Lui, il était beau, très beau même; en fait il
faisait penser à ces héros de feuilletons brésiliens que toutes les filles
rêveraient d’avoir. Élancé un teint noir capable de rendre jalouse
une forêt entière d’ébènes, des yeux noisette ornés de cils tant
recherchés par la gente féminine à travers toute sorte d’artifices; il aurait
pu avoir sa photo à côté de la définition du mot beauté dans le dictionnaire.
Son sourire était digne d’une publicité de dentifrice tant ses dents étaient
d’un blanc éclatant; sa carrure de mannequin n’était pas non plus étrangère au
charme qu’il exerçait sur le sexe opposé. Le seul inconvénient pour Didier
était sa pauvreté.
Didier avait eu le malheur de naître dans une
famille démunie, de père ouvrier et de mère ménagère. Avec cinq frères et
sœurs, dans une bicoque à Mossikro, la vie n’est pas du tout facile. Le bac en
poche, Didier n’a pas eu la chance de continuer les études malgré un cursus
scolaire très brillant. Une maladie surement lancée par les sorciers du village
l’a terrassé tout le long de l’année scolaire de terminale; il a pu décrocher
son bac scientifique mais avec une mention passable qui ne lui assurait pas
l’obtention d’une bourse d’étude pour l’étranger. La crise postélectorale avec
son lot de désastres, l’université a été
fermée alors qu’il était en première année en faculté d’histoire géographie.
Après de longs essais infructueux pour réussir à un
concours ou avoir un petit boulot qui pourrait lui assurer son argent de poche,
Didier a finalement décidé d’user de son charme. Plusieurs femmes d’âge mûr lui
avait proposé du travail en échange de rapports entretenus mais, lui ne se
voyait pas du tout sortir avec une femme qui pourrait le mettre au monde. Non,
lui il avait une bien meilleure idée, et il lui fallait juste deux ou trois
beaux ensembles, un peu d’argent pour le transport et une seule journée pour réaliser
son plan « Fils de pauvre en détresse ».
*****
Elle était d’une beauté quelconque, rien
d’extraordinaire qui devrait être détaillé. De taille, et de forme moyennes, Elodie était la fille du
ministre de l’urbanisme et son père cédait à tous ses caprices; du shopping à
Paris jusqu’aux concerts à Londres, tout était à sa disposition. Elle venait de
décrocher le bac et profitait à fond de ses vacances avant de partir continuer
ses études à Georgia States University. Les glaces ont toujours représentées le
péché mignon d’Elodie, et elle ne ratait aucune occasion d’en profiter avec sa
meilleure amie.
Nice Cream, glacier de tous les chocos d’Abidjan,
cadre enchanteur accompagné de glaces toutes aussi délicieuses les unes que les
autres, était le lieu choisi par Didier pour trouver sa future financière. Il a
fallu que ce jour là Elodie y soit avec sa meilleure amie Anne, qui, plutôt
issue d’un milieu modeste, était la fille du chauffeur personnel de la
princesse. Anne connaissait le mauvais caractère de son amie mais elle savait
aussi, que cette dernière manquait d’affection, entre une mère décédée, un père
comblant son absence par des cadeaux et des amies arrivistes. Elodie n’avait
jamais su ce qu’était l’amour.
L’entrée de Didier dans le glacier n’était pas passée
inaperçue car presque toutes les femmes et même les hommes présents se
retournaient pour l’admirer. Accompagné de Franck son meilleur ami, ils se dirigèrent
directement vers le comptoir et s’installèrent cinq minutes plus tard avec leur
commande. En apercevant, les deux filles assises au fond de la salle, Didier ne
pensait plus à l’objectif qui l’avait guidé en Zone 4, mais plutôt à ce visage
rayonnant qui illuminait la pièce. Cupidon l’avait frappé avec une pluie de
flèches et il était tombé amoureux de cette fille, il le savait déjà.
*****
Deux semaines étaient passées, et Elodie ne parlait
plus à Anne à cause de ce beau jeune homme de Nice Cream qui avait eu l’audace
de porter ses yeux sur la pauvre plutôt que sur la fille du ministre. La
jalousie est une bien mauvaise conseillère et Anne payait les frais de ce
sentiment dévastateur. Combien de fois avait-elle été insultée par ses filles
sorties de nulle part qui se faisaient appelées amies d’Elodie ? Elle en
avait marre de ces injures et de toutes les menaces dont elle faisait l’objet,
elle décida de ne plus répondre ni aux appels, ni aux invitations de Didier.
Didier avait oublié son plan « fils de pauvre
en détresse ». L’élue de son cœur était pauvre comme lui, enfin, moins que
lui mais n’empêche que pour elle il était plein de bonnes résolutions. Il a
compris qu’il ne pourrait être avec elle à cause de cette fille pourrie gâtée
de riche qui se croit tout permis. Didier avait pris sa décision, si c’est lui
qu’elle voulait, alors elle l’aurait et sur un plateau d’argent même. La cour
qu’il lui fit ne dura pas plus de deux jours qu’ils partageaient déjà le même lit.
Un mois plus tard, Didier avait plus de dix millions
sur son compte d’épargne, et ses parents avaient déménagé dans un autre
quartier de Yopougon bien plus agréable pour élever leur progéniture. Évidemment, ils pensaient que leur fils avait trouvé un travail car jamais, ils
n’auraient pu imaginer que Didier pouvait inscrire le montant qu’il voulait sur
les chèques d’un ministre de l’Etat. Didier avait renoué avec Anne mais bien
sur ils vivaient leur amour en secret, bien loin des regards indiscrets. Anne
savait très bien d’où venait l’argent de Didier mais bientôt elle n’aurait plus
à s’en soucier, aussi elle acceptait cette relation cachée sans se plaindre.
*****
Elodie a réussit à avoir la clé du coffre fort de
Monsieur le Ministre de l’urbanisme. En l’ouvrant, elle n’en revenait pas, son
père cachait plus d’un milliard dans son coffre car, avec la situation du pays,
disait-il, il faut avoir du liquide à portée de main. Du liquide, elle en
avait, et elle en donnerait volontiers à son amour Didier pour qui elle était
prête à tout. Dans la nouvelle voiture qu’il venait d’acheter, Didier a chargé
dix valises remplies de billets de banque. Quelques bisous à sa financière et
il rentra chez lui retrouver sa famille et sa fiancée.
Tout se passa rapidement, quelques salutations
échangées avec papa et maman, un bisou à Anne sa chérie, un jus d’orange pressé
déversé dans la gorge et Didier était allé se coucher. Anne rentra deux minutes
dans la chambre et informa ses futurs beaux parents qu’elle partait faire une
course rapide avec la voiture de Didier. A son réveil, Didier ne s’inquiétait
pas de ne pas voir sa fiancée, sa mère lui a dit qu’elle était allée voir sa
mère malade à l’hôpital et qu’elle avait utilisé sa voiture. Il était vingt
trois heures lorsque Didier aperçut ce maudit bout de papier qu’il avait pris au
départ pour un ticket de caisse. Pas grand-chose n’y était écrit :
« Elodie t’a financé, merci de m’avoir financée à ton tour, je suis loin
ne me cherche plus. »
Elodie avait reçu un message de son amie
d’antan : « Merci Elo pour les sept cent millions que tu m’as
offerte, je doute fort que ton père apprécie ce geste si généreux de ta part,
quant à moi je suis déjà dans mon avion et on ne se reverra surement pas de
sitôt ». Didier ne décrocha pas son téléphone malgré les nombreuses
tentatives d’Elodie pour le joindre. Le ministre de l’urbanisme appela sa
fille, elle devait se rendre à l’aéroport avec le chauffeur car la situation du
pays empirait. Elodie se rendit donc aux Etats Unis chez l’une de ses tantes
paternelles.
*****
Les banques
sont fermées, les comptes des ministres sont gelés, le Ministre de l’urbanisme
n’est pas inquiet, il a assez d’argent dans son coffre fort, mais déception,
arrêt cardiaque immédiat, le coffre est vide.
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