Cher Gnanm,
Bonsoir
j’ai 21 ans et je suis mélancolique. Je sais que tu connais déjà toute
l’histoire mais j’aimerais bien revenir sur certains souvenirs que j’ai
ressassés alors que j’étais censé suivre mon cours de droit.
A
16 ans, j’ai souffert d’une maladie assez grave qui m’a fait sombrer dans le
coma une semaine durant. D’après ce que j’ai appris à mon réveil, maman à dû
prendre des congés pour rester à mes côtés tout le temps. Nous avons toujours
été très proches car je suis le dernier de ses trois enfants aussi, je pense
qu’elle souffrait beaucoup de me voir dans cet état. Lorsque je suis revenu à
moi elle m’a aidé à récupérer, s’assurant que je prenais tout le temps mes
médicaments. Un mois plus tard grâce au suivi et aux attentions de maman je
reprenais ma vie normale d’ado.
Septembre
2008 alors que je suis en voyage avec mes frères, papa nous demande de rentrer
d’urgence parce que maman est hospitalisée. Nous sommes rentrés sur le champ et
le lendemain nous sommes allés la visiter à la polyclinique des 2 plateaux. De
toute ma vie, je n’ai jamais autant prié qu’en cette période.
Depuis plus de
dix ans que maman était diabétique, c’était la première fois que son cas était
alarmant; je ne savais plus à quel saint me vouer.
Papa
ne me laissait pas la voir dans son état craignant que je n’arrive pas à le
supporter. J’avais pourtant tellement envie de la voir, de lui dire que je
l’aime. Je n’avais jamais autant eu peur, je repensais à la dernière fois que
je l’ai vu en bonne santé, la dernière fois qu’on s’est parlé et je maudissais
cette dispute qu’on avait eue. J’aurais dû baisser le ton ce jour là, j’aurais
dû lui dire que j’étais désolé avant d’effectuer ce voyage, j’aurais dû,
j’aurais dû, malheureusement je n’ai pas pu. Elle a passé un mois dans le coma,
un mois pendant lequel je me disais qu’elle avait pris ma place sur ce lit
d’hôpital, un mois pendant lequel je demandais à Dieu de me laisser la chance
de profiter à nouveau de ma maman.
Samedi
04 Octobre 2008, je suis rentré du parc pour découvrir une atmosphère lourde à
la maison. Ma grande sœur s’enfermait dans la chambre, mon frère aux Etats Unis
appelait mais refusait de me parler, ma cousine était venue passer la nuit avec
ma sœur, bref je sentais que quelque chose clochait. Le dimanche alors qu’on se
rendait à l’Eglise en famille comme d’habitude, papa me parla sur un ton qui se
voulait serein.
-
Aimar, tu es grand maintenant, je sais que c’est difficile mais tu dois faire
avec…
Je
devais faire avec ? J’étais confus, je refusais de croire qu’il parlait de
ma maman, il ne pouvait pas s’agir de l’être que j’aimais le plus au monde,
elle ne pouvait pas être partie.
-
Qu’est ce qui se passe ?
Ma
sœur éclata en sanglots à l’arrière de la voiture, papa m’a dit cette phrase
qui résonne encore dans ma tête chaque fois que je pense à elle « Maman
nous a quitté »
C’était
donc vrai, elle était partie là d’où personne ne revient, ce lieu dont tout le
monde parle mais dont on envoie jamais de carte postale. Sur le coup on ne
réalise pas ce qui se passe, je n’admettais pas que je ne la reverrais plus
jamais, que mon dernier souvenir avec elle serait une stupide dispute. Il m’a
fallut 5 min, le temps de passer en revue toutes les images d’elle que j’avais,
et l’adage un garçon ne pleure pas a été démenti. Le plus courageux du monde
n’aurait pu refouler ses larmes qui coulaient le long de mes joues, je venais
de perdre un trésor inestimable.
Avec
du recul, on comprend que la présence d’une mère est la chose la plus
importante qui soit, et son absence crée un fossé quasiment impossible à
combler. La douleur d’un orphelin est toujours grande, mais de savoir que nous
nous sommes disputés la dernière fois que je l’ai vue en vie, amplifie la
mienne de douleur. Avec des si on refait le monde, malgré des si ma maman ne
serait surement toujours plus là, pourtant avec des si j’aurais pu lui dire que
je ne pensais pas ce que j’ai dis ce jour là. La mort est certes un passage
obligé pour tout le monde mais lorsque celle qui nous a donné la vie la perd
sans qu’on ait le temps de lui dire qu’on l’aime on se demande à quoi cela sert
de vivre.
Cinq
années sont passées, j’ai eu le temps de comprendre que maman ne reviendrait
plus mais de tout là haut j’espère qu’elle sait combien je regrette et que je
l’aime. Bon Dieu, par cette missive que tu as surement déjà lu avant que je ne
la conçoive, je te demande de prendre soin de ma maman chérie là où elle se
trouve et de la protéger comme j’aurais tant voulu le faire.
Aimar
un mélancolique anonyme sur une page blanche en ce 28 février 2013.
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