« Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif, un français passable, pour ne pas mélanger les pédales dans les gros mots, je possède quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harrap’s. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots, à vérifier les gros mots et surtout à les expliquer. Il faut expliquer parce que mon blablabla est à lire par toute sorte de gens : des toubabs (toubab signifie blanc) colons, des noirs indigènes sauvages d’Afrique et des francophones de tout gabarit (gabarit signifie genre). Le Larousse et le Petit Robert me permettent de chercher, de vérifier et d’expliquer les gros mots du français de France aux noirs nègres indigènes d’Afrique. L’Inventaire des particularités lexicales du français d’Afrique explique les gros mots africains aux toubabs français de France. Le dictionnaire Harrap’s explique les gros mots pidgin à tout francophone qui ne comprend rien de rien au pidgin. »
Dix ou douze ans ? L’âge du personnage principal n’est surement pas ce qui est le plus important, et encore moins son niveau d’étude. Dans ce récit simple, accentué de jurons lancés à tout-va, nous sommes introduits dans un monde de violence ; une violence tellement absurde qu’on la croirait inventée. Et pourtant…
Birahima n’a pas sa langue dans la poche et ça dès le début de l’histoire on le remarque. C’est « un enfant insolent, sans peur ni reproche » mais surtout c’est un enfant-soldat. Orphelin de père et de mère, Birahima voit son éducation confiée à sa tante Mahan. Seulement voilà, un incident conduit cette dernière à s’enfuir au Liberia en laissant son neveu dans son village Togobala. Appâté par des histories mirobolantes sur les enfants soldats du Liberia, Birahima s’embarque dans un voyage périlleux aux côtés de Yacouba, un marabout multiplicateur de billets de banque. Dans son parcours de small-soldier, Birahima découvre, vit, et nous raconte par la même occasion les différentes guerres tribales au Liberia et en Sierra Leone.
« Quand on dit qu’il y a guerre tribale dans un pays, ça signifie que des bandits de grand chemin se sont partagés le pays. Ils se sont partagés la richesse ; ils se sont partagés le territoire ; ils se sont partagés les hommes. Ils se sont partagés tout et tout et le monde entier les laisse faire. Tout le monde les laisse tuer librement les innocents, les enfants et les femmes. Et ce n’est pas tout ! Le plus marrant, chacun défend avec l’énergie du désespoir son gain et, en même temps, chacun veut agrandir son domaine. »
Kourouma est sans nul doute un maitre de la parole. Avec la version électronique, je pouvais suivre les aventures de Birahima partout - tant que mon ordinateur ou mon téléphone me le permettait-. Résultat, en 4 jours j’ai traversé la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone en faisant quelques haltes en Côte d’Ivoire. À travers l’histoire de Birahima, c’est l’attitude et la responsabilité de tout le monde qui est remise en question. Bien que les faits se déroulent en Afrique occidentale, cela rappelle que chaque jour des innocents sont tués dans le monde sous le silence coupable de la «communauté internationale». L’Afrique pullule et a de tout temps été infestée par les dictateurs, mais à quand le changement ? Kourouma n’est malheureusement plus de ce monde mais les crises qui ont secoué le continent dernièrement auraient surement fait tressaillir sa plume.
Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. Et je ne suis pas obligée de vous raconter tout ce qui se passe dans ce livre :p Je vous invite juste à vous dépêcher de le lire !
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