lundi 29 décembre 2014

Rendez-vous au prochain wagon !

Andrée Fayçallyne Thes

J’ai toujours su que tu finirais par partir. Un homme comme toi n’était pas fait pour rester en un seul endroit. Tu étais nomade quand bien même issu d’un peuple sédentaire. Ton voyage en soi est supportable mais c’est le fait d’imaginer que je ne reverrai plus ton sourire qui m’attriste. Tu avais le don de m’agacer parfois alors que tu ne cherchais qu’à me taquiner. Tu avais cette façon spéciale de dire « Mimi »… un son particulier qu’en cette nuit j’entends résonner en boucle. Bras dessus bras dessous, c’est l’image que je garde de nous sillonnant des routes de Yopougon.

Il fut une période pendant laquelle ma meilleure amie me disait : « Édouard, Édouard, tu n’as plus que ce nom à la bouche ». Quoi de plus normal, lorsqu’ à cette époque tu étais celui qui me faisait toujours rire. À qui voulait l’entendre, je racontais mes journées passées dans ton quartier. Toi et moi savions qu’il ne s’agissait que d’amitié. D’ailleurs, tu savais surement pour qui j’avais le béguin à l’époque. Je ne suis pas une amie facile et pourtant jamais tu n’as eu un mot plus haut que l’autre à mon encontre. Lorsque le sort cruel s’acharnait sur toi, ton sourire camouflait tes larmes et ton humour faisait office d’armure. Comme toi je me suis découverte une âme de voyageuse. Seulement je pensais que comme moi tu étais de ceux qui revenaient toujours à la maison.

Je ne sais plus à quand remontent nos derniers fous rires. Cela fait peut-être plus d’un an que je t’ai vu. En grandissant, nous avons pris diverses routes. Les mentalités changent, les objectifs ne sont plus les mêmes avec l’âge. Je te trouvais à présent insouciant et peut être m’aurais tu traitée de snob aujourd’hui. Cela faisait belle lurette que nos discussions se faisaient rares mais je pensais te retrouver à mon retour. Au fond tout comme les autres, je te prenais pour acquis. Je savais que tu étais de ceux qui découvraient de nouveaux horizons mais je ne pensais pas que tu partirais si loin et si tôt.

Je n’ai pas éclaté en sanglots en apprenant ton départ. Ce sont des larmes silencieuses qui ont accueilli le coup. Au défilé grotesque d’hommages à ton égard, vient s’ajouter cet article qui vient trop tard. C’est vrai que personne ne restera…Toutefois j’aurais préféré recevoir un coup de fil m’annonçant ton départ comme tant d’autres, sur un bateau chargé de rêves. Plutôt que d’apprendre sur Facebook que les flots t’avaient emporté. Toi qui étais toujours joyeux, c’est un bien triste noël que tu laisses à tes proches.


Paulo Coelho dit dans Aleph que ce que nous appelons « vie » est un train avec de nombreux wagons. Parfois nous sommes dans l’un, parfois dans l’autre. Alors je prie que Dieu ait pitié de ton âme, et nous permette de nous retrouver dans ce wagon où tu as entamé la suite du voyage. Je te préviens, je veux la place à côté de la fenêtre…

mercredi 17 décembre 2014

Martyres pour quoi ?

 Illustration par Saraï D'Hologne
Couchée sur mon lit, toute seule, et me tordant de douleur, je t’imagine te prélassant dans ton jardin de délices. À tes côtés, l’homme de ta vie. Celui dont tu n’as pas eu besoin de rêver pour voir tes désirs exaucés.  Tu devais avoir fière allure pendant que tu profitais de ton statut de privilégiée. Qu’est-ce que ça fait d’être parmi les premiers, de faire partie du top des tops ? Ne me dis rien ! Tu devrais ensuite me raconter ce que tu vis à présent et j’ai bien trop mal pour écouter des lamentations. J’aurais évidemment aimé savoir ce qui s’est passé, enfin… avoir ta version des faits. Seulement ni toi, ni moi ne savons quand est ce que nous nous rencontrerons si jamais cela devait se produire. J’en ai entendues des choses à ton sujet et j’en ai surtout lues. Une histoire pas très flatteuse mais j’essaie de ne point te jeter la pierre car j’honorerai mon père et ma mère.  

Je ne suis pas de ces enfants qui affublent leurs mères indignes de noms d’oiseaux, les jugeant responsables de tous leurs maux. À ta place une autre aurait peut-être fait la même chose alors quelque part je suis soulagée que ce fut toi plutôt que moi. Certaines t’accusent de nous avoir vendues à vil prix, d’être une traitresse. Ne leur en veux pas mais essaie plutôt de comprendre leur colère. Maman, c’est ainsi que nous devrions t’appeler. Et pourtant… Il est difficile pour la plupart d’entre nous de voir en toi un modèle.

C’est vrai que tout au fond d’elles, il y en a qui sont justes soulagées de pouvoir nommer leurs souffrances. C’est vrai que parfois elles oublient que l’esprit est fort mais que la chair est faible. C’est aussi vrai que nous n’étions pas présentes au moment T, à l’instant précis où tout cela s’est passé pour comprendre quelles ont été tes motivations. Tu nous les aurais peut-être expliquées si tu en avais eu l’opportunité afin que nous comprenions ce qui nous arrive et surtout pourquoi. Seulement la parole ne t’a pas été donnée et nous nous contentons de croire en ce qui a été dit, écris.

De ce que j’ai lu, tu avais pour toi une liberté peut être pas totale, mais une indépendance à laquelle nul ne peut prétendre aujourd’hui. Tu étais une reine, bénie avant d’être. Malheureusement, comme toutes les épouses de Barbe Bleu, la curiosité aura eu raison de toi. On dit qu’à la tentation tu as succombé et dans l’abime tu nous as tous entrainés. J’aurais voulu ne pas y croire. J’aurais voulu dire à certains que tu as aussi été une victime, mais la vérité est que j’ai des doutes.  

Quand les douleurs de l’enfantement se prononcent, quand les dysménorrhées se font de plus en plus violentes, certaines, la plupart, et même moi (qui essaie tant bien que mal de te comprendre), ne pouvons-nous empêcher de penser que c’est pour une pomme aussi succulente fut-elle que nous souffrons le martyr. Maman Ève, j’ai mal.