mercredi 21 novembre 2012

EN UN INSTANT



J’aurais bien aimé passer la journée d’hier avec mon petit ami Cédric ou mes potes mais ma famille m’a prise en otage de 6h à 22h. Maman m’a forcée à passer la matinée avec mon enquiquineuse de petite sœur. Ah Aurelia ! Je vous assure que j’ai parfois envie de l’échanger contre un paquet de chips au supermarché tellement elle est emmerdante. Elle passe tout son temps à rapporter mes moindres faits et gestes aux parents. Je me demande souvent si j’étais aussi agaçante à huit ans.


A midi mon grand frère m’a invitée à son domicile pour le déjeuner. Mon frère je l’aime beaucoup mais franchement depuis qu’il est marié, il est insupportable. Je dirais que son épouse le mène par le bout du nez, mais personne à part moi ne semble s’en préoccuper dans cette famille. Comme d’habitude, il a essayé de jouer le rôle du méchant aîné alors que dans sa période de célibat il était plutôt un ami, un confident pour moi. Lorsque je lui rappelle qu’il a changé, il me dit qu’il a juste mûri et qu’il espère que j’en fasse de même.


Vers 15h maman est passée me chercher chez Roland pour le salon de coiffure. C’était le moment le plus agréable de la journée jusqu’à ce qu’elle commence avec ses nombreux conseils. Elle me parle comme on le ferait avec une gamine : ne fais pas ci, ne fais pas ça. Je pars juste en France pour mes études, ce n’est pas la fin du monde. Maman a toujours été très attentionnée envers moi mais parfois elle fait trop sa mère poule. J’ai 19 ans, je sais ce qui est bien pour moi, et bien entendu ce qui ne l’est pas.


Papa quant à lui, on ne le voit jamais à la maison mais hier comme par enchantement il a décidé de décrocher un peu de son boulot et a passé une heure avec moi. Une heure durant laquelle il n’a pas cessé de me souler avec mes soi disant mauvaises habitudes. « Tu es trop paresseuse, et tu passes tout ton temps dehors. Mon ami a accepté de t’héberger chez lui alors ne pars pas me faire honte là bas ». A croire que je suis totalement inconsciente, et que je ne connais pas l’objectif de ce voyage. C’est vrai que j’ai en tête de m’amuser à fond à Paris mais je ne compte pas oublier ce pour quoi je m’y rends.


Ce matin lorsque l’avion a décollé je me suis sentie légère, et j’attendais déjà beaucoup de cette nouvelle aventure. Vivre loin de ses parents, quel adolescent n’en rêve pas ? En tout cas moi j’ai longtemps attendu ce jour où je partirais vers de nouveaux horizons. En parlant d’horizon, c’est fou comme en un instant  j’ai pu penser à cette dernière journée. 

Depuis quelques instants le pilote de l’avion a perdu le contrôle de l’engin. Je voulais découvrir de nouveaux horizons mais l’océan Atlantique est bien trop vaste pour ce que je désirais. Je voudrais tant revivre cette journée, des dizaines, des centaines et même des milliers de fois. J’aimerais que ma sœur et mon frère m’embêtent, que papa et maman me gavent de conseils. J’aimerais ne pas être dans cet avion qui à présent fonce dans cette étendue d’eau salée; j’aimerais prendre le temps d’apprécier ma vie de famille. J’aimerais juste ne pas revivre cette journée en un seul instant, mais pendant encore plusieurs années.

jeudi 8 novembre 2012

JE LE PERDS


Yann est parti ce matin avec toutes ses affaires. Après plusieurs avertissements, il a décidé de mettre sa menace à exécution. Il dit qu’il en a marre que je fouille dans ses affaires, que je contrôle toutes ses sorties, ses fréquentations. J’essaie de me faire à l’idée qu’il change mais c’est difficile. Dieu seul sait combien de sacrifices j’ai dû faire pour lui. J’ai été rejetée par ma famille, mes amis, j’ai arrêté l’école et que sais-je encore ? Non je ne peux pas accepter qu’il parte.


J’ai commencé à m’inquiéter en Janvier lorsqu’il est rentré à la maison avec quelques amis, exactement deux filles et trois garçons. Croyez-moi, n’importe qui aurait tiqué en voyant ces individus. Lorsque je lui ai parlé de ses fréquentations, il m’a répondu qu’il était assez grand pour faire le tri dans ses amis. Que pouvais-je répondre ? Je n’ai jamais su élever la voix face à lui. Pas par crainte de sa personne, non je n’ai jamais eu peur de lui. Si je ne le contredisais que très rarement c’est juste parce que j’avais peur de le frustrer, et de le perdre par la suite. Au final, tous mes efforts n’auront surement servis à rien.

J’ai cédé à plusieurs de ses caprices mais celui là en est de trop. Je ne m’inquiète pas pour les commérages du voisinage. Les gens critiqueront toujours que tu agisses bien ou mal, alors qu’ils attisent le feu si cela peut soulager leurs propres douleurs. Je ne me soucie même pas de ce que dira ma propre famille, personne n’a jamais été là pour moi alors leur venin ne m’atteindra pas. J’ai vécu seize ans toute seule avec Yann, alors qui pourrait me donner des leçons aujourd’hui sur mon attitude vis-à-vis de lui ?

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Karl m’a abandonnée lorsque j’ai contracté cette grossesse. Il savait très bien qu’il était le seul homme de ma vie mais il m’a quand même accusée d’infidélité. Maman avait donc raison, il ne faut pas avoir pleinement confiance en un homme. Karl était l’homme de ma vie mais il me démontra que je n’étais pas l’unique femme de la sienne. Toutes les belles paroles que je recevais ont disparu le jour même où il apprit mon état. Je le voyais s’éloigner lorsque je lui offris ce que j’avais de plus cher, ma virginité, mais j’essayais de me convaincre que ce n’était que passager. Sa réaction après l’annonce de ma grossesse mit fin à toutes mes illusions. Par sa faute, je fus rejetée par tous avec cette grossesse qualifiée de non-désirée.

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Ah que je l’aime, de tout mon cœur, de toute mon âme et de tout mon esprit. Pendant les neufs mois où il logeait en mon sein, je n’ai cessé de développer un amour fort et grand pour celui qui se prénomme aujourd’hui Yann. Etant toute seule pour m’occuper de lui et le voir grandir, j’ai tenté de lui apporter à la fois l’amour d’une mère, d’un père, d’une tante, d’une grand-mère, bref de tous les proches parents que l’on pourrait énoncer. A sa naissance je fus la femme la plus heureuse du monde. J’étais encore une petite fille en vrai, mais cet enfant m’a donné la chance de montrer au monde entier que j’étais une femme forte. J’ai tenu bon pendant seize longues années durant lesquelles je m’attelais à subvenir à tous ses caprices.

Ma principale inquiétude est de savoir où il logera, comment il subviendra à ses besoins, avec qui sera-t-il ? J’ai dans le cœur la même peine que toute mère aurait face au départ prématuré de son fils du cocon familial. J’aimerais bien le retenir, lui dire que j’accepterai toutes ses conditions pour qu’il reste mais c’est au dessus de mes forces. Je l’ai aimé plus que ma propre vie, et je pourrais donner ma vie pour lui mais que dirais-je à Dieu ? Aurais-je la force de me tenir devant mon Seigneur et reconnaître que je l'ai laissé agir comme bon lui semblait ? 

Vous me direz que c’est mon fils et que je dois l’accepter tel qu’il est mais désolé, tant qu’il vivra sous mon toit je ferai tout pour lui faire entendre raison. Il est parti pour je ne sais où, mais quand je le retrouverai, je vous promets que je mettrai tous les moyens à ma disposition pour que mon fils redevienne "normal". Toutefois que feriez-vous à ma place en découvrant que votre unique garçon est un homosexuel ?

jeudi 1 novembre 2012

MARIAGE DE REVE



Il était 2h du matin quand Martin se réveilla en sursaut suite à un cinquième cauchemar. Il était censé se marier dans quelques heures et avait besoin d’un repos réparateur pour toutes ses semaines d’intenses préparatifs. Sabrine, sa compagne depuis dix ans maintenant semblait dormir comme un bébé. Cinq fois qu’il faisait le même cauchemar, cinq fois qu’il se réveillait en sueur alors que Sab quant à elle continuait son idylle avec Morphée, ignorant les tracas de son conjoint.

Le mariage devait avoir lieu à 8h30 mais dès 7h, Martin était déjà en route pour la maison de Gérard son témoin. Il n’avait pas réussit à se rendormir et il n’avait pas envie d’expliquer ses angoisses à Sabrine alors quitter la maison de bonne heure lui avait semblé être une meilleure idée. Ce mariage se devait d’être parfait, vu tous les efforts qu’il avait fournit pour son organisation.       
                                                
Tous ces tracas pour se plier aux exigences de sa dulcinée. Ah ces femmes ! Toujours à vouloir faire mieux que leurs amies. Il n’était pas question qu’un mariage fut plus beau que le leur, il ne pouvait pas se le permettre. Que ne ferait-il pas pour la combler ? Il avait tenu à ce mariage malgré l’opposition de tous les membres de sa famille hormis son cousin Gérard. Certains de ses amis étaient également contre cette union mais il n'en avait cure.

Gérard est considéré comme le raté de la famille car son faible niveau d’études lui a fermé les portes à la réussite sociale. Divorcé avec deux enfants à sa charge, il est obligé de quémander auprès de ses frères et cousins pour la survie de sa progéniture. S’il était à même d’assurer sa pitance quotidienne, il se serait sans doute opposer à ce mariage comme toute la famille, mais il avait besoin de l’argent que lui donnait Martin chaque fin du mois.

Chez son cousin et témoin, les pensées de Martin s’envolèrent vers la future épouse. Il aimerait bien la voir une dernière fois avant qu’ils ne se disent oui mais les superstitieux disent que cela porte malheur. Martin n’en avait que faire de toutes ces superstitions mais, sa future épouse, elle y croyait fermement alors il s’y pliait aussi. Ce mariage lui avait coûté la peau des fesses mais tout ça serait bientôt derrière eux. Il avait suffisamment patienté pour lui offrir le mariage de ses rêves et il avait hâte que tout se termine.

A 8h, Martin était déjà à l’hôtel de ville du plateau dans la plus belle Mercedes garée sur le parking de l’établissement. Trente minutes plus tard la mariée était aussi présente mais avec les retards habituels, la cérémonie commença trente minutes plus tard. Le bla bla quotidien du maire, les plaisanteries souvent déplacées, puis le moment du consentement mutuel arriva.

« Monsieur Koné Martin, voulez vous prendre pour épouse mademoiselle Kané Fabienne ?»

Il avait attendu plus de deux ans pour qu’on lui pose cette question. Il avait passé deux ans à économiser pour offrir à sa collègue le mariage dont elle rêvait, afin qu’elle puisse enfin avoir la preuve de son amour pour elle. C’est vrai qu’il ferait du mal à Sabrine mais elle s’en remettrait bien un jour ou l’autre. C’était le jour de son jour, et rien ne pouvait l’empêcher de consacrer ces années de dur labeur. Enfin, il avait tout prévu sauf ça.

« Papa c’est vraiment toi qui te maries ?» La voix de Stéphanie, sa fille avait retentit dans la salle. 

Les regards se tournaient à la fois vers le père et les deux enfants âgés de dix et sept ans. Stéphanie et son frère Ange avaient appris par leurs amis que leur père se mariait aujourd’hui. Ils n’y croyaient pas mais un carton d’anniversaire apporté à l’école par Joel les avait convaincus. En tenue d’école, ils s’étaient échappés des cours pour voir de leurs propres yeux, leur père se lier à une autre femme. Leur mère n’était pas là, elle n’était pas au courant de ce qui se tramait dans son dos. 
Martin pouvait se retourner et dire « OUI » comme il l’avait si bien préparé mais pousserait-il l’ignominie jusqu’à dire « Oui » en tournant le dos à ses enfants en pleurs ?

Le rêve ou plutôt le cauchemar se termine à chaque fois sur ce dilemme. Pour la sixième fois, Martin se réveille avec la même anxiété. Doit-il épouser Fabienne, ou revenir à la raison et rester avec la femme couchée auprès de lui, qui a partagé sa galère pendant sept années et lui a donné deux magnifiques enfants ?