Dessiné par Saraï D'Hologne |
*****
Le jour de l’anniversaire d’Anita était enfin arrivé mais loin
d’être ravie elle craignait de se retrouver encore une fois face aux yeux
perçants de Charles. Ah ses yeux ! Lorsqu’ils vous fixaient vous aviez l’impression
qu’ils pourraient découvrir vos secrets les plus enfouis, du premier coup d’œil
sur la copie d’un voisin jusqu’à la tâche de naissance au bas du dos que
personne ne pouvait voir. Peut être avait-il compris qu’il envoûtait les gens
du regard car en général il vous fixait toujours droit dans les yeux lorsqu’il
voulait obtenir quelque chose de vous.
-
Allo ! bonjour ma chérie et joyeux
anniversaire.
-
Bonjour Jessy merci beaucoup.
-
J’espère que je suis la première à t’appeler.
-
Regarde ta montre, il est 00h01 qui d’autre
aurait pu m’appeler avant cette heure ?
-
Ah oui oui c’est vrai bon je te laisse te
rendormir ma puce, on se retrouve dans quelques heures pour les courses de la
fête.
Anita avait eu du mal à se rendormir après l’appel de son
amie, et entreprit de lire un roman de la collection Adoras « La Sirène
Africaine ». Plus elle parcourait ce roman, et plus sa peine croissait. On
aurait dit que l’auteur avait été inspiré par son histoire tant les similitudes
étaient nombreuses entre l’histoire de l’héroïne et la sienne. Elle ne jouait
cependant pas le rôle de la gentille mais plutôt celle à qui l'on attribue les
adjectifs les plus péjoratifs. Pendant trois heures de temps elle dévora
littéralement l’œuvre avant de se rendormir le cœur plein de tristesse.
*****
Les emplettes terminées, Anita et Jessy se rendirent dans un
salon de coiffure pour l’occasion. Les salons de coiffures sont considérés
comme le bistrot des femmes. Deux inconnues y partagent leurs joies, peines,
succès et échecs sans même savoir si leur interlocutrice est journaliste pour
un magazine de potins. On s’y livre sans tabous ou presque et encore plus
facilement que chez un prêtre. Comme à l’accoutumée les deux amies s’installèrent sur des sièges voisins et écoutèrent la discussion du jour avant
d’y ajouter leur grain de sel. Ariane l’une des apprenties du salon racontait
le « taper dos » que venait de lui faire l’une de ses amies.
-
Hum femme ? Femme ? Femme est mauvaise
deh ! s’écria Jessy à la fin de l’histoire.
-
Ma sœur faut dire ça fort encore, renchérit
Ariane.
-
Elle riait avec toi hein, te consolait quand tu
avais des problèmes avec ton gars, djaaa elle le guettait mal mal.
- C’est ça oh, aujourd’hui elle et lui ne peuvent
plus me regarder dans les yeux tellement qu’ils ont honte; mais moi je laisse
pour moi à Dieu, un jour ils le paieront très cher.
La conversation était intéressante pour tout le monde sauf Anita car le sentiment de culpabilité qu’elle avait depuis peu venait de grimper. Elle aussi pourrait faire un « taper dos »
à sa meilleure amie alors qu’elle ne l’a jamais souhaité. Si elle avait
rencontré Charles avant Jessy elle serait sûrement en couple avec lui mais le
destin en a voulu autrement. Ces filles sont en train de critiquer une jeune
fille qui n’a pas demandé à tomber amoureuse, mais qui est juste victime du
satané Cupidon et de ses flèches empoisonnées. C’est vrai que le bon sens exige
qu’on ne tombe pas amoureuse de l’homme de sa meilleure amie mais pourquoi est
ce que ce bon sens ne le rend pas laid à nos yeux ? Pourquoi est ce que le
bon sens n’agit que sur notre conscience au lieu de tuer nos sentiments dès
la racine? Anita n’a jamais été une mauvaise fille, elle n’avait jamais envisagé
ne serait-ce qu’une seule fois de sortir avec le fiancé de Jessy mais la
réalité était qu’elle ne pouvait s’empêcher de l’aimer.
-
Annie qu’est ce qu’il y a ? D’habitude tu es
la première à insulter les voleuses de gars mais aujourd’hui tu n’as pas émis
le moindre son depuis notre arrivée.
-
De récents évènements m’ont permis de comprendre
qu’il ne faut pas juger les gens sans savoir ce qu’ils ressentent.
-
De quoi parles-tu ? Quelque soit les
sentiments d’une personne elle n’a en aucun cas le droit de sortir avec l’ex de
son amie a plus forte raison son copain du moment. J’appelle cela de la
sorcellerie.
-
Que dirais-tu si la personne luttait contre ses
sentiments, souffrait en silence sans jamais déclarer sa flamme à l’être aimé
mais qu’elle continuait à rire avec son amie?
-
C’est aussi de la sorcellerie, elle ne devrait
même pas poser son regard sur l’homme de son amie, elle devrait l’éviter comme
la peste. Les sentiments n’ont pas lieu d’être dès l’instant où il est engagé
avec sa meilleure amie.
Dessiné par Saraï D'Hologne |
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