Je suis jeune, je
ne comprends rien à l’amour et cela fait maintenant quatre ans que je suis
convaincue que l’amour est une histoire de vieux. Lorsque je l’ai connu, je me
disais que ce que nous partagions tous les deux était sans aucun doute ce mythe
dont tout le monde parle sans cesse et que certains artistes comme Daouda le
sentimental ne cessent de mettre en chanson. Comment aurais-je pu deviner que
ce que nous ressentions l’un pour l’autre n’était qu’une distraction pour
enfants lorsque cela ressemblait tellement à ce que chante Céline Dion dans
tous l’or des hommes. J’aurais pourtant dû le savoir, comprendre que même si
mon cœur dansait la rumba à chaque fois qu’il m’appelait, je n’étais pas
amoureuse de lui. Il est cependant vrai que le moindre message venant de lui me
faisait frémir de bonheur. Son absence, due à la distance de nos différentes
universités me rendait malade. J’avais aussi remarqué que la moindre erreur de
sa part me mettait dans tous mes états; je ne supportais pas certaines choses
venant de lui, que j’aurais facilement tolérées de la part d’autres personnes. Je
ne voyais pas en lui mon argent de poche, il n’en avait pas. Je ne représentais
pas pour lui une source de revenus, il refusait ce que je lui proposais. On
évitait tout contact dépassant la poignée de main car on tenait à s’aimer
au-delà du simple désir charnel. Il n’aimait pas que je sois en compagnie de
garçons et je faisais un effort surhumain pour contrôler ma jalousie lorsqu’il
me disait recevoir un message d’une fille. Je pensais l’aimer parce que deux
jours sans entendre sa voix agissaient sur mon humeur, et que nous nous
demandions mutuellement pardon lorsque l’un d’entre nous se sentait offensé par
l’autre d’une quelconque manière. Nous passions des heures au téléphone la
nuit, profitant du service de moov’in; même lorsqu’on n’avait rien d’important
à se dire, le son de la voix de l’autre suffisait à nous rendre heureux.
Pendant ces deux années que nous avons partagé même en étant éloignés, jamais
je ne m’étais douté que nous étions en train de nous divertir, que tout cela
n’aboutirait en aucun cas à un mariage. J’avais 18 ans lorsque nous nous sommes
rencontrés, et il en avait 19. On pensait déjà aux prénoms de nos futurs
enfants, et on s’imaginait vivant ensemble comme mari et femme. Je me dis
aujourd’hui que j’aurais dû rester dans ce semblant d’amour d’enfant jusqu’à ce
que je sois en mesure de me prendre en main, et de quitter le cocon familial.
Avec des si on pourrait sans doute refaire le monde car si l’on n’avait pas
crié notre amour sur tous les toits, notre amusement de jeunesse aurait peut
être abouti à un amour mature. C’est grâce à vous que j’ai découvert que
j’ignorais le sens de l’amour. Oui grâce à vous car c’est lorsque je vous ai
parlé de lui que j’ai appris que j’étais trop jeune pour être réellement
amoureuse de lui. L’amour est donc destiné aux personnes de plus de 35 ans, car
vous me conseilliez tous d’épouser Richard qui lui selon vous, était plus mûr
et possédait toutes les qualités requises pour e êtrun excellent époux. Que
pouvait m’offrir Yanis ? Lui, il n’était qu’un pauvre étudiant à la
recherche d’une bourse d’étude pour l’Europe.
Maman tu m’as dit que je
l’oublierai très vite car j’étais très jeune et que ce genre d’amourette de
lycée ne servait qu’à tuer le temps. Je t’avais comprise maman, mais j’ai voulu
tenté l’aventure malgré tout en refusant la demande en mariage de Richard.
Papa
tu es alors intervenu et tu as menacé de jeter Yanis en prison si je ne rompais
pas tout contact avec lui. Yanis était un homme juste et rien ne pouvait le
conduire en prison, mais tu es un homme politique puissant et en Côte d’Ivoire,
surtout avec ces différentes crises, vous les hommes forts du moment vous
permettez tout.
Je ne l’aimais peut être pas comme vous le disiez puisque j’ai
rompu tout contact avec lui sans préavis. Il m’a fait dire par Murielle notre
amie commune qu’il m’aimait à la haine, pour ce que je lui faisais. Yanis l’homme
avec qui je m’amusais a réussit par je ne sais quel moyen à aller en Europe,
mais la vie là bas n’est pas du tout facile pour lui. Murielle avec qui il est
resté en contact m’a fait savoir qu’il tire le diable par la queue et que pour
s’en sortir, il a décidé de faire ce qu’il n’aurait jamais pu faire s’il était
en pleine possession de tous ses sens. En effet papa et maman, Yanis a décidé
de se marier à une blanche pour régulariser sa situation sur le territoire
français. Vous penserez sûrement qu’il n’y a rien d’extraordinaire en cela,
mais moi je le connais. Yanis que vous me croyez ou non était puceau et
comptait le rester jusqu’au mariage. Ancré dans la religion, il me disait que
son corps appartiendrait à la femme à qui son cœur serrait tout entier, en
l’occurrence mon humble personne.
Richard je te demande
pardon de te quitter à travers cette lettre que mes parents liront également.
Malgré ta frivolité et toutes les fois où tu as levé la main sur moi, je ne te
déteste pas, et j’aurais peut être pu t’aimer, si mon jeune âge n’était pas un
frein à la connaissance de l’amour.
Chère famille, je vous
prie d’informer mes amies Anicette et Irène que même si Yanis est pauvre et
gaou, c’est celui sans qui je ne me sens pas capable de vivre. Quand vous lirez
cette lettre je serai déjà à Paris cherchant à rejoindre la mairie pour
empêcher ce mariage judiciaire. Si par le plus grand des malheurs j’échoue, je
ne pense pas pouvoir supporter le choc. Avec Yanis, vous ne voudrez peut être
plus de moi, mais sans Yanis je ne voudrai plus du monde. Souhaitez-moi bonne
chance.
Annie
votre adolescente en quête d’amour.
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