jeudi 26 novembre 2015

Sandy la catastrophe...


Tel un somnambule il arpentait les rues d’Atlanta à la recherche de l’on ne savait quoi. Il disait à qui voulait bien l’écouter qu’il regrettait son acte mais justement personne ne voulait l’écouter…en tout cas pas la personne qu’il aurait souhaité voir lui pardonner. Il était jeune et à 17 ans on est insouciant. Il ne voulait pas la blesser, bien sûr que non. Qui aurait voulu faire du mal à une « fille » aussi belle, innocente, et gentille comme elle ? Seulement il n’avait pas de bons amis, il trainait avec ceux que l’on qualifiait de voyous. Ils étaient adolescents et à 17 ans on n’ignore…non on n’oublie parfois que certains actes sont irréparables. Elle l’avait supplié de ne pas le faire, d’avoir pitié, et il avait eu pitié, seulement pas assez pour arrêter ses conneries. Ses amis le regardaient faire, cachés derrière ce maudit buisson ils attendaient de voir s’il finirait par se défiler ou s’il irait jusqu’au bout afin de gagner son pari. Ils étaient quatre, tous aussi cons les uns que les autres, ignorant encore que tout acte a une conséquence et que bien souvent il faut payer le prix de ses erreurs… 

Depuis quelque temps la police d’Atlanta était débordée, les étudiants ne sortaient plus que pour aller en cours. On aurait dit qu’un ouragan s’était abattu sur la ville et que les habitants avaient encore du mal à s’en remettre. Elle s’appelait Sandy comme la catastrophe qui s’était abattue sur New York. Seulement la Sandy d’Atlanta était une jeune fille de 20 ans à qui la vie n’avait pas fait de cadeau. En quittant son Afrique Natale pour le pays de l’oncle Sam, elle avait espéré une vie nouvelle car on lui avait dit que chez ce vieil oncle Sam on ne jugeait pas les autres. On lui avait dit qu’à Atlanta personne ne connaitrait son passé et qu’elle pourrait vivre comme bon lui semblait. Seulement on lui avait menti et à présent ils devaient payer. Il n’y avait plus de fête organisée sur le campus. Même les sonorités les plus branchées avaient mis des points de suspensions à leurs différentes fiestas qui en faisaient baver plus d’un sur le campus. Elle était là, Sandy, trônant en maitresse sur le campus et attendant tapie dans l’ombre que sa prochaine victime passe…

Les journalistes les plus téméraires avaient du mal à décrire les scènes d’horreur découvertes par la police la semaine précédente. La première victime avait été retrouvée à l’entrée de la résidence universitaire « Patton Hall ». Il s’agissait d’un jeune homme qui avait été sauvagement émasculé, les testicules cousus à la place des tétons et le troisième membre enfoncé dans la bouche. La deuxième victime était un étudiant du même âge retrouvé dans les mêmes conditions mais devant la résidence « Piedmont North ». Jamais pareille atrocité n’avait été commise dans la ville d’Atlanta et la police bien qu’ayant une suspecte n’avait pas assez de preuves pour l’arrêter. Les habitants avaient encore du mal à se remettre des évènements lorsque l’on retrouva un troisième corps. Nathan lui portait une perruque, un rouge à lèvres et on aurait dit que l’assassin avait pris tout son temps pour le martyriser. Des incisions parfaites avaient été opérées sur ses gonades et son scrotum avait été dépouillé de ses habitants…

Illustration par Tatou Dembele

Elle était là, assise sur la vieille chaise à bascule et unique meuble de ce salon devenu subitement trop grand. Elle repensait à tout ce qui s’était passé depuis sa naissance. Elle n’avait plus rien à perdre quand on lui avait déjà tout arraché. Elle en avait marre de devoir accepter l’humeur lunatique du destin. Elle en avait marre qu’on lui dise que « tout ce que Dieu fait est bon ». Finalement elle en avait marre de pardonner alors qu’à elle on avait refusé le droit d’être prise en pitié. Elle voulait qu’ils paient peu importe ce que cela lui couterait. D’ailleurs que pouvait-elle encore perdre quand ils lui avaient brutalement volé ce qu’elle avait de plus cher ? Elle n’avait plus la force de courir à chaque fois que cela se produisait. Elle avait ruminé sa vengeance, changé de nom, de couleur de cheveux et cette fois-ci elle allait leur donner une leçon, la leçon ultime…

Assise sur le seuil de sa maison elle regardait passer l’unique rescapé de sa vengeance qui risquait bientôt de rejoindre ses défunts amis. On disait d’elle qu’elle était folle, qu’elle était une psychopathe mais seulement personne ne pouvait prouver qu’elle était la responsable de la folie meurtrière qui s’était abattue sur la ville. En quittant son Afrique natale elle pensait fuir ces histoires d’incompréhension, d’intolérance. Nenni, les américains n’étaient pas aussi ouverts qu’on le prétendait et surtout pas avec ce qu’ils ne connaissaient pas. Toute sa vie elle avait dû faire face au regard des gens dans son village puis plus tard dans la ville parce qu’un imbécile ayant découvert son secret avait eu la langue trop pendue. Elle avait pardonné parce qu’elle pensait ne pas avoir le choix. Elle avait fui, travaillé d’arrache-pied pour obtenir cette bourse pour les Etats Unis mais voilà que ces quatre jeunes gens avaient réveillé cette blessure encore trop fraiche.

Il repensait à ce jour-là; déjà trois ans. Il se rappela des encouragements de ses amis tapis derrière ce maudit buisson. Ils lui avaient dit qu’il n’avait pas besoin de la violer mais qu’il devait juste lui faire peur. Il devait juste la violenter et la dénuder. C’était la seule manière pour lui d’être un membre à part de la bande. Il les avait écoutés et il l’avait fait; seulement il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit ainsi constituée. Il n’avait jamais vu un être humain avec deux sexes et ses amis non plus n’en avait jamais vu. Ces derniers animés par leur stupidité sans pareille ou une nouvelle passion de scientifiques étaient sortis de leur cachette, l’avaient prise en photo avaient propagé sur le campus des images de Sandy le monstre mi-femme-mi-homme.

Trois années étaient passées mais elle n’avait rien oublié. Ils avaient volé son secret, révélé une identité qu’elle avait encore du mal à accepter. Ils avaient balayé du revers de la main son droit à la vie privée alors ils devaient payer. Les trois spectateurs avaient déjà leur ticket pour le grand voyage. Il ne restait plus que lui, et elle semblait vouloir faire durer son supplice. Il en avait perdu l’appétit et avait même commencé à délirer. Elle refusait de l’écouter mais il voyait bien que son tour arrivait et que bientôt il paierait pour avoir révélé contre son gré qu’elle était atteinte d’un pseudohermaphrodisme féminin. Les fêtes de noël approchaient et elle lui réservait un cadeau spécial…

Tel un somnambule il arpentait les rues d’Atlanta à la recherche de l’on ne savait quoi. Il disait à qui voulait bien l’écouter qu’il regrettait son acte mais justement personne ne voulait l’écouter…en tout cas pas la personne qu’il aurait souhaité voir lui pardonner….

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