Model: Sarai D'Hologne Photographe: Nadege Cakpo |
Je me
demandais ce que j’aurais pu dire pour me justifier mais en fait rien ne
pourrait justifier ce que j’ai fait. En t’écrivant cette lettre j’espère juste
que tu me pardonneras l’impardonnable. Je comprendrai que tu ne veuilles plus
me parler mais prends au moins le temps de me lire jusqu’au bout.
J’ai rencontré Alain il y a quatre mois alors que je faisais des courses au supermarché du quartier. Il s’est gentiment proposé de m’aider à transporter mes courses jusqu’à la maison et il me parlait comme s’il me connaissait depuis longtemps. Je ne comprenais pas son comportement jusqu’à ce qu’il m’appelle Marie-Jeanne. Il m’avait donc confondu avec toi.
Tu sais, les gens disent très souvent que nous nous ressemblons mais j'ignorais que c’était jusqu’à ce point. Il y a quand même trois années de différence entre nous mais certains de mes amis refusent de me croire lorsque je dis que nous ne sommes pas des jumelles. Bref il m’est arrivé de revoir Alain plusieurs fois après notre rencontre et je ne sais pas comment cela s’est produit mais, jamais il ne s’est rendu compte que je ne fusse pas toi. Je suis allée jusqu’à lui dire que j’avais changé de numéro de téléphone afin qu’il efface le tien. C’est le cœur à la foi plein d’amour mais aussi de remords que je t’écris cette missive. Je sais que je ne mérite pas ton pardon mais l’amour tu le sais mieux que personne rend aveugle.
Rappelle-toi
lorsque tu as quitté ton fiancé le jour de vos noces parce que tu venais à
peine de rencontrer un jeune homme que personne d’autre ne connaissait. Tu
criais sur tous les toits que tu avais rencontré l’amour de ta vie et personne,
ni ton fiancé d’alors, ni même nos parents n’ont réussi à te convaincre que tu
faisais une bêtise. Souviens-toi combien tu t’es battue corps et âme pour cet
inconnu rencontré au détour d’une ruelle. Grande sœur je sais que je te fais de
la peine et que tu as envie de me maudire mais je t’en supplie ne le fais pas.
Sous le coup de la colère on peut dire certaines choses que nous regretterons
toute notre vie. Jean ton ex fiancé t’a peut-être lui aussi maudit lorsque tu
l’as abandonné devant l’autel. Pourtant tu conviendras avec moi que ta seule
erreur fut d’en aimer un autre que lui. Voilà pourquoi je te demande de ne pas proférer
de malédiction à mon encontre car tout comme tu le fus grande sœur je suis moi
aussi la victime de ce maudit Cupidon.
Je sais
qu’Alain était l’homme de ta vie mais vois-tu, si tu me l’avais présenté plus tôt
jamais je ne m’en serais approchée. Après l’échec de tes fiançailles, les
parents ne voulaient plus te parler. Bien que tu fusses toujours à la maison,
personne ne t’adressait la parole, du moins personne d’autre que moi. Bien
des fois je t’ai demandé de me faire découvrir cet homme qui en une semaine
avait réussi à mettre un terme à une relation - que tu lui avais caché soit dit
en passant - de plusieurs années. Cela nous aurait sans doute évité ce qui
arrive aujourd’hui mais il est trop tard à présent. Lorsque ce jour-là je l’ai rencontré
au supermarché, j’ai tout de suite compris pourquoi tu avais bravé la colère de
tous pour son amour. Alain est un dieu de la beauté, le Narcisse contemporain - sans le coté narcissique - je dirais. Comment un homme peut- il allier aussi parfaitement la beauté à
l’intelligence, sans parler de son respect pour la femme. Je suis sure que tu
me comprends ; que tu sais mieux que quiconque combien il est facile de
succomber à son charme.
Si je te
demande pardon aujourd’hui ma sœur c’est parce qu’à cause de moi tu as tenté de
mettre fin à tes jours. Alain a déménagé du quartier et tu ne pouvais pas le
savoir étant donné que c’est avec moi qu’il communiquait désormais. Tu te
languissais de son absence et bien que tu ne te confies pas à moi je savais
pourquoi tu passais désormais tes nuits à gémir. Ah oui ! C’est aussi moi
qui avais effacé son numéro de ton portable et par chance tu ne le connaissais
pas encore par cœur.
Quelle
bonne idée ont eu nos parents de nous appeler respectivement Marie Jeanne et
Marie Anne ! Ça n’a pas été difficile plus tard de convaincre Alain que
mon vrai prénom - ou le tien, peu importe - était Marie Anne plutôt que Marie
Jeanne comme il le pensait. Nous filions donc le parfait amour pendant ces quatre
mois au cours desquels je te voyais dépérir et pleurer toutes les larmes de ton
corps parce que sans nouvelle de lui. J’ai bien failli te dire la vérité mais
encore une fois grande sœur, tu connais Alain et tu sais qu’aucune femme ne se résoudrait
à le perdre ainsi.
En fait
grande sœur, tu avais abandonné Jean que tu connaissais depuis l’enfance au
profit d’Alain que tu avais rencontré une semaine avant ton mariage. De lui tu
ne savais pas grand-chose, tu ignorais donc que son père était décédé un mois
avant votre rencontre et qu’il devait aller en France pour gérer ses affaires
et s’occuper de sa famille y résidant. Je suis désolée de te l’apprendre sur
ton lit d’hôpital mais au moment où tu lis cette lettre je suis dans l’avion aux
cotés de celui qui nous rend folles toutes les deux. Nos parents ont accepté
que je parte avec lui. Tu ne l’as pas rencontré lorsqu’il est venu déposer ma
dot tout simplement parce que tu ne sortais plus de ta chambre. Ta tentative de
suicide a bien failli me faire chanceler mais j’aime trop Alain pour le laisser
partir à Paris sans moi.
Je sais
que tu me pardonneras difficilement mais grande sœur, pense à Jean qui a dû
souffrir comme tu souffres actuellement. Il m’a d’ailleurs dit qu’il t’aime
toujours et qu’il t’attendra à ta sortie de l’hôpital. N’oublie pas également
que j’aimais Jean avant toi mais que tu as quand même accepté ses avances. Ce
n’était pas une vengeance grande sœur mais je veux juste que tu y repenses avant
d’envisager de me maudire. J’avais fini par accepter de perdre Jean car tu m’as
dit que j’étais jeune et que ce que je ressentais était plus de l’admiration
que de l’amour. Tu me l’as pris pour ensuite l’abandonné ainsi. Je n’avais pas
prévu de te rendre la monnaie de ta pièce mais je suis sure qu’Alain était
juste un fantasme pour toi ; tu ne l’aimais pas vraiment… Grande sœur je t’en
prie retourne aimer ce que j’admirais et moi je me contenterai de ce dont tu
rêvais. Ne m’en veux surtout pas, ne me maudit pas, l’amour est le seul coupable.
(y)(y)(y) !!
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