lundi 7 mars 2016

De l'air !




Les portes s’apprêtent à se refermer et cinq boutons sont illuminés. 7e, 8e, 13e, 17e et 20e. J’habite au 17e étage d’un immeuble dont la renommée n’a d’égale que le prix exorbitant du loyer. Juste avant la fermeture, un homme a le temps de s’incruster. Nous sommes 6 dans l’ascenseur. De l’air ! De l’air ! Il ne m’a pas fallu plus d’une minute pour sentir la crise pointer à l’horizon. Je ne suis pas claustrophobe. Je n’ai pas peur du noir non plus. Ni du chinois ou du blanc. Du moins plus depuis une bonne dizaine d’années. A part l’envie de me faire vomir mon déjeuner, les ascenseurs ne représentent pas une menace pour moi. Pourtant c’est bien dans l’un de ces engins que je me trouve tandis que mes poumons ont du mal à s’emplir d’oxygène. Je suffoque. Mes narines s’ouvrent grandement pour jouer leur rôle, mais mon cerveau transmet un message contraire. Intérieurement je hurle, mais je n’ai pas envie de me faire remarquer. Sans les voir, je sens que mes yeux rétrécissent et virent progressivement au rouge. J’ai l’impression que la chinoise du 8e s’est aperçue de ma souffrance. Elle me fixe, fronce les sourcils, remue la tête, puis ramène ses yeux sur son smartphone. Oh bien sûr ! J’ai envie de lui hurler que ma vie est plus importante que la dernière apparition de Lady Gaga sur le tapis rouge. Mais je n’arrive même pas à ouvrir la bouche. C’est comme si mon être tout entier s’est mis sur pause. Je n’ai pas mon bronchodilatateur sur moi. Je pique si rarement des crises que je n’ai pas le réflexe de l’emporter partout. Je sens les larmes monter. Une violente nausée s’ajoute à mes malheurs. J’ai intérêt à ne pas vomir sur le beau costume du banquier du 20e. C’est la deuxième fois que je le rencontre. Il ne doit pas être méchant, malgré sa mine serrée. Cheveux impeccablement peignés, imbibés du gel le plus cher qu’il a pu trouver au supermarché. Déjà que je ne lui ai pas dit bonsoir, je ferais mieux de ne pas déverser mon sandwich au thon de ce midi sur lui. Il a l’air si sérieux, il devrait sortir des chiffres de temps en temps. Mais j’ai d’autres choses plus importantes à gérer… Comme ma crise d’asthme dont l’alerte est désormais maximale. La crise ! La crise ! Maman m’a dit de ne pas utiliser de pronom possessif comme si la maladie était mienne. Cling ! L’ascenseur s’ouvre sur le 7e et le dernier à être monté est le premier à en descendre. Dieu merci ! Deux étages de plus à passer avec lui et on m’aurait transportée aux urgences. Impossible de déterminer s’il est plus accro à la nicotine, à la marijuana ou aux alcools bon marché. Ça devrait être interdit de puer autant !

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