Andrée Fayçallyne Thes |
J’ai toujours su que tu finirais par partir. Un homme comme toi n’était pas fait pour rester en un seul endroit. Tu étais nomade quand bien même issu d’un peuple sédentaire. Ton voyage en soi est supportable mais c’est le fait d’imaginer que je ne reverrai plus ton sourire qui m’attriste. Tu avais le don de m’agacer parfois alors que tu ne cherchais qu’à me taquiner. Tu avais cette façon spéciale de dire « Mimi »… un son particulier qu’en cette nuit j’entends résonner en boucle. Bras dessus bras dessous, c’est l’image que je garde de nous sillonnant des routes de Yopougon.
Il fut une période pendant laquelle ma meilleure amie me disait : « Édouard,
Édouard, tu n’as plus que ce nom à la bouche ». Quoi de plus normal,
lorsqu’ à cette époque tu étais celui qui me faisait toujours rire. À qui
voulait l’entendre, je racontais mes journées passées dans ton quartier. Toi et
moi savions qu’il ne s’agissait que d’amitié. D’ailleurs, tu savais surement
pour qui j’avais le béguin à l’époque. Je ne suis pas une amie facile et
pourtant jamais tu n’as eu un mot plus haut que l’autre à mon encontre. Lorsque
le sort cruel s’acharnait sur toi, ton sourire camouflait tes larmes et ton
humour faisait office d’armure. Comme toi je me suis découverte une âme de
voyageuse. Seulement je pensais que comme moi tu étais de ceux qui revenaient
toujours à la maison.
Je ne sais plus à quand remontent nos derniers fous rires. Cela fait peut-être
plus d’un an que je t’ai vu. En grandissant, nous avons pris diverses routes. Les
mentalités changent, les objectifs ne sont plus les mêmes avec l’âge. Je te
trouvais à présent insouciant et peut être m’aurais tu traitée de snob aujourd’hui. Cela
faisait belle lurette que nos discussions se faisaient rares mais je pensais te
retrouver à mon retour. Au fond tout comme les autres, je te prenais pour
acquis. Je savais que tu étais de ceux qui découvraient de nouveaux horizons
mais je ne pensais pas que tu partirais si loin et si tôt.
Je n’ai pas éclaté en sanglots en apprenant ton départ. Ce sont des larmes
silencieuses qui ont accueilli le coup. Au défilé grotesque d’hommages à ton égard,
vient s’ajouter cet article qui vient trop tard. C’est vrai que personne ne
restera…Toutefois j’aurais préféré recevoir un coup de fil m’annonçant ton départ
comme tant d’autres, sur un bateau chargé de rêves. Plutôt que d’apprendre sur
Facebook que les flots t’avaient emporté. Toi qui étais toujours joyeux, c’est un
bien triste noël que tu laisses à tes proches.
Paulo Coelho dit dans Aleph que ce que nous appelons « vie » est un train avec
de nombreux wagons. Parfois nous sommes dans l’un, parfois dans l’autre. Alors
je prie que Dieu ait pitié de ton âme, et nous permette de nous retrouver dans ce
wagon où tu as entamé la suite du voyage. Je te préviens, je veux la place à côté de la fenêtre…