lundi 29 juin 2015

Le malheur de vivre: entre valeurs africaines et culture occidentale


 Achever Maïmouna et entamer aussitôt Le malheur de vivre de Ndèye Fatou Kane, c’est un peu comme lire la même histoire à deux époques différentes. À l’instar de Maïmouna, à travers Le malheur de vivre, on découvre les résultantes de l’entêtement des jeunes, à vouloir agir comme bon leur semble et cela en dépit des conseils de leurs parents. Ici également, Dakar semble être le lieu de perversion. L’ironie dans ce livre est que le personnage principal quitte Paris pour se perdre à Dakar. Pas besoin de vous faire un dessin vous m’avez comprise. Enfin je l’espère…

Ndèye Fatou Kane, jeune auteure sénégalaise vivant en France est avant tout bloggeuse. C’est d’ailleurs par le biais de son blog que je l’ai connue. Dans sa petite bulle, Ndèye Fatou (ne l’appelez surtout pas Ndèye ou Fatou séparément) parle de tout mais partage surtout sa passion pour les livres. Serial Reader, c’est pour notre plaisir qu’elle passe de l’autre côté de la page pour nous offrir son tout premier roman, Le Malheur de Vivre. 

J’ai apprécié découvrir la culture Hal Pulaar et certaines de ses expressions même si j’aurais préféré que les significations se trouvent en bas de page. Le lexique de fin, pousse le lecteur à interrompre sa lecture pour chercher ce que signifie chaque mot wolof ou pulaar utilisé. Le malheur de vivre nous immerge dans un monde où se côtoient et se défient parfois la tradition et les valeurs africaines d’un côté et la modernité et la culture occidentale de l’autre. L’écriture de Ndèye Fatou est d’une fluidité telle que vous pouvez même offrir le livre à quelqu’un qui n’aime pas lire et observer le miracle s’opérer…

 Dès le début de l’histoire, le destin est mis en cause. Outre l’épigraphe, extrait de « En attendant le vote des bêtes sauvages », les premières phrases du livre nous apprenne que «  des forces invisibles contrôlent le jeu à notre insu. On les appelle le destin. Ce même destin peut se révéler fort cruel, et ça, Sakina ne l’a que trop bien compris…»

Ah Sakina ! Jamais de toute ma vie de lectrice, je n’ai autant détesté un personnage que le sien. Jeune, belle, issue de bonne famille et élève brillante...jusqu’ici tout va bien. Cependant le personnage principal est d’une puérilité qui m’affaiblit. Et pourtant niveau enfantin, je m’y connais… Ce genre de fiction étant généralement basé sur la réalité, il est possible qu’il existe des Sakina. Et c’est bien cela le plus triste dans cette histoire.

Sakina est une jeune Sénégalaise qui vit en France. Ses parents sont des riches commerçants ayant fait fortune dans le pays de Gaulle. Cajolée, chouchoutée et surprotégée par ses géniteurs; Sakina attend toujours avec ferveur les vacances au Sénégal qui lui permettent en compagnie de ses deux cousines, d'échapper un tant soit peu à la surveillance parentale. C'est lors d'une de leurs virées dans Dakar by night que Sakina rencontre Ousmane, un "boy Dakar" qui n'aspire qu'à  "manger" la vie. C'est le coup de foudre, du moins du côté de Sakina. Je me suis d'ailleurs demandée si ce coup au coeur lui a par la même occasion ratatiné le cerveau. Mais pour comprendre mes interrogations, vous devrez lire vous-même...


Je ne cache pas que je n’ai pas aimé le caractère de Sakina que je n’ai cessé de couvrir de noms d’oiseaux pendant et juste après ma lecture. Pourtant quelques jours plus tard et avec un peu de recul j’ai essayé de comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête d’une Sakina. Amadou et Mariam Bâ en essayant de protéger leur fille des vices contemporains ne lui ont pas souvent donné l’occasion de faire ses propres choix. Grandir dans une famille accrochée aux valeurs africaines, et vivre dans la métropole parisienne sans pouvoir faire comme les autres…cela ne doit pas être évident. Avec la rencontre d’Ousmane, elle croit découvrir un amour en dehors du cercle familial, elle pense avoir trouvé son homme de destin…
 
Ndèye Fatou Kane
La tragédie de la famille Bâ se déroule dans les années 80 mais les leçons qu’on en tire sont applicables en ce 21e siècle. En plus des enseignements de Maimouna, qui s’adressent particulièrement aux jeunes, je trouve que l’histoire de Sakina devrait également interpeller les actuels et futurs parents. Je ne suis certes pas une mère de famille mais je suis une jeune femme qui vit dans ce monde plein de vices et qui voit ce qui se passe autour d’elle. Je crois qu’en essayant d’isoler un enfant, ou de tout lui interdire, on le pousse justement à braver les interdits pour voir de quoi il est question. Chaque enfant est différent, et ce ne sont pas tous les jeunes qui ont conscience des risques de certaines aventures. Combien de nos parents africains aujourd’hui abordent le sujet de la sexualité ou de l’amour avec leurs enfants?  Inculquer des valeurs c’est bien mais permettre aux jeunes de faire leur propres choix en espérant qu’ils auront recours à ces valeurs là c’est mieux. Je pense qu’il ne suffit pas de dire voilà ce qui est bien et voilà ce qui est mal, c’est dès le début de l’adolescence qu’il faut ouvrir la discussion avant qu’il ne soit trop tard…

Vous avez lu le Malheur de Vivre? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

samedi 27 juin 2015

Maïmouna: de préférence avant l'adolescence



Retourner aux sources et utiliser ces sources pour aller de l’avant, c’est bien ce que j’entends faire depuis quelques mois. En attendant d’avoir la chance d’écouter de vive voix certaines traditions orales, c’est vers les livres que je me tourne. Cependant, ce ne sont pas des livres d’histoire que je lis mais de la fiction. De la fiction inspirée de la réalité. J’ai toujours été friande d’auteurs Africains mais me suis trop souvent contentée de lire « ivoirien ». Ayant vu mon enthousiasme pour les livres baisser au fil des années, je suis bien contente de cet amour renouvelé pour les lettres, qui me permet de voyager au gré des mots de l’écrivain.

Par le titre et la photo vous l’avez compris; le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est Maïmouna d’Abdoulaye Sadji. L’auteur Sénégalais fait partie de ces grands hommes qui se sont engagés pour l’indépendance des pays Africains mais surtout pour défendre la culture du continent par le biais de l’écriture. À travers l’histoire de Maïmouna, Abdoulaye Sadji dénonce la perte des valeurs de la jeunesse sénégalaise et par extension africaine selon moi. C’est le lieu pour lui de nous rappeler que nous devons certes nous ouvrir au monde extérieur mais il est important de ne pas oublier ses racines.


« Les tams-tams avaient cessé brusquement, comme malgré eux. Elle était là, la fille de Yaye Daro, grande, claire, éclatante. Tâche fraîche et reposante au milieu de ce monde sans grâce (…) Maïmouna avait l’habitude des foules enthousiastes. Un cri s’éleva et l’impressionna un instant : « Vive l’étoile de Dakar. » »

Vous l’avez compris, Maïmouna est belle, superbement sculptée et attire de ce fait les regards partout où elle pose les pieds. Née et grandissant dans un village reculé sous l’aile protectrice de sa mère la veuve Yaye Daro, Maïmouna se prenant déjà pour une grande ne rêve plus que de quitter son bourg pour la capitale. Devant le refus de Yaye Daro, elle en devient malade jusqu’à oublier tous les efforts consentis par cette dernière et à faire preuve d’insolence. La pauvre Yaye Daro, consentit finalement à laisser sa benjamine rejoindre l’aînée à Dakar. « La parole des vieux peut rester tard dans la forêt, mais elle n’y passe pas la nuit. » Le livre d’Abdoulaye Sadji est plein de proverbes africains mais celui-là est surement le plus à même de décrire à quel point le vieux assit, voit plus loin que le jeune debout.

Déjà dans son Louga natal, la beauté de Maïmouna ne passait pas inaperçue, alors imaginez un peu ce qu’il en est advenu lorsqu’elle fut relookée à Dakar par les soins de sa sœur Rihanna. Seulement voilà, en plus d’être têtue, Maïmouna est jeune et naïve. La pauvre n’a pas compris que l’amour c’est beau mais ça cogne souvent et très durement. Après lui avoir offert la beauté, la gloire, la richesse et la passion, la vie a finalement reprit à Maïmouna tout ce qu’elle lui avait donné et même plus encore.



Bien que paru en 1958, ce livre est toujours d’actualité. Ce n’est pas toujours facile pour nous, jeunes, de comprendre les mises en gardes des anciens. En effet avec ce monde qui évolue vite mais surtout animés par nos passions, et ce que nous croyons être de l’amour, il arrive parfois que nous foncions la tête la première vers des abîmes profonds. Il est difficile pour nous de croire que ces vieux qui ne savent même pas comment utiliser un smartphone puisse nous donner des conseils adaptés à nos nouvelles réalités. Évidemment nous pouvons soutenir qu’il faut faire des erreurs pour apprendre, vivre sa propre expérience. Et pourtant il est des fois où l’expérience et les erreurs des autres devraient être nos meilleurs enseignants. L’Etoile de Dakar l’a appris à ses dépens. Comme me disait quelqu’un lorsque j’ai posté la photo du livre sur Instagram, Maïmouna est un livre à lire avant l’adolescence. En espérant qu’il serve de leçon aux jeunes gazelles qui auront la chance de le parcourir… 


Avez-vous lu Maïmouna? J'aimerais bien savoir ce que vous pensez.

lundi 22 juin 2015

Coup d'Etat Major !

Illustration par Tatou Dembelé

Le visage en face d’elle était méconnaissable. Elle avait du mal à reconnaitre l’homme qu’elle avait aimé et épousé il y avait de cela une dizaine d’années. Elle détourna son visage et fixa la porte, espérant qu’une âme charitable y entre et délivre la pièce de ce lourd silence. Quinze minutes s’écoulèrent sans que cette expression de dégoût ne quitte le visage de Mamadou. On aurait dit qu’il avait envie de vomir mais qu’il se retenait difficilement. De grosses gouttes de sueur perlaient un visage dont les sourcils froncés présageaient le pire. Ses points étaient serrés, prêts à cogner. Les veines de son cou et de son front prêtes à éclater. Mais il ne dit mot et finit par se lever pour se diriger vers la sortie. Fanta attendait qu’il lui jette à la figure « Je ne veux plus de toi » ou encore qu’il se jette sur elle et la batte copieusement. Mais en lieu et place de cris et de coups, un silence étourdissant. L’homme qu’elle avait connu violent et nerveux ces dernières années, laissa place à un étranger. Il se retourna une dernière fois et survola la pièce du regard avant d’ouvrir la porte et de s’en aller.

Comme s’il avait senti que quelque chose de grave venait de se passer, Karim se mit à crier de toutes ses forces de nouveau-né. Il hurlait à fendre l’âme et ne se tut que lorsqu’il eut la bouche pleine du téton gauche de sa mère. Tandis qu’elle allaitait son fils, Fanta se posait des questions sur la réaction de son mari. Comment pouvait-il se maitriser de la sorte après l’affront qu’elle lui avait fait devant toute sa famille, la ville et même le pays tout entier ? Elle pensait qu’il aurait eu mal, qu’il aurait eu envie de tout casser, de la briser. Et pourtant, il avait fait preuve d’une maitrise de soi qu’elle ne lui connaissait pas. Elle se souvenait encore de la raclée qu’elle avait reçu lorsqu’elle avait décroché son téléphone, et demander à l’une de ses nombreuses maitresses de ne plus appeler à des heures indues. Ce jour-là, n’eut été l’intervention de la servante et des gardes du corps de Mamadou, ce dernier l’aurait surement envoyée au cimetière de Sinématiali. Ce fut la même chose lorsqu’elle tenta de s’indigner parce qu’il avait amené un troisième enfant bâtard sous leur toit. Monsieur lui rappela sans sourciller que c’était lui qui mettait le pain dans la bouche de tous les habitants de la concession, sans oublier les larges orifices de ses parents qui grâce à lui dormaient dans une maison en dur là-bas, à quelques kilomètres de Ferké. Lorsqu’elle voulut répliquer qu’elle ne travaillait plus uniquement parce qu’il le lui avait demandé, une gifle magistrale lui apprit à fermer sa bouche quand monsieur parlait.

En  treize années de vie commune, elle avait presque tout vécu. Le bonheur des noces nouvelles, l’extase à la naissance des trois premiers enfants, l’éloignement lorsque le corps de jeune fille laisse place aux vergetures d’une mère de cinq enfants, jusqu’aux coups administrés à la volée pour un rien. Ses amies vers lesquelles elle se tournait lui demandaient d’être patiente. Avec les hommes de la trempe de Mamadou, il fallait savoir fermer les yeux, mettre le cerveau en veille et endurer. Un homme aussi riche, élégant et puissant que lui, ça ne courrait plus les rues d’Abidjan. Elle devait s’estimer heureuse qu’il n’ait pas épousé l’une de ses maitresses. Elle aussi Fanta, en voyant toutes ses amies qui souffraient dans des ménages à trois, quatre, cinq épouses, sans compter les additionnels « bureaux », finit par se convaincre qu’il y avait pire comme mari. Cependant, lorsque ce dernier commença à ne la toucher que tous les trois mois, à ne plus consommer le moindre repas confectionné avec soin et amour, Fanta se dit que s’en était trop. Chef d’État-Major de l’armée ou pas, Mamadou n’était rien d’autre qu’un homme comme un autre. De quelle matière était fait son sexe à lui pour qu’il ne reste pas tranquille ? Elle décida qu’il fallait qu’elle arrête de se morfondre. Elle décida que les lamentations et la résignation avaient été bien trop longtemps ses compagnes.

Illustration par Tatou Dembelé
Alors Fanta engagea un détective qui se chargea de découvrir chacune des maitresses de son époux. La rumeur se répandit très rapidement que toutes les jeunes filles qui sortaient avec le General Mamadou Diakité mourraient dans des conditions mystiques. Certains parlèrent de meurtres pour devenir riche, d’autres encore de sacrifices pour garder les faveurs du président de la république. Mais personne ne soupçonna l’épouse affligée. Mamadou lui n’avait cure de toutes ces rumeurs et continuait d’enchainer les conquêtes, autant que son statut le lui permettait. Maladies sexuellement transmissibles? C’était pour les homosexuels uniquement. Enfants hors mariage? Il en avait déjà une panoplie qu’il n’avait pas de mal à nourrir. Des noirs, des jaunes, des blancs, partout où il passait, Mamadou laissait sa semence et produisait des fruits. Un de plus ou de moins n’y changerait pas grand-chose. Pourtant, lorsque sa femme tomba enceinte une sixième fois, le général Diakité changea un tant soit peu. Il devint même une sorte d’homme attentionné pour celle qu’il ne regardait presque plus. Il rentrait deux fois par semaines, l’appelait pour l’informer lorsqu’il devait aller effectuer une mission (tout le monde Fanta y comprit savait le genre de mission que c’était), et lui offrait même quelques cadeaux quand l’envie lui prenait.

Un soir, Fanta eut l’agréable surprise de voir débarquer à son domicile un cortège de véhicules précédés par des motards. Mamadou était en « mission », aussi fut-elle surprise de recevoir la visite du président de la république lui-même en chair et en os. Tandis que ce dernier s’approchait avec sa femme, Fanta ressentit des contractions. Son cœur se mit à battre à un rythme fou et elle aurait embrassé le sol n’eut été la vigilance du garde du corps qui la suivait comme son ombre. Le président ordonna qu’on la transporte dans l’un des véhicules et tout le beau monde se dirigea vers la PISAM. Le personnel se demandait qui pouvait bien être la femme enceinte qui venait d’arriver pour que son Excellence même et son épouse se trouvent dans la salle d’attente. Après deux heures intense de labeur, le médecin annonça que la délivrance avait eu lieu. Le couple entra et paya ses hommages à la mère et au nouveau-né avec le maximum de contenance possible en de telles circonstances. C’était un beau petit bébé. « Le général a-t-il été informé ? » demanda le président au garde du corps de Fanta. « Oui mon excellence » répondit ce dernier.

Trente minutes seulement après le départ du couple présidentiel, Mamadou arriva en trombe à l’hôpital. Heureux pour l’honneur qui lui avait été fait par le président en accompagnant son épouse à l’hôpital. Il aurait souhaité arriver pendant que le couple présidentiel y était encore mais sa « mission » du jour se voulait capricieuse. Il aurait le temps plus tard de remercier son Excellence. Tandis qu’il pénétrait dans la salle où se trouvait Fanta, l’épouse du président elle, se démaquillait avant de se mettre au lit. Elle se tourna vers son époux et lui souhaita bonne nuit avant de rajouter « Si au moins il avait pris un peu de la mélanine de sa mère…je n’ose même pas imaginer la tête que fera Diakité en voyant ce bébé blanc comme neige. » De l’autre côté du pont, à l’aéroport Felix Houphouët Boigny, le garde du corps de Fanta qui ne la quittait jamais, prenait un vol non-retour pour son pays d’origine.

Illustration par Tatou Dembelé




mercredi 10 juin 2015

Debout Payé: à consommer sans modération



Quand on découvre une belle plume, on est très souvent tenté d’en retrouver le propriétaire. C’est à travers ses articles sur yéyé magazine que j’ai découvert l’auteur avant d’avoir l’opportunité de lire son premier roman. L’engouement autour de ce livre a été remarquable et les récompenses se sont enchainées titillant par la même occasion ma curiosité.

C’est confortablement assise dans le bus et parfois debout (sans être payée) dans le métro, que j’ai parcouru une première fois l’œuvre de celui que l’on a nommé Armand Patrick Gbaka-Brédé. Parcourue parce qu’en vrai, il m’a fallu relire Debout Payé pour savourer et par conséquent mieux apprécier les écrits de Gauz. A la première tentative, je cherchais uniquement à savoir ce que ce livre avait de si spécial pour susciter l’enthousiasme de bon nombre de mes contacts sur Facebook. Toutefois, c’est lorsque j’ai lu Debout Payé un jour après l’avoir achevé la première fois que j’ai compris.

À travers ce livre nous voyageons dans l’espace et dans le temps, des années 70 aux années 2000, des quartiers d’Abidjan aux rues de Paris. De Ferdinand à Ossiri on se rend compte que les années passent mais pas grand-chose ne change. En moins de 200 pages, tout passe à travers les mailles de la critique du vigile (ou de l’auteur). Debout Payé dépeint la société à travers les yeux de ceux que l’on voit à peine. Pour tenir le coup dans le métier de vigile, « pour garder du recul (…) il faut soit savoir se vider la tête de toute considération qui s’élève au-dessus de l’instinct ou du reflexe spinal, soit avoir une vie intérieure très intense. L’option crétin inguérissable est aussi très appréciable. » On devine aisément que Gauz n’a pas opté pour la dernière option. Il a plutôt pris un malin plaisir à manipuler les mots, à jouer sur les sens et sur les sons pour rire du monde autour de lui.

L’une des phrases de la mère d’Ossiri m’a particulièrement marquée. « Il faut des hommes et des femmes volontaires pour vous apprendre, pour vous réapprendre à devenir les Africains que nous, vos parents, aurions du être si on nous avait appris la valeur de notre propre culture, de notre très vieille civilisation. » Il y a tant à retenir de Debout Payé mais ce que moi j’en tire après cette lecture, c’est que Gauz fait surement partie de ces écrivains qui ont choisi la plume pour désenclaver nos esprits.



Désormais, je fais plus attention aux vigiles que je rencontre. Je n’aimerais surtout pas apparaitre dans un livre comme la jeune fille qui passe toujours avec son foulard sur la tête sans saluer, comme les autres… Je suis sûre que je penserai toujours à Debout Payé lorsque je regarderai un spectacle à travers mon écran de téléphone alors que celui-ci se déroule sous mes yeux; chaque fois que je verrai le pagne être prôné comme signe d’africanité…ou encore chaque fois que je passerai devant un magasin Sephora… Debout, assis ou couché, quitte à consommer quelque chose sans modération, autant que ce soit un bon livre…