mardi 27 janvier 2015

Chigata Je T'Aime !

Illustration par HStudio'S


-          Je t’aime
-          Qu’est ce que tu as dis?
-          Je t’aime
-          Pourquoi ? lui demandai-je

L’homme sous mes yeux, celui qui me prononçait enfin ces trois mots était celui que j’avais longtemps attendu. Combien de nuits avais-je passées à me demander s’il finirait un jour par me chanter l’hymne de l’amour ? Il s’était enfin décidé à sauter le pas et pourtant… « Pourquoi ? » c’est tout ce que j’ai pu répondre alors que j’avais enfin ce que j’avais tant espéré entendre. Il était beau dans sa chemise pagne mal boutonnée. Ces lèvres qui venaient de prononcer la formule magique invitaient à toutes sortes de délices. Il était majestueux avec sa barbe taillée en couronne. Il sentait bon comme à son habitude, mais tout était différent ce jour-là. 

-          Je t’aime parce que tu ne te contentes pas d’être belle mais nous fait également l’affront d’être intelligente. Je t’aime parce que derrière cette façade de dure à cuire que tu t’es construite, j’ai pu apercevoir le cœur tendre que tu protégeais. Je peux dire que je t’aime parce qu’au fond je n’espère pas entendre une autre voix que la tienne chaque fois que je me réveillerai. Je ne dis pas que tu as une belle voix et d’ailleurs personne ne me croirait de toutes les façons. L’amour rend aveugle mais il ne m’a pas rendu sourd… C’est pourtant cette voix rocailleuse que j’aimerais avoir comme berceuse chaque fois que je m’endormirai. Je t’aime parce que tu es celle que mon cœur a choisie comme guide. Je pourrais tenter d’énumérer des centaines de raisons mais ce serait faire mentir celui qui a dit que le cœur a ses raisons que la raison elle-même ignore. Chigata je t’aime tout simplement parce que tu es toi et tant qu’il y a de la vie, c’est avec toi que je veux passer le restant de mes jours. 

Sept fois, c’est le nombre exact de fois qu’il a dit qu’il m’aimait en ce jour. Sept fois c’est le nombre de fois exact que je lui ai dit que je l’aimais auparavant. Je me souvenais particulièrement de la première fois. J’avais les lèvres qui tremblaient, le cœur qui battait à tout rompre, les mains moites et le sang qui circulait à vive allure dans mes veines. Il avait remarqué que quelque chose changeait. Il savait surement ce que je ressentais avant même que mes lèvres ne s’ouvrent et pourtant il avait laissé faire. Il aurait pu et aurait dû m’empêcher de franchir le cap mais il est resté stoïque pendant que je me débattais avec ces trois mots qui une fois réunis auraient pu exprimer mes sentiments. Je savais que je n’aurais rien en retour mais j’ai quand même tenté ma chance. Je me suis sentie vulnérable ensuite et pourtant, j’ai continué à lui prononcer cette phrase en espérant qu’un jour je l’entende à mon tour. Sept « je t’aime » plus tard, ce jour était enfin arrivé. À un moment où je n’en rêvais plus, quand je ne l’attendais pas.  

-          Kanigui, tu as comblé un vide dans ma vie. Kanigui, lorsque je t’ai connu j’étais brisée mais tu m’as aidée à me reconstruire. Tu m’as apprise de nombreuses choses dont la plus importante est que j’ai de la valeur. J’ai appris à te connaitre et j’ai appris à t’apprécier. Il fut un jour où j’ai fini par lâcher un « je t’aime » difficilement audible et pourtant en provenance du plus profond de mes entrailles. Ce « je t’aime » des mois plus tard est demeuré sans échos et a fini par s’éteindre aussi silencieusement qu’il avait été prononcé. Je dirai que j’ai insisté tu diras que ce n’était pas assez. Je dirai que tu n’as pas essayé mais j’aurai encore tort comme à chaque fois que tu fais usage de ton talent d’orateur. Quand les choses doivent se faire difficilement ; quand une relation humaine nécessite que l’on fasse des efforts surhumains, alors il est temps de se poser les vraies questions. Kanigui, les choses que l’on met longtemps à croire sont celles qui font mal à croire. J’ai mis du temps à l’accepter. Mais j’ai fini par me faire une raison. J’ai fini par comprendre que même si je t’aimais, nous n’étions pas forcément faits l’un pour l’autre. Et aujourd’hui Kanigui, tu dis que tu m’aimes…

-          Je ne le dis pas seulement Chigata. Je le pense et le ressens dans chacune des fibres de mon corps. Ce n’est pas que de l’amour Chigata. Et ce n’est pas pour rien que tes parents t’ont ainsi nommée. Chigata tu es ma vie. Tu es mon rayon de soleil. J’ai mis du temps à m’en rendre compte mais Chigata tant qu’il y a la vie, l’amour est permis. 

-          Kanigui on dit plutôt que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Mais aujourd’hui je ne te donnerai pas l’occasion d’étaler tes longs discours. Tu as eu l’occasion de me chanter ton amour mais tu as maintes fois fui l’engagement. Je t’ai aimé certes mais à présent mon cœur appartient à un autre. Tu te souviens de ces scènes de film que je trouvais tellement romantiques ? Ce moment où un certain amoureux venait déclarer sa flamme à l’élue de son cœur justement lorsque cette dernière s’apprêtait à épouser un autre devant l’autel ? Cet acte que je prenais à l’époque pour une preuve d’amour n’est que la manifestation d’une lâcheté qui tait son nom mais surtout d’un pur égoïsme.  Kanigui, tu as creusé un trou plus béant que le vide que tu avais comblé auparavant. Mais tu vois cet homme à mes côtés ? Celui que je m’apprête à épouser ? Il a utilisé cette anfractuosité pour installer les fondations de son château. Dorénavant c’est lui le roi de mon cœur alors je te prie de t’en aller afin que nous puissions continuer notre cérémonie. Monsieur le maire je vous prie de ne pas considérer cet incident. Personne ne s’oppose à ce mariage et quand bien même une armée entière d’opposants se présenterait, cette union sera scellée.

Je ne pris pas la peine de le voir quitter la salle de mariage de l’hôtel de ville. J’ai aimé Kanigui mais à présent ma vie c’est Namogo.


Sens des prénoms (senoufos) en français :

Chigata : Tant qu’il y a la vie.
Kanigui : Encore un autre, encore un autre garçon. Ce prénom se donne au 3e ou 4e garçon consécutif d’une mère.
Namogo : Le garçon a duré. Lorsqu’une femme ne met que des filles au monde, son premier garçon est ainsi nommé.



mercredi 21 janvier 2015

Cauchemars En Série !

Illustration par Tatou Dembele

Je me souvenais encore des alertes que lançait le curé de la paroisse Saint Marc cinq ans auparavant. « Faites attention à vos enfants et à vous-même. Ne passez pas par des endroits obscurs tous seuls, surtout les jeunes filles. Avec les fréquents enlèvements qu’il y a eu dernièrement, mieux vaut être prudent. » Et pourtant je me retrouvais à cette heure indue de la nuit dans une ruelle réputée pour avoir été le lieu de bon nombre de kidnappings. Je venais de terminer la messe anticipée du Samedi et c’est ce raccourci que j’avais décidé d’emprunter comme je le faisais depuis plus de trois ans. Maintes fois, mes amies m’avaient déconseillée ce chemin, mais à chacune de leurs plaintes, répondait un haussement d’épaules désinvolte. « Ne vous déplacez qu’en groupe lorsque vous devez rentrer chez vous les soirs, ne laissez pas vos enfants partir tous seuls à la boutique, même si elle se trouve à cinq mètres de la maison. » Tous ces conseils bien qu’utiles n’avaient pas empêché le drame de se produire…

L’homélie du prêtre avait porté sur l’amour du prochain et le pardon. Comme il y a de cela quelques années il nous a aussi invités à la prudence, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Lorsque j’empruntai une énième fois ce couloir, je ne m’attendais pas à tomber nez à nez avec cet homme qui tirait par la force Kitana, la fille de ma voisine. Une lueur macabre brillait dans ses yeux, perceptible malgré le mauvais éclairage du couloir. Il se fit de plus en plus menaçant à mon approche et resserra son étau autour du poignet de Kitana. Je me demandais ce qu’elle faisait dehors à cette heure, mais cette question laissa rapidement place à l’imminence du danger. Ce n’était même plus Kitana que j’apercevais. À travers cette scène, je voyais mon propre enfant luttant pour rester auprès des siens. Tout à coup les images se firent plus claires dans mon esprit. L’homme devant moi circulait beaucoup dans le quartier bien que n’y habitant pas. Il avait l’habitude de s’asseoir à l’aire de jeux où les enfants jouaient au football…

Je trainais depuis longtemps une sourde colère tenant compagnie à une tristesse sans nom. Cette tristesse qui me suivait telle mon ombre depuis le jour que j’ai perdu Donikan. Chaque nuit je revoyais son sourire, les fossettes qui creusaient joliment ce tendre visage trop tôt enlevé au cocon familial. Son petit corps frêle m’apparaissait, gesticulant dans le quartier, tapant dans un ballon de foot avec ses petits camarades. Puis comme un cauchemar surgissaient tous ces petits corps dénués du moindre souffle de vie, mutilés pour servir des desseins malsains. Pendant longtemps je me suis demandée si c’était des êtres humains qui commettaient de telles atrocités. Pour le pouvoir, la richesse, ils étaient nombreux à endeuiller des familles en leur arrachant ce qu’ils ont de plus précieux.

Malgré les cinq longues années qui s’étaient écoulées, j’avais l’impression de tout revivre à nouveau. Et pour cause, les élections approchaient, et des enfants ainsi que de nombreuses jeunes filles disparaissaient. - Il faut croire que la jeunesse et la gent féminine est beaucoup appréciée par les esprits malins qui se cachent derrière tous ces sacrifices humains.- À nouveau tout le monde était aux aguets, surtout chez le petit peuple. Les rumeurs disaient que c’étaient des autorités, des « grands types », qui étaient à l’origine de cette macabre chasse à l’homme car ils devaient consolider leurs positions après les élections. Et comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle race de prédateurs avait vu le jour depuis quelques années. 

Ils avaient commencé par arnaquer les Européens sur internet - soit disant pour se faire rembourser la dette coloniale-. Sans tenir compte de la mauvaise propagande qu’ils faisaient de leur pays, ils se sont ensuite attaqués à tout le monde y compris aux Africains - surement cette fois pour venger les esclaves vendus par leurs propres frères pendant la traite négrière- … Ceux que l’on appelle brouteurs faisaient donc partie de ceux dont on devait se méfier au risque de perdre un proche ou sa propre vie. Lorsque les pigeons se faisaient rares, ces bovidés amateurs de chair humaine détruisaient des vies sur les recommandations de leurs charlatans. Pour être riche dans certaines sphères, il fallait offrir des organes humains aux génies…

Lorsque je vis la lame du couteau briller dans le noir, ma main avait déjà saisi mon revolver et s’en était suivi un bruit sourd. L’homme était à terre, touché à l’épaule et avait lâché l’arme blanche. La petite avait crié avant de courir se mettre derrière moi. Il me regardait, se trainait, gémissait de douleur et me suppliait de le laisser vivre.

-          Je vous en prie, c’est la misère qui m’a conduit sur ce chemin. Je t’en prie je ne recommencerai plus. 

-          Écoutais-tu les supplications de cette fillette il y a de cela quelques minutes ? M’aurais tu épargnée la vie si tu en avais eu l’occasion ? Vous êtes tous pareils, des monstres qui ne méritez pas de vivre.

Je m’apprêtais à tirer lorsque j’aperçu au loin surplombant les habitations, un panneau publicitaire affichant « Alerte enfants en détresse appelez le 116. » À quelques encablures de là se trouvait également la gendarmerie d’un côté et le commissariat de police de l’autre. Le coup de feu aurait dû alerter quelques curieux dans les minutes suivantes. J’aurais pu attendre que la justice fasse son travail. Mais devant moi, se succédaient les différents cadavres d’enfants que j’avais du identifier à la recherche de mon fils. 

Face à ce criminel sous mes yeux, se superposait l’image du lit vide de Donikan. Le rêverais-je un jour ? Finirais-je par savoir ce qu’il est advenu de mon bien aimé ? Pourquoi ne devrais-je pas me faire justice ? Pourquoi ne pas lui faire payer pour les crimes qu’il a commis et qu’il commettra surement si jamais les forces de l’ordre ne font pas correctement leur travail ? Tandis que j’ajustais mon arme pour faire feu, des gouttes de pluie me tombèrent sur le visage…ou plutôt des perles de sueur après avoir encore fait le même cauchemar. Je me réveillai en sursaut. À mes côtés, dormait ce petit être fragile qui illumine mes journées. Je le serai dans mes bras en ayant une pensée pour ces familles endeuillées par des êtres sans vergogne...



jeudi 15 janvier 2015

Les Conseils d'Aleph


Pour mon premier article de 2015 j’aurais voulu écrire quelque chose de spécial. À la base je voulais traduire cet article mais j’avoue que ce n’est pas toujours évident de passer de l’anglais au français. Lorsque je suis inspirée à écrire dans une langue, je peine très souvent pour retranscrire les mêmes idées, sentiments dans l’autre. Mais je vais essayer et ça commence aujourd’hui avec cet autre article que j’ai écrit sur Ayelive.

Je vais donc vous parler de ce que j’ai retenu lorsque j’ai lu Aleph de Paulo Coelho. Comme je le disais à une amie, notre appréciation d’un livre est souvent influencée par ce que nous traversons dans notre vie lorsque nous le lisons. En effet, ce que nous avons vécus ou ce par quoi nous passons peut affecter la façon dont nous lisons, aimons et comprenons un livre. C’est le constat que j’ai effectué lorsque j’ai relu Aleph de Paulo Coelho. La première fois, ce roman m’a très vite ennuyé et est alors retourné rejoindre la pile des livres non-lus sur mon étagère. Bien que je ne le classe toujours pas parmi mes livres préférés, la deuxième tentative a été la bonne et m’a permise de retenir de grandes leçons que je voudrais partager avec vous.

1-     Nous sommes ce que nous désirons être.

Pour moi, la meilleure illustration de cette première leçon est la relation parent-enfant. Certains enfants sont prêts à reporter ou même abandonner leurs rêves au profit de la carrière professionnelle que leurs parents souhaitent pour eux. Finalement, bon nombre de personnes finissent par faire un travail qu’ils détestent et qui les rend malheureux. Ils passent alors leur temps à se plaindre du choix que leurs parents les auraient « forcés » à faire.  Paulo Coelho dit que « Nous ne sommes pas ce que les gens désirent que nous soyons. Nous sommes ce que nous désirons d’être. Culpabiliser les autres c’est toujours facile. Vous pouvez passer votre vie à rendre le monde coupable mais vos succès ou vos échecs sont de votre entière responsabilité. »

2-     Prenez des risques et faites ce que vous désirez

Il y aura toujours des gens pour médire de vous peu importe ce que vous faites. Même les grands messagers tels que Muhammad, Jésus et Moise (paix et bénédiction d’Allah sur eux) n’ont pas fait l’unanimité alors c’est évident que nous ne pouvons en aucun cas plaire à tout le monde. Étant des êtres humains, nous serons amenés à échouer dans certaines entreprises. Toutefois, il est important pour tous, d’appliquer ce conseil de Coelho. « Ne vous laissez pas intimider par l’opinion des autres, seule la médiocrité est infaillible, alors prenez des risques et faites ce que vous désirez. Cherchez des personnes qui n’ont pas peur de se tromper et, par conséquent, commettent des erreurs. C’est pourquoi leur travail n’est pas toujours reconnu. Mais ce sont des gens de ce genre qui transforment le monde et, après beaucoup d’erreurs, parviennent à réussir quelque chose qui fera toute la différence dans leur communauté. »

3-     Visitez votre âme, au lieu de visiter votre passé

Nous avons parfois cette mauvaise habitude de nous focaliser sur ce que nous aurions pu ou  faire pour changer notre présent. Nous oublions or, devons savoir que le passé est passé et nous ne pouvons aucunement changer ce qui est arrivé. En fait c’est ce que je dis souvent lorsque je vois des amis se morfondre pour des mauvaises notes. Le plus important pour chacun d’entre nous doit être ce que nous pouvons faire aujourd’hui pour changer notre situation. L’auteur dit que «Il faut un grand effort pour se libérer de la mémoire mais quand vous y parvenez, vous commencez à découvrir que vous êtes plus capables que vous ne le pensez. Visitez votre âme, au lieu de visiter votre passé. »

4-     Vivre c’est faire des expériences

Dans Aleph - qui est définit par un point où l’univers tout entier est contenu -, le narrateur a passé de nombreuses années à observer et essayer de comprendre son environnement; à apprendre des théories sur la vie et la spiritualité. À un moment de sa vie, il s’est senti frustré, engagé dans une routine qui ne le menait nulle part. Alors que le doute commençait à s’installer quant  à la voie qu’il suivait, son maitre J. l’a convaincu d’expérimenter quelque chose de nouveau. Aleph relate le voyage de Paulo Coelho pour se redécouvrir. Ce voyage l’a conduit à parcourir 9288 kilomètres à bord du Transsibérien et par la même occasion à en apprendre plus sur lui-même et les autres. Tout comme moi la première fois que j’ai lu ce livre, certaines personnes le trouveront surement ennuyeux ou difficile à lire au début. Mais s’il n’y a qu’une seule chose que nous devions retenir d'Aleph, ce serait que « Vivre c’est expérimenter et non penser au sens de la vie. »