mardi 21 juillet 2015

Brou Aya Catherine au Lycée Classique d’Abidjan


C’est un florilège de souvenirs qui m’accueille dès que je pose les pieds dans l’enceinte du Lycée Classique d’Abidjan. Quelques bâtiments ont été repeints et certains continuent de voir leur façade prendre une autre teinte. Toutes ces rénovations ne changent pourtant pas grand-chose à cette bonne vieille marre qui en a vu passer toutes sortes de caïmans. Des jeunes, des moins jeunes, les chouchous des professeurs et les bêtes noires de ces derniers... C’est avec fierté que je dis que j’ai effectué mon second cycle au LCA. Mais aujourd’hui ce n’est pas pour écouter des théorèmes et leur réciproque que je suis là. Le motif de ma présence n’est autre que la proclamation des résultats du Bac 2015. Je viens soutenir une filleule que je n’ai encore jamais rencontrée en dehors de quelques messages sur WhatsApp. Nous n’avons pourtant pas de mal à nous retrouver (merci Facebook) et sans préambule nous rejoignons son accompagnateur pour attendre le verdict du jury. Ici et là fusent des cris, parfois même en l’absence du candidat.



- Hiii c’est ma camarade !

- Heeee on est dans la même classe !

- T a eu !

- Han ! T a eu !

J’en conclus qu’on ne vendait pas chère la peau de T mais ne dit-on pas que Brou Aya Catherine* est d’une malice sans bornes ? Et comme d’habitude certains diront « Examen là c’est chance oh !» pour les superstitieux ou « examen là c’est Dieu oh ! » pour les plus croyants (en une subsistance). On entend généralement ce genre d’expression lorsque le premier de la classe échoue tandis que celui qu’on ne voyait presque jamais sur les bancs réussit à décrocher le graal. Pour certains personnages, le bac en lui-même est un acquis, ils ne sont là que pour la mention. À ceux qui diraient « Bac coco taillé oh ! Bac avec mention oh ! Bac c’est bac ! » Ils répondront à voix haute ou en pensée « Chacun a ses objectifs ». Mais en vérité lorsqu’une personne juste à côté échoue au point près, l’on est assez content d’avoir réussi avec ou sans la mention…


Je prends quelques photos tout en gardant mes oreilles en direction du balcon sur lequel sont perchés les annonceurs de bonne nouvelle pour certains et de drame pour d’autres. Je ne sais pas à quel moment ma filleule a éclaté en larmes. On n’a même pas encore commencé sa section. Pour le moment on en est à la série A2 du lycée classique 1 tandis qu’elle a composé au lycée classique 2 dans la même série. « Ahi donc ton affaire-là c’est comme ça ? » C’est la première fois que je participe à la fameuse séance du « Candidats approchez ». Je suis finalement bien contente de n’y avoir jamais assisté en tant que candidate. Plus je la serre dans mes bras pour la consoler et plus ma crainte augmente. « Eh Dieu pardon fais en sorte qu’elle ait son bac oh ! » me dis-je. J’ai deux grandes préoccupations. Évidemment sa peine si jamais elle échoue, et ensuite comment réagir ? Comment la consoler ? Hum ! Non il ne faut pas y penser. De toutes les façons j’ai déjà son cadeau dans mon sac. Dieu ne va quand même pas me faire retourner avec ça ? Non je reste sereine. À côté les cris continuent et sur les visages en pleurs on a du mal à déterminer s’il s’agit de larmes de joies ou de peine. Certaines manifestations sont émouvantes, comme ce jeune homme qui court et va taper dans les mains d’une dame dont on ne saurait dire s’il s’agit de sa sœur ou de sa mère. Toujours est-il que sa joie laisse deviner une grande histoire derrière cet examen. Qu’est-ce qu’il a traversé comme obstacles pour y arriver ? Je ne saurais le dire. Cela me rappelle toutefois l’histoire d’une jeune fille quelques années auparavant qui au téléphone, informait sa mère de son succès. « Maman, j’ai eu mon bac oh, maman on a eu ! Ehee papa ne va plus parler. Ça la si je n’avais pas eu comment on allait faire ? Il allait dire que je suis allée prendre grossesse et je n’ai pas eu bac. Eh maman j’ai eu mon bac ! » 

 
- Série A2 lycée classique 2

Je reviens au temps présent. C’est le moment de vérité. Le nom de ma filleule commence par un B, ce qui veut dire que l’on aura la récolte des 9 derniers mois dans pas longtemps. À sa mine on devine toute l’angoisse qui l’habite et elle n’est pas la seule. Je peux entendre mon cœur cogner fort dans ma poitrine. «Tchié c’est quel organe kpakpato ça là ?» 


- Boguifo quelque chose…

À ce moment nous savons tous que soit ça passe soit ça casse. J’ai l’objectif de ma caméra braqué sur ma candidate. Mais cela ne servira pas à grand-chose car emportée par la joie à l’entente de son nom, je fermai l’appareil un court instant, avant de le reprendre pour capturer ce grand moment de joie. Merci Seigneur ! Elle éclate à nouveau en sanglots. Des gens pourraient croire qu’elle a échoué à la vue du ruisseau sur son visage. « Donc toi c’est comme ça que tu pleures quoi ? » Je ne pense pas qu’elle m’entende. À chaque « Lynda c’est comment ? » je réponds à la place de la concernée « elle a eu ». Hum on dirait que c’est pour moi-même. Ma joie est étrangement plus grande que quatre ans en arrière lorsque moi aussi je terrassais cette Brou Aya Catherine....

Alors que je raccompagne Lynda pour emprunter son taxi j’aperçois une jeune fille qui a perdu connaissance. Je ne saurai surement jamais si elle est tombée dans des pommes d’allégresse ou de chagrin…







Brou Aya Catherine : Nom et prénoms donnés au baccalauréat par les ivoiriens.








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