes de l’entêtement des jeunes, à vouloir agir comme bon leur semble et cela en dépit des conseils de leurs parents. Ici également, Dakar semble être le lieu de perversion. L’ironie dans ce livre est que le personnage principal quitte Paris pour se perdre à Dakar. Pas besoin de vous faire un dessin vous m’avez comprise. Enfin je l’espère…

Ndèye Fatou Kane, jeune auteure sénégalaise vivant en France est avant tout bloggeuse. C’est d’ailleurs par le biais de son blog que je l’ai connue. Dans sa petite bulle, Ndèye Fatou (ne l’appelez surtout pas Ndèye ou Fatou séparément) parle de tout mais partage surtout sa passion pour les livres. Serial Reader, c’est pour notre plaisir qu’elle passe de l’autre côté de la page pour nous offrir son tout premier roman, Le Malheur de Vivre. 

J’ai apprécié découvrir la culture Hal Pulaar et certaines de ses expressions même si j’aurais préféré que les significations se trouvent en bas de page. Le lexique de fin, pousse le lecteur à interrompre sa lecture pour chercher ce que signifie chaque mot wolof ou pulaar utilisé. Le malheur de vivre nous immerge dans un monde où se côtoient et se défient parfois la tradition et les valeurs africaines d’un côté et la modernité et la culture occidentale de l’autre. L’écriture de Ndèye Fatou est d’une fluidité telle que vous pouvez même offrir le livre à quelqu’un qui n’aime pas lire et observer le miracle s’opérer…

 Dès le début de l’histoire, le destin est mis en cause. Outre l’épigraphe, extrait de « En attendant le vote des bêtes sauvages », les premières phrases du livre nous apprenne que «  des forces invisibles contrôlent le jeu à notre insu. On les appelle le destin. Ce même destin peut se révéler fort cruel, et ça, Sakina ne l’a que trop bien compris…»

Ah Sakina ! Jamais de toute ma vie de lectrice, je n’ai autant détesté un personnage que le sien. Jeune, belle, issue de bonne famille et élève brillante...jusqu’ici tout va bien. Cependant le personnage principal est d’une puérilité qui m’affaiblit. Et pourtant niveau enfantin, je m’y connais… Ce genre de fiction étant généralement basé sur la réalité, il est possible qu’il existe des Sakina. Et c’est bien cela le plus triste dans cette histoire.

Sakina est une jeune Sénégalaise qui vit en France. Ses parents sont des riches commerçants ayant fait fortune dans le pays de Gaulle. Cajolée, chouchoutée et surprotégée par ses géniteurs; Sakina attend toujours avec ferveur les vacances au Sénégal qui lui permettent en compagnie de ses deux cousines, d'échapper un tant soit peu à la surveillance parentale. C'est lors d'une de leurs virées dans Dakar by night que Sakina rencontre Ousmane, un "boy Dakar" qui n'aspire qu'à  "manger" la vie. C'est le coup de foudre, du moins du côté de Sakina. Je me suis d'ailleurs demandée si ce coup au coeur lui a par la même occasion ratatiné le cerveau. Mais pour comprendre mes interrogations, vous devrez lire vous-même...


Je ne cache pas que je n’ai pas aimé le caractère de Sakina que je n’ai cessé de couvrir de noms d’oiseaux pendant et juste après ma lecture. Pourtant quelques jours plus tard et avec un peu de recul j’ai essayé de comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête d’une Sakina. Amadou et Mariam Bâ en essayant de protéger leur fille des vices contemporains ne lui ont pas souvent donné l’occasion de faire ses propres choix. Grandir dans une famille accrochée aux valeurs africaines, et vivre dans la métropole parisienne sans pouvoir faire comme les autres…cela ne doit pas être évident. Avec la rencontre d’Ousmane, elle croit découvrir un amour en dehors du cercle familial, elle pense avoir trouvé son homme de destin…
 
Ndèye Fatou Kane
La tragédie de la famille Bâ se déroule dans les années 80 mais les leçons qu’on en tire sont applicables en ce 21e siècle. En plus des enseignements de Maimouna, qui s’adressent particulièrement aux jeunes, je trouve que l’histoire de Sakina devrait également interpeller les actuels et futurs parents. Je ne suis certes pas une mère de famille mais je suis une jeune femme qui vit dans ce monde plein de vices et qui voit ce qui se passe autour d’elle. Je crois qu’en essayant d’isoler un enfant, ou de tout lui interdire, on le pousse justement à braver les interdits pour voir de quoi il est question. Chaque enfant est différent, et ce ne sont pas tous les jeunes qui ont conscience des risques de certaines aventures. Combien de nos parents africains aujourd’hui abordent le sujet de la sexualité ou de l’amour avec leurs enfants?  Inculquer des valeurs c’est bien mais permettre aux jeunes de faire leur propres choix en espérant qu’ils auront recours à ces valeurs là c’est mieux. Je pense qu’il ne suffit pas de dire voilà ce qui est bien et voilà ce qui est mal, c’est dès le début de l’adolescence qu’il faut ouvrir la discussion avant qu’il ne soit trop tard…

Vous avez lu le Malheur de Vivre? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

samedi 27 juin 2015

Maïmouna: de préférence avant l'adolescence



Retourner aux sources et utiliser ces sources pour aller de l’avant, c’est bien ce que j’entends faire depuis quelques mois. En attendant d’avoir la chance d’écouter de vive voix certaines traditions orales, c’est vers les livres que je me tourne. Cependant, ce ne sont pas des livres d’histoire que je lis mais de la fiction. De la fiction inspirée de la réalité. J’ai toujours été friande d’auteurs Africains mais me suis trop souvent contentée de lire « ivoirien ». Ayant vu mon enthousiasme pour les livres baisser au fil des années, je suis bien contente de cet amour renouvelé pour les lettres, qui me permet de voyager au gré des mots de l’écrivain.

Par le titre et la photo vous l’avez compris; le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est Maïmouna d’Abdoulaye Sadji. L’auteur Sénégalais fait partie de ces grands hommes qui se sont engagés pour l’indépendance des pays Africains mais surtout pour défendre la culture du continent par le biais de l’écriture. À travers l’histoire de Maïmouna, Abdoulaye Sadji dénonce la perte des valeurs de la jeunesse sénégalaise et par extension africaine selon moi. C’est le lieu pour lui de nous rappeler que nous devons certes nous ouvrir au monde extérieur mais il est important de ne pas oublier ses racines.


« Les tams-tams avaient cessé brusquement, comme malgré eux. Elle était là, la fille de Yaye Daro, grande, claire, éclatante. Tâche fraîche et reposante au milieu de ce monde sans grâce (…) Maïmouna avait l’habitude des foules enthousiastes. Un cri s’éleva et l’impressionna un instant : « Vive l’étoile de Dakar. » »

Vous l’avez compris, Maïmouna est belle, superbement sculptée et attire de ce fait les regards partout où elle pose les pieds. Née et grandissant dans un village reculé sous l’aile protectrice de sa mère la veuve Yaye Daro, Maïmouna se prenant déjà pour une grande ne rêve plus que de quitter son bourg pour la capitale. Devant le refus de Yaye Daro, elle en devient malade jusqu’à oublier tous les efforts consentis par cette dernière et à faire preuve d’insolence. La pauvre Yaye Daro, consentit finalement à laisser sa benjamine rejoindre l’aînée à Dakar. « La parole des vieux peut rester tard dans la forêt, mais elle n’y passe pas la nuit. » Le livre d’Abdoulaye Sadji est plein de proverbes africains mais celui-là est surement le plus à même de décrire à quel point le vieux assit, voit plus loin que le jeune debout.

Déjà dans son Louga natal, la beauté de Maïmouna ne passait pas inaperçue, alors imaginez un peu ce qu’il en est advenu lorsqu’elle fut relookée à Dakar par les soins de sa sœur Rihanna. Seulement voilà, en plus d’être têtue, Maïmouna est jeune et naïve. La pauvre n’a pas compris que l’amour c’est beau mais ça cogne souvent et très durement. Après lui avoir offert la beauté, la gloire, la richesse et la passion, la vie a finalement reprit à Maïmouna tout ce qu’elle lui avait donné et même plus encore.



Bien que paru en 1958, ce livre est toujours d’actualité. Ce n’est pas toujours facile pour nous, jeunes, de comprendre les mises en gardes des anciens. En effet avec ce monde qui évolue vite mais surtout animés par nos passions, et ce que nous croyons être de l’amour, il arrive parfois que nous foncions la tête la première vers des abîmes profonds. Il est difficile pour nous de croire que ces vieux qui ne savent même pas comment utiliser un smartphone puisse nous donner des conseils adaptés à nos nouvelles réalités. Évidemment nous pouvons soutenir qu’il faut faire des erreurs pour apprendre, vivre sa propre expérience. Et pourtant il est des fois où l’expérience et les erreurs des autres devraient être nos meilleurs enseignants. L’Etoile de Dakar l’a appris à ses dépens. Comme me disait quelqu’un lorsque j’ai posté la photo du livre sur Instagram, Maïmouna est un livre à lire avant l’adolescence. En espérant qu’il serve de leçon aux jeunes gazelles qui auront la chance de le parcourir… 


Avez-vous lu Maïmouna? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.